EDITO

Ligne de force: Le cas MAHMOUD DICKO

L’affaire des 50 millions de francs CFA, qui a enflammé les réseaux sociaux le week-end et continuera à défrayer la chronique quelque temps encore est illustrative de la dégradation très avancée de d’intérêts ayant longtemps rapproché IBK et Mahmoud Dicko. Le premier offrira ainsi au second sa première résidence à Baco djicoroni ACI et le couvrira de nombreuses autres libéralités. En contrepartie de quoi le président du Haut Conseil islamique mobilisera les associations musulmanes et toutes les mosquées du Mali pour assurer » un quasi plébiscite » à son bienfaiteur, à la présidentielle de 2013.

La complicité entre les deux hommes ira plus loin. Sous le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga (avril-décembre 2017) « une commission de bons offices » est créée. Son objet est de nouer le dialogue avec les djihadistes locaux, singulièrement le plus puissant et le plus redouté d’entre eux, Iyad Ag Ghali que Mahmoud Dicko décrit comme » un ami « . Pour preuve, il avait réussi à obtenir de lui la libération de 160 militaires maliens faits prisonniers, une thèse qui ne rend pas compte totalement de la réalité.

Toujours est-il que l’imam de Badalabougou est nommé à la présidence de cette structure dotée du coquet budget de 700 millions de FCFA. Hélas ! L’enthousiasme et la fierté qu’il ressentait à conduire une mission à ses yeux de la plus haute importance, puisque déterminante pour la paix et à la sécurisation du Mali, ne dureront qu’un trimestre. En décembre 2017, Abdoulaye Idrissa Maïga est remercié de la primature au profit de Soumeylou Boubèye Maïga. S’ensuit la dissolution de la » commission des bons offices « . L’explication officieuse qui en a été donnée est que les Français et les Américains, les plus précieux partenaires du Mali dans la lutte contre les djihadistes, sont hostiles à tout dialogue avec eux.

Conséquence : IBK ne pouvait que remballer sa « commission « .

Depuis, Mahmoud Dicko est devenu un pourfendeur en diable du régime. Et de son Premier ministre en qui il voit la vraie source de son infortune. Ou plutôt de l’humiliation à lui infligée. Ne s’encombrant plus de son statut de leader religieux- même s’il n’a pas de disciples derrière lui, à l’instar de Cherif Ousmane Madani Haïdara- Dicko est descendu dans l’arène politique et, à visage découvert, les mots crépitant dans sa bouche comme des balles, il a entrepris de mener son propre djihad contre le pouvoir en place, présenté comme la pire abomination.

L’introduction projetée de « l’éducation sexuelle complète » dans l’école malienne lui a fourni l’occasion de rameuter le banc et l’arrière banc de tous ceux qui voient dans les valeurs islamiques et celles traditionnelles l’alternative à un système perverti par l’Occident.

L’enlèvement de l’imam Kontao (il sera libéré par la suite) et l’assassinat d’un autre imam, Abdoulaziz Yattabaré, vice-président du Haut Conseil islamique, par un individu passant pour être un homosexuel, sont venus apporter de l’eau à son moulin. La gouvernance actuelle est désormais dépeinte comme le mal absolu et il urge de l’éradiquer. C’est le sens de ses propos que voici, qui ne sont pas une première : » Le Mali a besoin d’une refondation authentique basée sur nos valeurs sociétales et religieuses. Même s’il est difficile pour certains d’entendre cela, notre pays a besoin d’autre chose que ce qu’ils veulent nous imposer « .

En termes clairs, il faut abolir le système démocratique actuel qui n’a engendré que ruine, division, perte de souveraineté, déchéance morale et le remplacer par une République islamique à coloration locale. Dans laquelle, cela va sans dire, lui Mahmoud Dicko jouerait un rôle central.

L’activisme politique dans lequel il s’est fourvoyé ayant éloigné de lui la majorité des membres du bureau du HCIM, Mahmoud Dicko a perdu tout espoir de se maintenir à la tête de l’organisation faîtière des associations musulmanes, à l’expiration de son deuxième mandat cahoteux, dans quelques mois. On lui prête le projet de créer un parti d’obédience islamique bien que l’actuelle Constitution l’interdise. Mais il a conscience d’être en face d’un Etat faible.

Ceux qui ont la responsabilité de cet Etat, les forces démocratiques et sociales, les intellectuels le laisseront -ils faire ?

Saouti Haïdara

Source: L’Indépendant

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