Le meurtre d’une petite fille albinos de huit ans, dont la tête aurait été emportée probablement pour des pratiques mystiques, a provoqué un soulèvement populaire à Fana, localité située à 128 km à l’est de Bamako. En effet, il y a trois mois, une mère et sa fille (toutes deux albinos) ont été victimes de crime rituel dans la même localité. Les crimes rituels contre cette catégorie de personnes sont monnaies courantes au Mali, surtout à l’approche des élections.
En juin dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation sur l’albinisme, Salif Kéita, star de la musique mandingue et albinos lui-même, a dénoncé des sacrifices humains perpétrés sur des albinos avant les élections générales à venir. Dans ces deux cas, il s’est trouvé qu’il s’agit de crimes rituels. Un phénomène qui connaît une certaine recrudescence au niveau du continent, à l’ère de la démocratisation des régimes, hélas!
Pourquoi autant de crimes? Les réponses sont nombreuses mais globalement 4 à 5 motivations principales sont avancées. D’abord, il y a la croyance dans les rituels de sorcellerie. Ce phénomène s’accompagne de la démultiplication du nombre de charlatans, marabouts et autres gourous adeptes de sectes pour lesquels les sacrifices et les crimes rituels constituent des solutions à tout: accès à de hautes fonctions, réussite sociale, augmentation de la force vitale et autres pouvoirs surnaturels.
Ensuite, il y a le facteur lié à la fortune. Ainsi, l’on pratique ce crime rituel dans le but de devenir riche. En outre l’autre facteur important est lié à l’appétit du pouvoir, et connaît son apogée au moment des échéances électorales dans de nombreux pays africains. Ainsi, on note une recrudescence des crimes rituels durant les périodes électorales dans de nombreux pays africains.
«A l’approche des élections, ces pratiques se multiplient. C’est un business lucratif. En période pré-électorale, les marchands de la sous-région se rendent sur place, parfois en classe affaires, pour vendre leur service de consultants de l’irrationnel», soulignait Francis Akindes, professeur de sociologie à l’Université de Bouaké, en Côte d’Ivoire, dans les colonnes de l’hebdomadaire Jeune Afrique.
Par ailleurs, la recrudescence des sacrifices (cadavres mutilés) et des crimes dits rituels s’explique aussi par le fait que leurs auteurs jouissent souvent de l’impunité quand ils échappent à la vindicte populaire. Dans ce cas, la révolte et l’indignation des populations ne se fait pas attendre. Cette situation s’explique aussi par l’incompétence des forces de l’ordre à s’attaquer à ce genre de crimes très ancrés dans les mœurs et les systèmes politiques, la complicité dont jouissent certains auteurs et commanditaires et bien sûr la passivité des populations.
Enfin, il y a l’appât macabre du gain qui pousse de nombreux chasseurs de primes à la recherche de proies faciles pour les sacrifices recommandés par les vendeurs de rêves à des hommes fortunés et puissants et qui souhaitent consolider leur puissance. Selon l’ONU, un membre d’un albinos se négocie autour de 600 dollars et un corps entier peut coûter jusqu’à 75.000 dollars. Une fortune qui contribue à la multiplication des crimes odieux contre cette minorité. Du coup, même morts, les albinos ne reposent pas en paix dans de nombreux pays: Malawi, Tanzanie, Kenya, Mali, etc. Leurs tombes sont souvent profanées.
Mais pourquoi alors cible-t-on les enfants et surtout les albinos? Si le choix des enfants s’explique par leur innocence qui en fait des proies faciles, pour les albinos, cette situation s’explique par le fait que de nombreuses croyances et superstitions attribuent à leurs organes des pouvoirs magiques.
Reste que ces pratiques sont très ancrées dans le subconscient des populations africaines. Il faut aller au-delà des interdictions et sanctions pour lutter contre ce phénomène. A côté de la répression, il faut beaucoup de campagnes d’éducation et de sensibilisation pour diminuer un phénomène d’un autre âge.
Paul N’GUESSAN
Source: Mali-Horizon