A la faveur de la signature d’un accord politique le 02 mai dernier, notre pays entame une période de profondes réformes politiques et institutionnelles sans précèdent. Pour réussir, ces réformes ont besoin, à la fois de légitimité et de légalité. Or, le mandat des députés (prorogé déjà à titre exceptionnel auparavant) arrive à son terme le 30Juin 2019. La question est de savoir comment gérer la fin de ce mandat sans préjudice majeurs sur l’évolution des réformes ?
Quatre scénarios peuvent être envisagés avec leurs limites et insuffisances :
1. Le Chef de l’Etat décide de dissoudre l’Assemblée Nationale.
La contrainte majeure sera d’organiser dans les quarante jours, conformément à la constitution, de nouvelles élections. Outre les problèmes financiers et logistiques, ce schéma risque d’agir négativement sur le processus de réformes de plusieurs manières.
2. Au 30 Juin 2019, la classe politique convient de mettre en place une Assemblée Constituante:
La Contrainte majeure sera de trouver les bases consensuelles sur lesquelles bâtir cette Constituante. Avec une classe politique divisée, une société civile politisée, des leaders religieux ayant perdu leur statut de garant moral de notre société, on risque de tomber dans les conflits politiques à la recherche de personnes consensuelles.
De plus, une telle Assemblée n’aurait pas suffisamment de légitimité pour faire face à l’adoption de nombreux textes qui seront commandés par le Dialogue Politique Inclusif.
3. Avant la fin du mandat des Députés, l’Assemblée nationale adopte une loi d’habilitation autorisant le Président de la République à légiférer par Ordonnance.
Dans ce cas de figure, nous serons dans ce qui s’apparenterait à une forme de dictature avec la contrainte majeure que les textes adoptés gardent toute leur légalité, mais perdraient leur légitimité qui est d’être le socle des reformes à engager pour le redressement du Mali.
Une autre contrainte pourrait être le bras de fer que le gouvernement pourrait avoir avec les Députés qui s’opposeraient et voteraient alors contre cette loi d’habilitation, mettant en péril l’espoir de cohésion sociale qui doit accompagner cette période transitoire de réformes politiques et institutionnelles.
Un tel schéma conduirait inéluctablement à l’impasse politique.
4. Le moindre mal malgré tout : Le renouvellement du mandat des Députés en exercice.
L’avantage sera de poursuivre normalement le processus de réforme jusqu’à son terme, surtout que le dialogue politique national inclusif dont la tenue est imminente décidera des dates des prochaines élections législatives.
Cependant, il faut reconnaitre que cette option rencontre quelques résistances au sein de l’opinion publique mais aussi d’une partie de la classe politique.
C’est pourquoi, Il faut donc sensibiliser sans cesse l’opinion publique – y compris ceux de la classe politique sur la pertinence de cette option, d’autant plus que la cour constitutionnelle a déjà donné son avis favorable en vue de la prorogation du mandat après le 30 Juin 2019. Il convient toutefois de souligner dans ce cas de figure, qu’en cas de prorogation, les députés devraient consentir à des sacrifices ou mesures symboliques (par exemple de renoncer à certains privilèges et bénéficier du strict nécessaire dans le cadre de leur fonction…).
Source : Étienne Fakaba SISSOKO