Un « acharnement politique», « un complot », « un dossier scandaleux », un « jeu d’ombre », « un dossier absurde », « le délire le plus absolu ». Les termes n’ont pas manqué aux avocats des personnes accusées de projet de déstabilisation de la transition pour démonter le dossier taxé « vide ».Accusés par la justice de tentative « d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État », Vital Robert Diop, directeur général du Pari mutuel urbain (PMU-Mali), Mamadou Koné et Souleymane Kansaye du Trésor national, Aguibou Tall de la société de télécommunication AGEFAU, et de Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath, activiste et chroniqueur de radio sont placé sous mandat de dépôt depuis quelques jours à la prison centrale de Bamako. C’est à la suite « des enquêtes menées par le service d’Investigation Judiciaire (SIJ) de la gendarmerie nationale » à en croire le communiqué du Procureur Mamoudou Kassogué « sur les faits d’atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, dénoncés au parquet par les services de Sécurité… ». La sécurité d’Etat voit derrière ces personnes détenues la main de l’ancien Premier ministre Dr Boubou Cissé, considéré comme chef d’orchestre du projet de déstabilisation, et dont l’ambition présidentielle n’est qu’un secret de polichinelle. Les accusés auraient mobilisé au moins 200 millions de francs CFA pour financer des actions de contestation d’associations et de syndicats contre les autorités de la transition. Alors que le parquet évoque des «indices graves et concordants» et des «actions de sabotage» d’une «entreprise criminelle», les avocats voient un « dossier vide ». En conférence de presse à la maison de la presse le vendredi 8 janvier dernier, une brochette de 13 avocats composée entre autres de Maitres Marcel Ceccaldi, Abdourahamane Touré, Lalla Gakou, Zana Koné, Mahamadou Drago, sous la conduite du bâtonnier, Me Kassoum Tapo. « Nous n’avons pas plus d’éléments que vous (la presse). Nous sommes au même niveau d’information que la presse malienne. Le réquisitoire du procureur qui est sur l place publique. Le juge d’instruction a décidé de placer en détention six des inculpés sans les avoir entendus. Le procureur a demandé l’ouverture d’une information judiciaire pour complot contre le gouvernement association de malfaiteurs et offense au chef d’Etat », a d’entrée de jeu déclaré Me Kassoum Tapo. A en croire Me Tapo qui dit ne pas comprendre si nourrir des ambitions présidentielles est un crime, Dr Boubou Cissé taxé d’auteur principal n’est ni en fuite ni dans une ambassade de la place, mais « est en sécurité pour sa vie ! ». « On ne peut pas nourrir des ambitions présidentielles et désorganiser la transition qui est sensée organiser les élections. C’est un complot contre Boubou Cissé pour l’empêcher d’être candidat », a martelé Me Tapo. Pour Me Marcel Ceccaldi, dès lors que l’action politique se mêle de la justice, il n’est plus question de parler de « justice ». « Ce dossier est scandaleux. Ce qui est scandaleux dans ce dossier est in fine la violation des droits fondamentaux », a-t-il soulevé. Et l’avocat d’enfoncer le clou : « Si on nourrit une ambition présidentielle, on ne peut pas déstabiliser la transition. Ceci souligne l’absurdité du dossier, au regard des personnes mises en cause.» Affaire de viande de sacrifice Dans le réquisitoire du procureur, qui s’est retrouvé sur la place publique, il est reproché celui qu’il convient d’appeler désormais ex-secrétaire général de la Présidence, le magistrat Sékou Traoré, d’avoir introduit des viandes de sacrifice au palais de Koulouba et mené des actions bloquant le fonctionnement de la première institution. « Il paraît que le coup d’Etat commencent chez les marabouts », ironise le bâtonnier Tapo, très inquiet : « Si la fréquentation d’un marabout peut contribuer à faire un coup d’Etat, franchement, j’ai peur pour moi-même, j’ai peur pour le Mali.» L’avocat de Dg du PMU Mali n’est pas allé par quatre chemins : « On est surpris par la diligence dans le dossier. On est dans le délire le plus absolu quand on évoque des sacrifices pour déstabiliser la transition. Il y a dans cette affaire un jeu d’ombre. » Me Kassoum Tapo a fait comprendre que ce n’est pas le Secrétaire général de la Présidence « qui fait l’agenda du Président de la République » au point d’en constituer un blocage. Dossier vide Dans son ‘’réquisitoire’’ contre le dossier, l’ancien ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Me Kassoum Tapo a expliqué qu’il n’y « aucune trace matérielle, aucune preuve de ces fonds de 200 millions de FCFA ». Pour lui, ce dossier initié par la Sécurité d’Etat « n’est pas une enquête préliminaire, la gendarmerie n’a fait que poser des questions ».
Dans son intervention, il a souligné quelques questions posées par la SE à son client Sékpu Traoré. Entre autre : « Pourquoi vous avez imposé au ministre de l’Economie et des Finances le maintien de Vital Robert Diop au poste du DG du PMU-Mali ? (il répond: je n’ai aucun pouvoir). Est-ce que vous êtes musulman pratiquant ? « oui, répond-il). Est-ce que vous avez des guides spirituels (origine des sacrifices)? (Oui, j’ai mon oncle Lassana Kané,…). Est-ce que vous êtes en lien avec Boubou ? Est-ce que vous êtes en lien avec d’autres de ses parents ? ». Lire aussi: Colonel Malick Diaw : « Le CNT est dorénavant bien structuré » – icimali.com « Il n’y a pas d’audio, de document écrit, de témoignages, d’aveux, d’armes non plus pour une quelconque déstabilisation. Il n’y a que des questions et des affirmations », a fait croire Me Touré. Avant de poursuivre : « Voilà tout ce que les renseignements généraux financés à coup de milliards ont réuni comme éléments de preuves. Dans cette affaire, le véritable fond est la position institutionnelle de Sékou. Est-ce qu’avoir un destin présidentiel pour les élections futures est une infraction ? Si on commence déjà à soupçonner ceux qui veulent être président de la république de vouloir déstabiliser la république et en même vous venez nous dire que vous voulez organiser des élections crédibles et transparentes, il y a de quoi s’interroger. Nous demandons à la justice de rendre au Mali sa dignité et sa fierté.» Car la transition est « conjoncturelle, passagère, la justice est pérenne ». Saisir la CEDEAO Me Tapo soutient ongles et bec que l’ouverture d’une information par le procureur, en se basant sur un rapport des services secrets, « est complètement illégale ». Ce qu’on reproche au procureur Kassogué « est de se faire instrumentaliser par la Sécurité d’Etat. Le procureur n’a pas requis de mandat. Si nous voyons une note de la SE dans le dossier, nous allons porter plainte auprès de la CEDEAO ». Somme toute, les membres du conseil Dr Boubou Cissé et détenus balaient du revers des mains les accusations du régime de la transition. Ils ont annoncé une rencontre avec le juge d’instruction ce lundi 11 janvier 2021 (Hier) pour exiger d’entendre leurs clients. « Ils seront obligés de nous donner les indices de complot », conclut Me Kassoum Tapo. Cyril Adohoun L’Observatoire |