Sur la transition en cours, la question sécuritaire et les réformes à entreprendre pour remettre le Mali sur le chemin démocratique, ses ambitions présidentielles et son offre politique, etc., Tièman Hubert Coulibaly, président de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD) dit tout dans un entretien exclusif. Fils de feu Moussa Balla Coulibaly, fondateur du parti de la Colombe blanche et longtemps inamovible patron des patrons maliens, Tièman Hubert Coulibaly peut se targuer de porter un grand patronyme. Il lui reste à se faire un prénom. Pour ce faire, les atouts ne manquent pas pour le plus capé des ministres maliens de la période 2012-2018. |
Tièman Hubert Coulibaly est l’un des hommes politiques maliens les plus en vue aujourd’hui en raison de leur imposant parcours. Tenez-vous bien ! Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de 2012 à 2013, puis ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, il a surtout occupé le poste stratégique de ministre de la Défense et des Anciens combattants de 2015 à 2016 avant de prendre les rênes du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation de 2017 à 2018 du Mali confronté à la crise la plus aigüe de son existence.
C’est en 1994 qu’il a véritablement entamé son parcours politique au sein de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD), créée et présidée par son père, feu Moussa Balla Coulibaly. C’est ce parti, dont l’emblème est la Colombe blanche, qu’il dirige depuis 2010. Tout indique qu’il sera le candidat de l’UDD à la prochaine présidentielle au demeurant très ouverte de 2022. Entretien exclusif.
Sud-Hebdo : Une nouvelle transition est en cours au Mali depuis les événements du 18 août 2020, marqués par l’intervention de l’armée et la démission du président Ibrahim Boubacar Kéita. Quel jugement portez-vous sur l’évolution de cette transition ?
Tièman Hubert Coulibaly : Nous devons beaucoup travailler parce que c’est une période très difficile. Encore une fois, il y a eu un coup d’arrêt à notre processus démocratique. Cela nous révèle que dans la construction démocratique, qui a débuté dans notre pays depuis bientôt 30 ans, nous avons du mal à atteindre un niveau qui nous permet d’avoir des institutions plus fortes que les circonstances ; des institutions pouvant contenir les contrariétés qui surviennent dans la croissance et la construction d’une nation.
Nous sommes tous d’accord qu’il faut que cette transition conduise à un Etat permettant d’assembler les éléments capables de projeter le Mali à nouveau sur son chemin démocratique. Cela nécessite des réformes. C’est pour vous dire que nous sommes d’accord sur presque toutes les réformes envisagées. Souvenez-vous que depuis la fin du mandat d’Alpha Oumar Konaré, nous disions qu’il était nécessaire de faire des ajustements constitutionnels. Rappelez-vous que sous le président Amadou Toumani Touré, il y a eu un grand chantier concernant ces réformes.
En 2017, après la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation, nous avons vu qu’il était nécessaire d’ajuster nos institutions, de revoir un certain nombre de textes qui régissent la vie de notre nation. Nous sommes tous d’accord sur le principe, malheureusement nous n’arrivons pas à le faire. Le coup d’Etat est intervenu et je crois fermement que cette transition est chargée de préparer l’Etat du Mali comme je l’ai dit afin que nous puissions poursuivre notre marche démocratique.
Nous sommes tous d’accord qu’il faut soutenir cette transition parce qu’il y a des difficultés. Il faut aider les autorités de la transition pour que la réussite soit au bout de leur chemin. C’est à l’aune de cette réussite que les élections, le programme de développement, la pacification du pays, la lutte contre le terrorisme et le retour du Mali au sein des grandes nations de ce monde devraient se faire.
Je disais qu’il y a des difficultés parce que le Programme d’action gouvernemental annoncé par le Premier ministre ouvre de grands chantiers. Nous sommes en droit de nous poser des questions sur sa faisabilité, sur la manière dont tout cela va se faire. J’apprécie aussi la création sous la houlette du Premier ministre d’un organe de concertation entre le gouvernement et les forces politiques, les acteurs de la société civile. En somme, un creuset des forces vives pour orienter stratégiquement la mise en œuvre des réformes.
