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Report  des législatives : L’égarement coupable de la Cour Constitutionnelle

L’avis du 12 octobre qui invite le gouvernement à reporter les législatives, à travers, une Loi organique est inique.

Le 10 octobre dernier, le président de l’Assemblée nationale, Issiaka Sidibé a saisi la Cour constitutionnelle pour demander son avis sur la prorogation de la législature en cours jusqu’à la fin du 1er semestre 2019. En réponse à cette requête, les neuf sages ont, quarante-huit heures après, émis un avis selon lequel ils sont « favorables à la demande de prorogation de la Vème législature jusqu’à la fin  du 1er semestre 2019, en application de l’article 85 de la Constitution. Dit cependant, que ladite prorogation doit intervenir au  moyen d’une loi organique.»

En clair, la Cour valide le report des législatives annoncées pour novembre et décembre prochains. La même Cour avait refusé la même demande au Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maiga, à travers un avis précèdent, en date du 12 septembre 2018.

Les membres de la Cour n’ont pas changé, entre temps, les lois de la République non plus, idem pour les acteurs politiques. Alors, qu’est ce qui a pu changer au niveau de la Cour pour qu’en l’espace d’un mois, elle donne deux avis différents sur la même question ?

Seul l’égarement coupable peut expliquer ce double langage des hommes de droit.

Les étudiants en sciences juridiques et leurs professeurs sont bouleversés.

La situation est totalement incompréhensible pour le citoyen lambda. L’article 85 de Constitution ne résout point le report du scrutin. Il stipule que : « la Cour Constitutionnelle est juge de la constitutionnalité des lois et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité du pouvoir publique ».

Ce dernier alinéa n’a rien avoir avec le report du scrutin. Celui-ci n’est pas prévu par la Constitution. L’article 61 de notre Loi fondamentale  est très clair : «  les députés sont élus pour cinq ans au suffrage universel direct. Une loi fixe les modalités de cette élection.».

Aucune disposition des 122 articles de la Constitution du 25 février 1992 ne prévoit un report des législatives. « Le caractère de force majeure des difficultés entravant le respect scrupuleux des dispositions constitutionnelles et légales» n’est pas prévu par la Constitution. Il existe un vide concernant cet aspect et l’article 85 ne saurait le combler, dans la mesure où il ne s’agit point de la régulation des institutions, mais de l’élection des membres devant siéger à l’Assemblée nationale, avec le titre de députés. De la même manière, qu’il y’a eu le fétichisme sur la date de la présidentielle, celle des législatives devrait subir la même réalité. Ce sont des Institutions émanant de la Constitution.

Le bricolage juridique est hautement préjudiciable à la démocratie, au respect de la Constitution, au serment prêté par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita.

Cet avis du 12 octobre, qui invite le gouvernement à reporter les législatives, à travers, une Loi organique, est inique. Cette Loi est, en tout état de cause, contraire à la Constitution, notamment l’article 61. Elle doit normalement être rejetée par Manassa Danioko et ses collègues. Malheureusement, ils sont juges et partie dans mesure où ce sont les mêmes juges qui ont montré à l’Assemblée la voie à suivre. C’est dire que cette Loi organique, qui devrait être retoquée, passera comme une lettre à la poste.

Dommage pour notre démocratie ! Hélas pour le bricolage juridique ! La Cour s’est vraiment égarée. Il s’agit d’un égarement coupable.

Elhadj Chahana Takiou

Source: 22 Septembre

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