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RESISTANCE CULTURELLE FACE A L’EXTREMISME VIOLENT AU MALI: L’ONG Instruments for Africa joue sa partition

Pour la troisième année consécutive, la Caravane Tombouctou Riviera, initiée par Instruments for Africa (i4Africa) en partenariat avec l’Ambassade des Etats-Unis au Mali, est allée, du 1er au 18 février 2018, à la rencontre des populations des localités de Tonka, Tindirma, Tombouctou et Diré dans le nord du pays avec pour thème «la culture, un moyen de combattre l’extrémisme violent. Conférences-débats, concours de talents, open-forum et focus-groupe, danses traditionnelles, expositions et concerts fantasmagoriques sont entre autres activités qui ont meublé cette caravane.  

 

L’insécurité notoire,  sévissant dans la région de Tombouctou, n’a point émoussé la volition  patente de l’ONG Instruments for Africa de poursuivre pleinement sa mission de préservation de la culture, de l’éducation et la réconciliation au Mali. A travers cette caravane, il s’agissait pour i4africa de créer un cadre d’expression artistique et culturelle mais aussi d’offrir un espace de rapprochement des populations, facteur essentiel de recoudre le tissu social, gage de la paix. Elle entend également contribuer au renforcement de la résilience communautaire face aux nouvelles menaces liées à l’extrémisme violent avec comme vecteur fondamental la culture du dialogue en vue de mieux favoriser le contact entre les différents acteurs, de concourir à la prise de conscience des communautés face aux défis liés à la paix et à la sécurité et promouvoir non seulement les initiatives citoyennes en faveur de la cohésion sociale et du développement local mais aussi faciliter l’appropriation des pistes de solutions.

Première étape de la caravane: la Commune rurale de Tonka

Conduite par le coordinateur des activités d’Instruments for Africa, M. Ibrahima Amadou Maïga, la Caravane Tombouctou Riviera a débuté sa saison par la Commune Rurale de Tonka avec la 3ème Edition du Festival Marissi qui a eu lieu du 1er au 3 février dernier. Avec ses 25 villages repartis entre différentes ethnies à savoir: sonrhaï, peul, bozo, bamanan, dogon, touarègue, arabe exerçant l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’artisanat et le commerce comme activités, elle est située à 32 km de son chef-lieu-de cercle Goundam (région de Tombouctou) sur les berges du fleuve Niger avec une superficie de 1 023 km² et une population estimée à 53 438 habitants en 2009.

Ici, les organisations de jeunes, de femmes, élus communaux, leaders religieux et communicateurs traditionnels de la commune se sont attelés à travers un focus groupe sur diverses thématiques à savoir: «défis liés à la paix et la sécurité: rôle et responsabilité des acteurs locaux»; «la jeunesse face à la problématique de l’extrémisme violent», et «problématique liée à l’engagement citoyen en faveur de la paix, la gouvernance et du développement local: enjeux et perspectives.» Ce cadre d’échange sur ces différents thèmes a pour but de recenser les préoccupations de la population de Tonka et de contribuer également à la prise de conscience des communautés face aux défis liés à la paix et à la sécurité. Parmi les préoccupations évoquées par les populations de Tonka, l’on note les braquages consécutifs sur ses tronçons et la confiscation des biens utiles ou utilisables, les viols, le paiement de rançon et taxes aux bandits armés et attaques, l’insécurité alimentaire, le chômage des jeunes causant un traumatisme moral aux populations qui demeurent impuissamment dans l’expectative de la résolution de cette situation chaotique et exacerbée à travers l’accélération du Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation.

Sur la même longueur d’onde, à la faveur d’une conférence-débat, Instruments for Africa s’est également appesanti également sur d’autres sujets à savoir la culture, l’éducation et la cohésion sociale. Il est ressorti des échanges que la société, dans le Nord du Mali, est sujette à de multiples mutations culturelles en raison de la crise qui y sévit avec des répercussions négatives à savoir la vente des biens culturels, l’implication des jeunes dans le trafic de la drogue, l’immigration clandestine et l’enrôlement des enfants dans les groupes armés.

Concernant l’éducation, il est à rappeler, qu’autrefois la formation du citoyen était prise en compte par la famille, l’école coranique et la société dans son intégralité. De nos jours, le développement des nouvelles technologies de la communication a sérieusement impacté sur cette donne. A ce jour, les populations de Tonka estiment que l’une des alternatives à l’employabilité des jeunes demeure le «lac Horo». «Au lieu d’aller se tuer dans la méditerranée ou le désert, il faut qu’ils viennent se tuer dans le Horo, c’est leur eldorado, un joyau qu’ils ont», a exhorté la paneliste Mme Maïga Aissa Alassane Touré.

A la découverte de Tindirma

Seconde étape de la caravane: le village mystique de feu Mahamane Tindirma (Célèbre conteur sonrhaï d’une notoriété incommensurable).     