Certainement dans ce cadre, nous connaîtrons davantage sur la démarche prévue par le gouvernement. Mais il est clair que ces chantiers sont difficiles et qu’il faut hâter le pas parce qu’il y a un délai. Il y a un délai dans lequel tout cela doit être fait. Mais force est de constater aujourd’hui que nous n’avons pas beaucoup avancé. Cependant, nous sommes disposés à aider les autorités de la transition à accélérer la marche pour respecter le temps imparti. Autrement, nous risquerions de nous retrouver dans une situation soit de rupture ou de malentendu entraînant une rupture.
Sur quels plans nous n’avons pas beaucoup avancé ?
Il y a une révision constitutionnelle à faire. Il y a les nouveaux textes visant les régimes électoraux à adopter. Il y a un programme de réorganisation territoriale, qui est précisément une vaste entreprise, très difficile. Il y a aussi la poursuite de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation parce que c’est une condition pour la pacification et le retour à une vie nationale harmonieuse. Ce sont autant de sujets sur lesquels j’ai le sentiment que nous n’avons pas beaucoup avancé.
Mais encore une fois, l’attitude positive consiste à intensifier la concertation, à réunir davantage de forces autour de ce processus afin qu’il soit inclusif. Quand nous nous parlons et que nous discutions des mêmes sujets sans exclure qui que ce soit, il est fort probable que plus de la moitié du chemin soit fait vers le succès. Mais quand nous ne faisons pas de concertation et d’inclusion sincères, il est fort à parier aussi que les facteurs d’échec se multiplient. C’est mon point de vue.
De l’avis de nombreux observateurs de la scène politique malienne, vous êtes un candidat idéal pour la présidentielle de 2022. Que leur répondriez-vous ?
Je remercie ceux qui m’accordent leur confiance déjà et à ceux-là je réponds que pour une élection présidentielle, un candidat intéressé se doit de réunir deux conditions : une première condition c’est qu’il soit en position d’être candidat.
La deuxième condition est qu’il soit en situation de gagner. Je pense que je suis en position d’être candidat depuis longtemps parce que je suis président de l’UDD depuis 2010, et le parti a souvent souhaité que nous nous lancions dans la conquête présidentielle, et après des analyses, nous avons vu que, pour le Mali, et pour avoir un dispositif politique cohérent de soutien aux efforts de développements, de pacification et de réconciliation dans notre pays, qu’il était intéressant de renoncer à une candidature qui ne réunissait pas la deuxième condition et de faire des alliances pour le bénéfice du seul Mali. Autrement dit, je n’ai jamais voulu aller à l’élection présidentielle pour essayer ou pour tester ma machine ou encore pour évaluer mes forces.
J’ai toujours voulu être dans un projet politique en lequel j’avais confiance et en lequel je plaçais de l’espoir pour le Mali. Donc la première condition, je la remplis depuis longtemps. J’aurais pu être candidat en 2013, j’aurais pu l’être en 2018 mais j’ai choisi une alliance. Aujourd’hui, je pense que la deuxième condition, qui est celle d’être en situation de gagner, n’est pas loin d’être remplie. J’ai eu un parcours gouvernemental qui m’a permis de mieux connaître mon pays, qui m’a permis d’être formé parce que j’ai appris sur le Mali et le monde. Aussi, ce parcours m’a permis de connaître l’Etat, d’avoir assez d’éléments d’informations pour qu’étant candidat à l’élection présidentielle je puisse me projeter. Un mandat de cinq ans doit être soutenu par un projet comportant des éléments forts, permettant d’engager la transformation positive.
Par ailleurs, je pense que mon parcours a permis aux Maliens de mieux me connaître. Vous savez, l’élection présidentielle est un rendez-vous entre un homme et son peuple. Vous devez forcément avoir un contact avec votre peuple afin que ce dernier vous reconnaisse en tant que chef probable ou chef possible.
