« Nous avons aujourd’hui organisé la fête de la fin de ramadan. Pour nous, c’est une journée importante, de première importance. C’est la première fois que l’ensemble des Communautés, des représentants des communautés de Taoudenit village se retrouvent pour célébrer un évènement aussi important. Pour nous, c’est une journée historique, nous avons hissé le drapeau du Mali, il ne descendra plus. La souveraineté du Mali est définitive, aujourd’hui elle a été rétablie. Pour nous, c’est une journée de fête, c’est une journée aussi d’espoir que le Mali viendra avec son administration, avec son développement et avec la paix que nous souhaitons pour les jours à venir. Et je formule, à cette occasion les meilleurs vœux pour le peuple malien, pour sa cohésion, pour la paix retrouvée et pour sa confiance dans l’avenir ». Ce propos qui date du jour de l’Aïd el fitr, et dont nous avons visionné la vidéo est celui du vieux Mohamed El Omrany, Ancien ambassadeur malien, ancien administrateur civil Chef de la Tribu des Berabich de Taoudeni et Tombouctou. On y voit les représentants des différentes communautés regroupés autour du vieux Omrani.
Selon un cadre de Kidal contacté par Le Républicain, « ce vieux tient ce langage depuis longtemps, mais il est concurrencé sur le terrain par les islamistes ». Selon lui, la situation ne laisse plus le choix « Taoudeni est trop loin et l’état ne leur apporte pas l’appui nécessaire puisqu’il est absent ». Cependant, après un tel appel pressant des communautés de Taoudeni, l’Etat malien ne peut-il pas prendre au mot le Chef de la Tribu des Berabich de Taoudeni et Tombouctou, qui plus est, ancien administrateur civil, et saisir la balle au bond ? Rien n’est moins sûr, car « le terrain est difficile, les troupes ne sont pas prêtes et les sites de peuplement très éloignés les uns des autres », explique le cadre kidalois, connaisseur du milieu et favorable à l’exercice de la souveraineté malienne sur l’ensemble des régions du nord.
Stratégie de réoccupation de l’espace au nord
Il faut non seulement beaucoup de moyens pour couvrir le territoire de Taoudéni situé à 900 km de Tombouctou, mais aussi une stratégie sur le moyen terme et impliquer suffisamment les populations locales, mais sans leur concéder les rôles régaliens de l’Etat, car elles peuvent être manipulées par les terroristes. « En attendant, on peut regrouper les forces à Tombouctou », soutient notre interlocuteur, « et réoccuper le territoire petit à petit en se rapprochant progressivement de Taoudeni par l’occupation des points d’eau situés entre Tombouctou et Taoudeni. Cela peut prendre du temps mais c’est la démarche la plus prudente donc la plus efficace », selon cette personne visiblement très avertie sur la situation sécuritaire au nord du Mali. Évidemment cela nécessitera des effectifs et des moyens adaptés au terrain, avise-t-il. Cette stratégie de réoccupation de l’espace vaut également pour Kidal. « Mais ici, il faut donner la priorité au cantonnement des combattants et à la montée en force du Mécanisme opérationnel conjoint (MOC), l’administration suivra progressivement ».
Démarche diplomatique
Le rapport du Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres du 31 mai 2019, sur la situation socio politique et sécuritaire au Mali, a été examiné le 12 juin 2019, par les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, en présence du ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tiebilé Dramé.
Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies (RSSG) et Chef de la MINUSMA, Mahamat Saleh Anadif préconise une montée de l’armée malienne à Diabaly, début 2020, pour occuper le camp de la Minusma, afin de permettre à celle-ci d’assurer sa présence dans le centre du pays. « Dans le centre, la priorité de la Minusma restera la facilitation, les efforts du gouvernement visant à faciliter le rétablissement de l’Administration de l’Etat, et le renforcement de son appui aux autorités pour lutter contre l’impunité », soutient Anadif. La donne est que la Minusma sera au nord ou au centre, mais pas les deux à la fois. N’est-ce pas cela une aberration, car le nord est loin d’être pacifié, et les Nations-Unies, en l’occurrence le RSSG Mahamat Saleh Anadif, le sait bien? La protection des civils qui figure parmi les missions de la Minusma semble être un leurre, d’un mandat de la Minusma à un autre, et les populations civiles maliennes continuent de tomber dizaines par dizaines.
Les propositions de Tiebilé Dramé
Répondant, devant le Conseil de Sécurité, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale (MAECI) Tiebilé Dramé a expliqué le lien étroit entre la situation dans le centre et celle du nord. La situation du centre constituant une conséquence directe de l’occupation du nord en 2012-2013 par les groupes terroristes. Dans la perspective de renouvellement du mandat de la Minusma, le ministre Dramé a demandé au Conseil de sécurité de doter la mission de moyens humains, financiers, technologiques, et en équipements adaptés lui permettant d’exécuter son mandat de protection des civiles, mais aussi de mieux protéger son personnel et ses installations. Il a en outre demandé une présence accrue de la Minusma dans les régions du centre, aux côtés des forces de défense et de sécurité maliennes. Cette présence au centre ne doit pas se faire au détriment des régions du nord, car « nous ne voulons pas créer un vide sécuritaire dans cette partie de notre pays, qui pourrait être occupé par les forces hostiles au processus de paix ».
Par ailleurs, la 14ème session du Comité mixte Mali-Algérie, tenue le lundi 17 juin 2019, et coprésidée par les ministres des affaires étrangères du Mali et de l’Algérie, Tiebilé Dramé et Sabri Boukadoum, a permis de faire le point de leurs actions communes dans plusieurs domaines comme l’Agriculture, l’économie, les Finances, la santé, l’éducation, la paix. Là aussi le ministre malien n’a pas mâché ses mots, allant jusqu’à demander à son homologue algérien, au nom du Mali, de « redire que l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, c’est le respect de l’exercice de la souveraineté du Mali sur l’ensemble de son territoire, c’est le respect des symboles de l’Etat malien que sont le drapeau national et l’hymne national. Nous fûmes, nous avons été ensemble depuis Gao, depuis la maison Sidi Ali MBara, devenu le quartier général de l’Algérie combattante au Mali, dès 1960 jusqu’à l’accord d’Alger. Nous sommes toujours ensemble, nous resterons ensemble ».
La réponse du ministre algérien des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum : Alger reste attaché à la paix au Mali. Il a levé tout équivoque en relation sur la partition du Mali, en indiquant que l’intégrité territoriale du Mali n’est pas à discuter.
B. Daou
Le Républicain