Créée avec l’avènement de la décentralisation par la loi 96-059 de la 4/11/1993, portant création des communes, la commune rurale de Tindirma est située à cheval entre la commune urbaine de Diré dont elle est distante de 35 km et de 13 km de la commune rurale de Tonka (Goundam). Elle est composée de 11 villages à savoir Tindirma, Balamaoudo, Godié, Guédiou-Haoussa, Dongo, Bouli, Tessayt, Kel-Adeida, Léssodji, Soudoubé et N’Tassimane. Les populations pratiquent l’agriculture, l’élevage et la pêche.

Ici, il s’agissait de rendre hommage à feu Mahamane Tindirma à travers une nuit culturelle en hommage. «Tindirma est une commune culturelle en faisant ça, on va davantage renforcer la cohésion sociale entre les gens mais ça va aussi nous permettre de vivre notre culturelle, un temps soit peu. Nous cherchons la voie, la solution», dixit le coordonateur des activités d’i4africa M. Ibrahima Amadou Maiga. «Cet hommage n’est ni une surprise, ni une curiosité pour nous. Et vous allez découvrir Tindirma dans toutes ses merveilles culturelles à travers la danse des possédées et des bozos, la culture sonrhaï, le sketch ainsi que le talent des jeunes. Vous y verrez tout», a renchéri le maire de la commune rurale de Tindirma M. Hama Alamir Touré.

A Tindirma, les échanges ont porté sur la situation sécuritaire, l’éducation et le développement. Ont pris par à la rencontre les élus communaux, les femmes, les jeunes, la société civile et les couches socioprofessionnelles de la commune. Sans aller par le dos de la cuillère, les participants passé en peigne fin leur statu quo.  «Au cours de cette rencontre, les uns et les autres ont pu s’approprier des éléments très importants à savoir comment se comporter et qu’elles sont les conséquences des problèmes auxquels les populations sont confrontées par rapport à l’insécurité dans notre circonscription dans le cercle de Diré. Nous avons évoqué les problèmes de l’éducation et de développement au niveau de notre commune et également d’autres facteurs qui ont engendré les problèmes. Toutes ces questions ont été largement débattues et des réponses appropriées ont été obtenues à hauteur de souhait. Les uns et les autres se sont beaucoup appesantis sur les comportements des enfants et la responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants de la famille, dans la rue et à l’école», a fait savoir M. Amadou Hamadoun Touré, Directeur de l’école Kola Demba Maiga  de Tindirma. S’agissant de la situation sécuritaire, le maire n’ira pas par le dos de la cuillère. «La psychose a même gagné l’esprit des femmes puisque, elles, étant aux bornes fontaines, elles ont l’esprit sur quoi leur fait fuir, étant au ramassage des bois, leur esprit est dominé par le regard ça et là, elles sont stressées les hommes peuvent mieux résister que les femmes puisqu’elles très fragiles. Les femmes de Tindirma souffrent de cette insécurité à laquelle elles ne sont pas habituées. Elles sont restreintes de leurs mouvements et soucieuses et meurtries même si elles sont à la tontine, elles ont l’esprit sur quoi leur fait fuir», a expliqué le maire M. Hamma Alamir Touré. «Tout ce que nous sommes entrain de voir c’est la pauvreté et le manque de travail qui l’ont engendré. Ensemble la main dans la main, quelque soit la nature du problème je pense que nous pouvons en discuter et chercher ensemble les solutions appropriées c’est-à-dire l’échange entre les uns et les autres peut apporter les solutions appropriées», a suggéré M. Amadou Hamadoun Touré.

Troisième étape : la cité mystérieuse, Tombouctou

Cité depuis belle lurette comme étant un modèle de démocratie, le Mali, vaste pays de 1 243 000 km2 en Afrique de l’Ouest, Tombouctou a sombré en 2012 dans une crise multiforme dont elle tente encore de se relever. De nombreux efforts ont été entrepris et continuent de l’être par les organisations non-gouvernementales et celles de la société civile  afin de prévenir les conflits et lutter contre le danger de l’extrémisme violent qui a gagné une grande partie des pays du Sahel. Sur la question, il faut souligner l’importance de l’éducation, de la formation, de l’emploi, mais aussi « de la formation spirituelle » car il ne fait aucun doute que «l’extrémisme n’a aucune place en islam.» La quête de la paix est l’affaire de tous : chefs coutumiers, familles, parents mais surtout les jeunes, socle du développement et avenir de toute nation. C’est pourquoi, i4africa a jugé nécessaire d’échanger avec les populations sur ces sujets brûlants de l’heure dans le cadre du festival du vivre ensemble. «Capitalisation des expériences des jeunes sur les questions de paix, de leadership, d’engagement citoyen et de développement communautaire», «Problématique de la radicalisation des jeunes : enjeux et perspectives», «Jeunesse face aux actions de volontariat et d’engagement citoyen», «les obstacles liés à l’engagement politique des jeunes et des femmes», «les organisations de jeunesse face aux initiatives de paix et de développement communautaire», «La participation et l’implication des femmes dans le processus de mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale», telles sont entre autres thématiques sur lesquels les échanges ont porté à Tombouctou.

