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Moussa Niagnaly, coordinateur national de l’AEEM, à cœur ouvert : « Nous souhaitons qu’il y ait un compromis entre les enseignants et le gouvernement d’ici le lundi»

La situation déplorable de l’école malienne est sur toutes les lèvres. Les grèves intempestives, les violences, les retards dans le paiement des trousseaux et bourses, etc., constituent des maux qui minent les  espaces scolaires et universitaires maliennes. Pour nous imprégner des actions que mène l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM), nous avons rencontré son coordinateur national, Moussa Niangaly qui nous a accordé une interview.

Lisez l’entretien !

Le Pays : Nous savons que les défis à relever dans le milieu éducatif malien sont nombreux. Alors, en termes de bilan, que pouvons-nous retenir de votre mandat?

Moussa Niangaly : On est aujourd’hui à huit mois de mon élection au poste de secrétaire général de la coordination nationale de l’AEEM. Alors, ça serait difficile de dire tout ce que nous avons pu mener comme activité. Si je dois le faire, c’est tout un document  à remplir. Mais je peux quand même donner quelques grandes réalisations. Nous nous sommes beaucoup impliqués par rapport à la promesse présidentielle de 2013 afin que chaque étudiant puisse bénéficier un ordinateur. On avait également demandé l’amélioration des conditions de vie et d’étude des étudiants du Mali. Grâce à la collaboration du CENOU et du ministère de l’Éducation, cela aussi est devenu un acquis dans la mesure où récemment, nous avons eu de nouveaux, bus au nombre de 5 ou 8 pour le transport des étudiants maliens. On a eu aussi des infirmeries bien équipées. Dans le cadre également de la lutte contre les violences dans les espaces scolaires et universitaires, je peux aussi dire, aujourd’hui,  que nous avons pu stabiliser cela en prônant le dialogue et la communication entre les uns et les autres. Je viens d’évoquer juste quelques points et je pense qu’avec notre cahier de doléances très large qu’on est en train de discuter avec les partenaires de l’école malienne pour rentrer dans les détails des revendications que nous avons afin d’avoir gain de cause.

Les violences dans le milieu universitaire sont sur toutes les lèvres. Votre organisation est pointée du doigt. Certains esprits critiques appellent même à la dissolution de l’AEEM. Qu’en pensez-vous ?

C’est ce que j’ai dit dernièrement lors d’une rencontre du bureau de coordination où nous avons discuté de cela. Présentement, ce n’est pas tous les militants de l’AEEM qui sont violents. J’ai consacré mon premier mandat à travailler à bannir les violences dans les espaces scolaires et universitaires. Certains prennent pour couverture l’AEEM pour être violents dans le milieu universitaire. Certains de ces gens ne sont même pas des étudiants. Par exemple cette année, ça ne dépasse même pas deux mois, quand on a demandé au CENOU de monter sur les campus universitaires afin de contrôler si ceux qui sont hébergés sont réellement des étudiants, on a recensé près d’une vingtaine de personnes qui n’étaient pas des étudiants. Nous ne savons pas comment ils sont montés. Néanmoins, nous avons demandé au CENOU de les faire descendre tout simplement. Ce sont  des gens qui déploient tous les moyens possibles pour infiltrer le milieu scolaire. Ainsi, une fois qu’ils commettent des actes de violence, les étudiants sont pointés du doigt. Je n’exclus nullement le fait qu’il y ait parmi nous des individus violents. Ce sont des mauvaises graines qui ne sont pas nombreuses. Toutefois, il faut reconnaitre que nous avons pris, aujourd’hui, des mesures idoines face à cela. La Faculté des droits privés en est un exemple frappant. Cette faculté se trouve sanctionnée jusqu’à nouvel ordre de toutes les activités de l’AEEM. Cela est dû au constat de quelques actions violentes qui se sont produites au sein de ladite faculté. Ce sont des principes de l’AEEM. Tous ceux qui se disent militants de l’AEEM et qui commettent des actes violents, on va purement et simplement les radier de l’association et on aide même souvent les autorités à les arrêter en partenariat avec les forces de l’ordre.  Il faut noter que la plupart de ces violences se passaient lors des renouvellements des  bureaux de l’AEEM parce que le bureau de coordination avait toujours une position par rapport à ces renouvellements.

