Le secrétaire général des Nations unies est attendu ce dimanche 1er septembre à Beni. Il prévoit notamment de se rendre à Mangina d’où est partie l’épidémie d’Ebola qui frappe depuis un an l’est de la RDC. Il doit notamment y visiter un centre de traitement Ebola et rencontrer des responsables communautaires. Car à Beni comme ailleurs, de farouches résistances sont opposées aux équipes de santé engagées dans la lutte contre le virus. Reportage.
Ce dimanche, le secrétaire général des Nations unies sera dans cette ville Beni, l’épicentre de l’épidémie d’Ebola. Il doit visiter le Centre de traitement d’Ebola (CTE) à Mangina, premier foyer de l’épidémie fin juillet 2018. Treize mois après, le bilan est de 2015 morts pour 3017 cas, principalement dans la province du Nord-Kivu. Plus de 200 000 personnes ont déjà reçu un virus préventif contre Ebola dans l’est de la RDC. Les autorités y voient l’un des meilleurs remparts contre la propagation de l’épidémie. Il s’agit de la deuxième épidémie la plus grave de l’histoire, après les 11 000 morts en Afrique de l’Ouest en 2014.
Mais à Beni comme ailleurs, une partie de la population continue de nier la maladie, de rejeter la vaccination ou encore de refuser de faire hospitalisés leurs proches présentant des de transit spécialisés crées spécialement pour accueillir les cas suspects. Ces résistances constituent l’un des principaux obstacles à l’éradication de la maladie.
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Le déni tue à Beni
À la sortie sud de Beni, le quartier de Mabolio, où le premier cas est apparu il y a environ un mois, fait partie de ces quartiers où les résistances restent fortes, et les cas se multiplient.
Une famille rassemblée dans la cour d’une parcelle. C’est une journée de deuil à Mabolio. Vendredi dernier ici, Papa Gilles, 60 ans est décédé, reclus chez lui. Il refusait de se faire soigner, comme le raconte sa fille. « On a vu venir plusieurs médecins et des autorités, qui voulaient le voir pour lui dire d’aller au centre de santé. Mais il a toujours refusé. Il disait qu’il n’avait pas Ebola. »
L’inquiétude était vive à Mabolio de voir Papa Gilles contaminer toute sa famille. Il a fallu qu’il meure pour qu’un test Ebola puisse être réalisé sur dépouille. C’est dire le soulagement ici lorsqu’hier on a appris que le test était négatif. Car le déni qui entoure l’épidémie a déjà provoqué des drames dans ce quartier. Un homme raconte avoir presque tous ses voisins mourir d’Ebola, cachés chez eux. Dans un climat de défiance tel qu’il n’a même pas osé tenter de les raisonner de peur, dit-il, d’être assimilé par peur des représailles.
« Si tu te donnais la peine de vouloir l’aider, tu devenais un ennemi. Ils auraient dit que je suis aussi complice de ceux qui ont amené Ebola. Et si on me dit complice, ma maison serait démolie ou brûlée. »
À Mabolio, la vaccination préventive suscite aussi des résistances. Comme beaucoup d’habitants ici. Micheline, 19 ans, refuse encore de s’y soumettre. « Je ne suis pas d’accord pour être vaccinée. Ici on a vu des gens tomber malades après avoir eu les vaccins et finir par mourir. Ebola n’existe pas c’est seulement un business. Les gens meurent à cause de l’argent. »
Des rumeurs infondées qui tuent autant que le virus Ebola, et que les équipes de sensibilisations s’évertuent jour après jour à essayer de déconstruire pour sauver des vies.
Le projet de MSF pour rassurer les personnes
Alors, pour tenter de lutter contre ces fausses croyances et rétablir la confiance des habitants, l’organisation Médecins sans frontières a cherché une alternative. Et mis en place depuis trois mois dans cinq centres de santé classiques, connus des habitants. Un système qui permet de prendre en charge les patients présentant des symptômes d’Ebola, le temps de faire les premières analyses, au plus près de leur famille, et sans qu’ils soient obligatoirement référés dans un centre de traitement.
Il en est ainsi de Francine, arrivée dans ce centre de santé il y a deux jours. Elle se plaignait de maux de tête, de maux de ventre et de nausées. Elle a donc été isolée directement sur place, le temps de subir le test d’Ebola, heureusement négatif pour elle. Le tout sans quitter son quartier. Une petite révolution dans la prise en charge de l’épidémie. Car au début, elle aurait été immédiatement transférée dans un centre de transit dédié à Ebola. Une perspective effrayante pour beaucoup.
« Je n’aurais pas accepté d’aller dans un centre de transit. Ça me faisait peur. On dit que là-bas les gens meurent. Ce n’est pas un bon endroit. »
Un effet repoussoir qui incite aujourd’hui encore certains habitants à se cacher chez eux en cas de symptômes, ce qui réduit leurs chances de guérison et entraine des contaminations en chaine. C’est pour briser ce cercle vicieux que MSF a installé directement dans ce centre de santé six lits d’hospitalisation.
« Il y avait pas mal de rumeurs qui entouraient ce centre de transit, parce qu’effectivement ce n’était pas dans un lieu connu ; c’était un centre qui a été créé en parallèle du système normal de santé. C’est à partir de là qu’on a décidé de créer l’isolement ici et organiser pour que le prélèvement soit fait ici ; cela permet à ce que les familles puissent rendre visite à leurs proches ; ça enlève beaucoup de tensions autour de cette idée d’isolement en fait », explique Aline Serin, responsable chez MSF à Beni.
En trois mois, quatre cas suspects d’Ebola ont été confirmés positifs ici, et transférés dans un centre de traitement dédié. Les autres testés négatifs sont soignés gratuitement ici. Tecla Katungu, médecin dans ce centre, a vu une réelle différence : « les suspects qui refusaient, qui s’évadaient, ils acceptaient de rester ici parce qu’ils se sont habitués au centre de santé. »
Un système que MSF et d’autres veulent continuer à développer, même s’il se heurte à certaines limites. Sur les cinq centres que l’ONG appuie déjà, deux ne proposent pas encore d’hospitalisation de nuit, à cause de l’insécurité.
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