Pourquoi IBK et ses « lieutenants » de la diplomatie malienne n’arrivent plus à souffler dans la même trompette ? Ces cafouillages ne portent-ils pas atteinte, en dernier ressort, à la crédibilité de l’Etat ? |
En évoquant à la charge de la force Barkhane, des « débordements qui posent problème », au cours d’une audition au Sénat (ce qui lui avait valu une réponse sévère du ministère français des Armées), L’ambassadeur Toumani Djimé Diallo du Mali en France semble avoir donné un coup de pied dans la fourmilière de l’idylle Bamako-Paris.« D’abord, avec tant d’hommes et de moyens déployés, on s’attendait à plus de résultats, moins coûteux en vies humaines. D’autre part, je vais vous parler franchement, dans ces forces, il y a des officiers, l’armée normale mais aussi la Légion étrangère. C’est là le problème », avait-il dégainé devant la commission Défense du Sénat, qui recevait les ambassadeurs des pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad).
Et le diplomate d’enfoncer le clou : « Par moments, dans les Pigalle de Bamako, vous les retrouvez [les soldats], tatoués sur tout le corps, en train de rendre une image qui n’est pas celle que nous connaissons de l’armée (française). Ça fait peur, ça intrigue », avait-t-il déclaré.
L’ambassadeur du Mali en France, Toumani Djimé Diallo a ainsi provoqué un tremblement de terre au palais présidentiel de Koulouba. Il a été illico presto (le jeudi dernier) rappelé à Bamako. Et le ministre des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé de prendre son vol, le même jour, pour Paris, pour certainement tenter de réparer le « crime de lèse-majesté » commis par le diplomate, ami de longue date du président IBK.« Cette visite intervient au lendemain de l’audition par une Commission du Sénat français des ambassadeurs des pays membres du G 5 Sahel. Le ministre transmettra, à cette occasion, un message d’amitié de Son Excellence Monsieur le président de la République à son homologue français », indiqué un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Au-delà de cenouvel épisode de froid entre Paris et Bamako, le Droit public nous apprend, noir sur blanc, que la politique étrangère d’un Etat est du« domaine réservé » du président de la République. Elle entre dans la catégorie des fonctions régaliennes de l’Etat et est le fruit des compétences ou « pouvoirs discrétionnaires » du chef de l’Etat.
C’est pourquoi le ministère des Affaires étrangères, le principal acteur délégué de ce domaine réservé de la diplomatie, « évolue en étroite cohérence avec la vision du président de la République », comme l’écrit bien le consultant en sécurité et développement Boubacar Salif Traoré, sur sa page facebook..
Et de préciser qu’au Mali, depuis un certain temps,« nous assistons à une grave et inédite incohérence entre le point de vue du président et celui de son ministre des Affaires étrangères ».
En effet, par rapport au processus de négociations avec les chefs terrorico-jihadistes maliens, processus annoncé par le Haut Représentant du président de la République pour les régions du Centre, Pr Dioncounda Traoré, l’on a noté le désaccord du ministre des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé. Il avait claironné que cette intention de dialoguer avec Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa n’était pas la position du gouvernement. Ce n’était pas dans son agenda. Ces propos de désaveu de Dioncounda Traoré par le chef de la diplomatie malienne avaient surpris au plus haut point les observateurs avertis de la crise malienne. Ce qui a poussé le président de la République à profiter d’une interview pour recadrer rapidement son ministre des Affaires étrangères, apportant ainsi son soutien à son Haut Représentant. « Parler avec les jihadistes tout en luttant contre le terrorisme n’est pas antinomique», avait tranché IBK.
Par ailleurs, le président IBK a clairement et de façon récurrente, apporté son soutien à l’opération Barkhane dans son pays et au Sahel. La sortie de l’ambassadeur évoquant les dérives de cette force pose clairement un problème de cohérence au sein de la sphère diplomatique de l’Etat. Ce qui fait dire à notre consultant que « la politique étrangère malienne inquiète de par ses flottements et ses contradictions.En plus, un responsable, qui accuse, apporte des preuves tangibles… ».
En effet, l’on peut se plaindre des flops et couacs notés depuis plusieurs années au niveau de la politique étrangères du Mali. L’on se souvient et tombe des nues des fameux oublis de payement des cotisations du Mali à l’ONU, des accusations formulées à l’international contre le Mali comme « maillon faible » de la lutte contre le terrorisme ou même « gîte » de terroristes. Quid de l’expulsion comme persona non grata de Christophe Sivillon, le chef du bureau local de la Minusma à Kidal, en décembre dernier (un fait sur lequel les acteurs de la diplomatie malienne n’étaient sur la même longueur d’onde) ? Tout cela fait désordre au sommet de l’Etat et appelle à rectifier le tir pour ne pas prêter le flanc au mépris de nos partenaires. Surtout pour éviter que la France et d’autres pays ne poursuivent leur malin plaisir à piétiner la souveraineté de nos Etats (dont l’ingrédient majeur est la diplomatie). Afin d’éviter que le président Macron ne « convoque » une nouvelle fois nos dirigeants à Pau ou à Paris !
L’on comprend donc aisément que le plus important à présent est d’appeler le locataire du palais de Koulouba à réorganiser les choses et faire preuve d’autorité sur la politique étrangère du pays. Pour que ces cafouillages ne soient que des souvenirs.
Bruno Djito SEGBEDJI
Source: Mali-Horizon