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Le Congrès rejette le financement d’urgence du mur, nouvelle humiliation pour Trump

Après la Chambre des représentants, le Sénat a rejeté jeudi, grâce à la défection de 12 élus républicains, le financement d’urgence du mur que veut construire le président américain à la frontière avec le Mexique, emblème de sa politique de lutte contre l’immigration clandestine.

Nouvel épisode dans le bras de fer qui oppose Donald Trump et les élus du Congrès. Et nouvelle humiliation pour le président américain : jeudi après-midi, le Sénat a rejeté, grâce à la défection de 12 élus républicains, le financement d’urgence du mur qu’il veut construire à la frontière avec le Mexique, emblème de sa politique de lutte contre l’immigration clandestine. L’opposition farouche entre le président et les élus démocrates du Congrès à ce sujet avait précipité les Etats-Unis dans la plus longue paralysie budgétaire de leur histoire : trente-cinq jours de «shutdown», entre décembre et janvier.

Les sénateurs démocrates et un nombre croissant de leurs collègues républicains s’opposaient ces derniers jours à la procédure d’«urgence nationale» décrétée mi-février par le président américain afin de contourner le Congrès, qui refuse de lui accorder les 8 milliards de dollars qu’il exige pour construire son «grand et beau mur». Un projet bien trop coûteux et inefficace selon les démocrates, qui avaient taxé la procédure d’urgence d’«abus de pouvoir flagrant» dès son annonce. Mais la question dépasse le clivage idéologique et partisan sur la question de l’immigration. Les élus n’apprécient guère, en effet, que Trump piétine une prérogative centrale du Congrès : le contrôle du budget, un pouvoir que leur garantit la Constitution. En tout, 59 sénateurs ont soutenu jeudi la résolution démocrate proclamant que «l’urgence nationale déclarée par le président le 15 février» était«annulée». Le texte ayant déjà été adopté par la Chambre des représentants, ce vote marque l’approbation finale du texte par le Congrès.

«VETO !» a répondu Trump sur Twitter juste après le vote. «J’ai hâte d’opposer mon veto à cette résolution d’inspiration démocrate, qui ouvrirait les frontières tout en augmentant la délinquance, les drogues et les trafics dans notre pays», a-t-il ajouté dans un second tweet. Alors que l’issue du vote se précisait ces derniers jours, le Président avait déjà annoncé qu’il ferait usage de son droit de veto pour préserver sa procédure d’urgence. Une première pour Trump, et un comble, alors qu’avec 53 sièges sur 100, son propre parti est majoritaire au Sénat. Une improbable majorité des deux tiers dans les deux chambres serait désormais nécessaire pour outrepasser ce veto.

Rebelles

Parmi les sénateurs républicains qui ont décidé de ne pas suivre les injonctions du président, on trouve plusieurs figures modérées, comme Susan Collins (Maine) et Lisa Murkowski (Alaska), qui ont déjà voté par le passé avec les démocrates. Egalement, le libertarien Rand Paul, ou Mitt Romney, ancien candidat à la présidentielle de 2012, qui a expliqué avoir voulu voter «en faveur de l’équilibre des pouvoirs [entre le législatif et l’exécutif], au cœur de notre Constitution». Plus surprenant, une poignée de conservateurs, d’habitude loyaux envers Donald Trump, ont fait de même. Parmi ces nouveaux rebelles, Jerry Moran (Kansas) : «Je partage l’objectif du président Trump de renforcer nos frontières, mais je ne peux soutenir l’expansion des pouvoirs de la présidence au-delà des limites constitutionnelles», a-t-il écrit sur Twitter.

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Rappelant que le pouvoir du Congrès sur le budget est «une source cruciale» de la «liberté» des Américains, le sénateur du Tennessee Lamar Alexander a expliqué dans un communiqué avoir voté en faveur de la résolution pour éviter de créer «un dangereux précédent» avec un futur président démocrate. «Certains candidats démocrates à la présidentielle affirment déjà qu’ils déclareraient des urgences nationales pour détruire le mur existant à la frontière, confisquer les armes, stopper les exportations de pétrole et autres initiatives gauchistes, le tout sans l’approbation du Congrès.»

C’est le second camouflet infligé à Trump cette semaine par le Congrès. Mercredi, le Sénat a approuvé une résolution l’exhortant à arrêter tout soutien américain à la coalition saoudienne dans la guerre au Yémen, notamment dans le sillage du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi«Le vote d’aujourd’hui couronne une semaine de quelque chose que les Américains n’ont pas beaucoup vu ces deux dernières années : les deux partis au Congrès américain, tenant tête à Donald Trump», s’est réjoui jeudi le leader des démocrates au Sénat, Chuck Schumer. Le Président a affirmé, là aussi, son intention de bloquer cette autre résolution par un veto.

Isabelle Hanne correspondante à New York

Libération

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