Lorsque nous partons vers des élections libres et transparentes, il sera rare de voir des violences. La méthode que nous utilisons, c’est d’organiser des élections, de partir vers des consensus. Dans une faculté que nous voulons réunir et s’il se trouve qu’il y a cinq candidats, nous cherchons d’abord un consensus à défaut de cela, nous partons vers des élections libres et transparentes. Celui qui remporte ainsi la majorité, vous allez remarquer qu’il y aura assez de stabilité durant un moment au sein de cette faculté. Présentement, il est très rare de voir des cas de violence dans le milieu universitaire. Cela grâce à notre nouvelle politique. Je reste convaincu que sur cette base nous mettrons fin aux violences dans les espaces scolaires et universitaires. J’ai dit aux militants de l’AEEM que si aujourd’hui on demande la dissolution de l’AEEM, beaucoup de gens vont applaudir, donc, il faut contrôler les agissements.  C’est pourquoi nous tendons vers le bannissement de la violence dans le milieu universitaire.

On parle de la politisation de l’AEEM depuis un certain temps. Qu’en est-il réellement?

L’AEEM est une association apolitique. Certes, en dehors de l’AEEM, nous collaborons avec des hommes politiques. Mais cela n’a rien à voir avec l’AEEM. Les anciens de l’AEEM sont impliqués dans les activités de l’AEEM. Cela c’est pour renforcer les liens de cohésion que nous avons. C’est pourquoi à chaque fois que nous avons des activités, vous allez voir pratiquement tous les anciens secrétaires généraux de l’AEEM. Or, 90% de ces anciens sont des hommes politiques. À chaque fois que nous avons des activités, nous prenons conseil auprès d’eux en tant que nos ainés. Nous sommes une fois de plus une association apolitique. Notre affinité avec des hommes politiques se limite dans le cadre d’anciens membres de l’AEEM.

Par rapport au retard dans le paiement des trousseaux et bourses, le CENOU aussi bien que des étudiants trouvent que le problème incombe en grande partie à vous parce que vous ne mettez pas de pressions sur l’administration universitaire pour qu’elle envoie à temps les résultats des examens. Que répondez-vous ?

S’il s’agit des pressions, nous les mettons suffisamment sur les autorités pour le paiement des bourses. Mais le problème est qu’avec le système LMD, il y a chevauchement d’année. Dans une même faculté, vous allez constater que certains commencent l’année en octobre, d’autres en janvier, d’autres encore en février. Ce qui fait qu’on ne peut pas dire qu’il y’a une rentrée universitaire globale dans toutes les facultés. Je ne peux pas nier que les résultats tardent souvent au niveau des facultés. Mais il faut noter que le problème ne relève pas uniquement des facultés, car même au niveau du trésor, les dossiers trainent souvent. Si ce n’est pas la pression de l’AEEM, les dossiers peuvent trainer un à deux mois à ce niveau. Le véritable souci des secrétaires généraux, c’est le paiement des bourses à temps. Nous avons même proposé au CENOU de choisir d’autres méthodes de paiement pouvant leur permettre d’être indépendants des résultats des administrations. Avec les premières années par exemple, il suffit juste de prendre les résultats du baccalauréat et de voir ceux qui méritent la bourse et ceux qui ne la méritent pas. Le CENOU n’est pas aussi innocent comme il est en train de le dire. Pour le paiement des trousseaux, nous n’avons quand même pas besoin de résultats. Chaque étudiant a droit aux trousseaux . Mais avec le nouveau directeur du CENOU qui est dynamique et compétent, nous sommes en train d’avoir beaucoup d’améliorations comparativement aux années précédentes. Cette année nous espérons que les bourses tomberont à temps.