A l’issu de ces rencontres, plusieurs recommandations ont été formulées. Il s’agit de: l’élaboration des plans d’action régionaux pour la formation des jeunes et leur sensibilisation au phénomène de la radicalisation et de l’extrémisme violent ; des plans d’action nationaux de formation des enseignants, leaders religieux et acteurs de la société civile sur les stratégies de lutte contre les deux phénomènes précédemment cités ; d’opérer une plus large implication des jeunes et des femmes dans l’accès aux postes de responsabilité ; d’éliminer les conditions propices à la propagation du terrorisme, à prévenir et combattre le terrorisme ; l’engager, individuellement et collectivement dans les actions de prévention des conflits, de lutte contre la radicalisation, l’extrémisme violent et le terrorisme ; l’implication des jeunes dans le développement du pays ; l’appui des jeunes dans l’organisation de types d’ateliers de formation allant dans le sens de la lutte contre la radicalisation, l’extrémisme violent, la cohésion sociale, l’esprit de volontariat et la culture de la paix. C’était à l’occasion de du Festival du vivre ensemble.

Quatrième étape: cap sur la capitale du blé, Diré

Situé à 112 km du chef-lieu de la région de Tombouctou (6ème région administrative du Mali), le cercle de Diré est chef-lieu de cercle depuis 1961,  compte 13 communes et couvre une superficie de 1 750 km2 pour 111 324 habitants (recensement administratif de 2009). Les principales ethnies sont sonrhaïs, peulhs, tamaheques, bozos et arabes exerçant plusieurs activités socio-économiques notamment l’agriculture, l’élevage, la pêche, le commerce et l’artisanat. C’est un vieux cercle cosmopolite dont les premières mentions de son nom dans les écrits dataient du moyen âge (1475-1485) qui se trouve en aval du delta central du fleuve Niger sur la rive gauche d’où tous les atouts de couloir, de porte et de façade d’un rivage privilégié qui auraient permis à Diré, de sa part sa situation géographique, de jouer un rôle d’attraction. Diré, excellent producteur du blé, du riz et oignons est un pôle émergent devenu le grenier de la 6ème région administrative du Mali. C’est cette ville qui a eu l’honneur d’abriter la 3ème Edition du Festival Diiri.

Ici, l’équipe d’instruments for Africa n’a pas dérogé à sa tradition, rencontrer les populations sur leurs préoccupations. Les principaux axes prioritaires étaient axés sur la sécurité, le développement, le chômage des jeunes et les solutions appropriées à adapter face à l’extrémisme violent. Sur le même tronçon, i4africa a également échangé avec les artistes de la localité de Diré et plusieurs d’autres venus à l’occasion du festival sur les difficultés auxquels ils sont confrontés et les directives à suivre pour mener à bien leur mission artistique.

L’ambiance en toile de fond de la caravane

Partout où la Caravane Tombouctou Riviera  est passée de Tonka, Tindirma, Tombouctou à Diré, elle n’a pas manqué de plonger les populations dans l’euphorie de l’ambiance avec non seulement les artistes et troupes locaux mais aussi et surtout avec des artistes de renommée internationale à savoir Oumar Konaté, Djénéba Seck, Kader Tarhaninte, Haïra Arby, Vieux Farka Touré, etc. Durant un mois, la célébration de la culture était au rendez dans toutes ses facettes à travers une kyrielle de festivals, Au Festival Marissi de Tonka, Nuit Culturelle à la découverte de Tindirma, Festival du vivre ensemble à Tombouctou et le Festival Diiri à Diré. A travers la Caravane Tombouctou Riviera, Instruments for Africa (i4africa), a joué sa partition dans la lutte contre l’extrémisme violent. Ainsi, elle en a fait de la culture un moyen de résistance face à ce phénomène. Du coup, elle a également permis à de milliers de personnes de revivre leur culture et découvrir d’autres merveilles artistiques, mais aussi offrir l’opportunité de bénéficier d’activités génératrices de revenus.

Malgré l’insécurité qui sévit dans ces zones, Instruments for Africa, avec l’appui de l’Ambassade des Etats-Unis au Mali, prouve ainsi que la résistance culturelle est un moyen incontournable dans la lutte contre l’extrémisme violent. Rappelons qu’Instruments for Africa est une ONG à but non lucratif présent au Mali depuis quelques années et joue sa partition dans la quête de la paix au Mali à travers sa trilogie préservation de la culture, l’éducation et la réconciliation.

Par Almoudou M. BANGOU,

Envoyé spécial

Source: Le Toguna

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