L’AEEM a effectué une semaine de sortie nationale pour réclamer la réouverture des classes. Or, nous savons que les syndicats ont déposé un autre préavis de grève de 15 jours. COMMENT vous  comptez réagir?

On ne va pas trop s’impliquer dans les détails. Pendant un mois, nous avons sensibilisé, nous avons rencontré les syndicats des enseignants signataires du 15 octobre 2016, nous avons rencontré le ministre de l’Éducation pour qu’ils trouvent rapidement une solution afin que les élèves puissent regagner rapidement les salles de classe. N’ayant pas vu d’effets à ces sensibilisations, nous avons jugé nécessaire de décréter une première grève de 72 heures et une seconde grève de 72 h qui a pris fin le samedi dernier. Aujourd’hui (lundi 4 mars 2019), les cours se déroulent normalement. En ce qui concerne le préavis de 15 jours, seuls nous ne pouvons pas prendre une décision. À l’AEEM, on consulte souvent tous les secrétaires généraux. Jusqu’aujourd’hui, la grève se poursuit au niveau de l’enseignement supérieur. Le jeudi prochain, nous prévoyons une marche de la colline de Badalabougou à la mairie de la commune V. Cela, c’est en rapport à l’occupation illicite de l’espace universitaire.  Nous souhaitons qu’il y ait un compromis entre les enseignants et le gouvernement d’ici le lundi. S’il n’y a pas de solution, la semaine prochaine nous allons encore organiser une rencontre du bureau de coordination et la dernière décision lui reviendra. Lorsque nous allons consulter tout le monde, la dernière décision revient au bureau de coordination.

 Nous avons appris que vous avez tenu un point de presse le dimanche 3 mars 2019, sur quoi s’est portée cette rencontre?

C’est par rapport à des rumeurs qui circulaient sur les réseaux sociaux  où on demande aux élèves de descendre dans les rues ce lundi 4 mars 2019 pour réclamer les cours et créer le désordre. Nous, nous sommes une association responsable. Nous savons ce que le pays traverse aujourd’hui. On est en train de chercher des solutions face à cela. Les luttes que nous menons sont des luttes calculées. Nous avons dit qu’avant de partir en grève la semaine dernière, nous avons consulté les deux parties. S’il n’y a toujours pas de solution,  nous avons des méthodes plus fortes que de faire sortir les élèves pour 72 h ou 48 h. Nous avons organisé ce point de presse pour montrer que le message sur les réseaux sociaux ne vient pas du bureau de coordination. Au contraire, nous avons demandé aux élèves de rejoindre les classes à partir de 7 h.

Quel est votre dernier mot ?

Je demande aux autorités de s’impliquer pour donner de la valeur à l’école. L’école est ce que tous les Maliens ont en commun.   L’avenir d’un pays repose sur l’école. Au Mali, on n’a constaté pendant longtemps que chaque année, on ne dépasse pas six ou sept mois de cours à cause des grèves à tous les niveaux. Il faut que les autorités s’impliquent pour mettre fin à ces grèves intempestives. On ne peut pas compter sur un Mali de demain émergent tant que la formation à l’école n’est pas assurée. On ne pourra pas compter sur les enfants du pays. Nous, on ne peut pas garantir qu’on va relever les défis qu’on va nous confier à l’avenir. Je demande aux autorités de beaucoup travailler à mettre fin à ces grèves dans nos milieux scolaires. En ce qui concerne l’occupation illicite des espaces universitaires, c’est une lutte que nous avons commencée, nous n’allons pas l’arrêter tant qu’on n’aura pas démoli tous les bâtiments au niveau de l’espace universitaire.

  Réalisé  par Bouréima Guindo et Fousseni TOGOLA

Le Pays

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