Après, je suis président de l’UDD, je suis président de l’ARP, nous travaillons sur le terrain à implanter davantage l’UDD, l’ARP et nous conviendrons du moment idéal pour prendre des décisions ensemble pour annoncer ce que ces organisations politiques auront décidé. Pour ma part, je pense que le parcours que j’ai fait pendant toutes ces années m’a préparé à ce rendez-vous.
Qu’est-ce qui vous différencie des autres potentiels candidats ?
Il n’y a pas encore d’annonce de candidature. Les gens n’ont pas encore révélé leurs programmes. Mais je pense que pendant tout ce temps, j’ai tout fait pour suivre une voie du milieu. L’action politique se déroule dans un environnement conflictuel, et c’est un choc des idées, c’est un choc des projets, mais ce sont des chocs en réalité qui produisent des éléments positifs
Moi, j’ai toujours pris le parti de cultiver l’esprit de synthèse. Pour moi, un chef politique appelé à gouverner doit recevoir toutes les sensibilités de son pays, intégrer des aspirations, intégrer aussi des contradictions et travailler avec cela. Ma démarche consiste à faire une synthèse. Certains appellent cela consensus, mais le consensus est un élément circonstanciel, ce n’est pas un élément de pensée
Demain, en m’engageant dans cette action de conquête du pouvoir présidentiel, ce sera dans un esprit de synthèse, surtout dans un contexte malien de division et mésentente, pour être capable de réconcilier.
Synthétiser, rassembler et fédérer. Est-ce cela l’offre politique de Tièman Hubert Coulibaly ?
Notre offre politique est la transformation et la modernisation de notre pays sur le plan économique, sur le plan de l’éducation. Nous proposons un programme d’industrialisation en partie sur la base des propositions et observations de l’Organisation patronale des industrielles depuis des années. Cela nécessite une action forte sur la fourniture d’énergie à un coût nous permettant d’industrialiser le pays.
Ce sera là aussi une action forte sur l’éducation pour moderniser notre pays ; pour que notre jeunesse puisse être formée pour être plus compétitive sur le plan international afin qu’elle intègre les nécessités qui vont faire que demain le Mali puisse compter parmi les nations. On parle d’émergence, mais moi je parlerais d’une nation où les Maliens aiment vivre chez eux, où ils sont fiers de ce qu’ils font au quotidien dans leur pays et pour leur pays.
L’offre politique sera essentiellement tournée vers cette jeunesse qui, aujourd’hui, a entre 15 et 35 ans. C’est sur elle que nous allons orienter notre action et c’est autour d’elle que nous formulerons cette offre politique résolument moderne. Notez-le bien, ce sera une offre libérale sur le plan économique afin que les besoins sociaux puissent être satisfaits dans un cadre économique où on produit assez de richesses pour financer les projets sociaux.
Nous agirons pour réduire la présence de l’Etat dans un certain nombre de domaines. Je ne dis pas absence de l’Etat, je dis moins d’Etat et mieux d’Etat notamment dans certains secteurs de l’économie. Le moment venu, cette offre politique sera détaillée. Retenez essentiellement que c’est un programme pour la jeunesse de notre pays.
La question sécuritaire est la principale préoccupation des Maliennes et des Maliens. Elle concerne aujourd’hui tout le Sahel et est devenue une priorité pour la communauté internationale. Vous avez géré trois portefeuilles régaliens comme celui des Affaires étrangères, par deux fois, la Défense et l’Administration territoriale. Avez-vous un autre regard sur la question ?
La question sécuritaire est devenue emblématique pour notre pays. Le trafic de drogue et toute l’économie illicite qui se développent autour et en faveur du terrorisme concernent l’ensemble du Sahel. Ces phénomènes se sont rapprochés de nous progressivement et le malheur est qu’à un moment donné peut-être nous n’avons pas été vigilants.
Notre Etat était dans une situation de faiblesse permettant la floraison des organisations terroristes qui ont finalement déstabilisé notre pays, avec même une conséquence sur l’interaction des communautés nationales. Il ne s’agit pas d’un problème purement malien, c’est un problème international, c’est un problème mondial.
Et pour ce qui concerne le Mali, je pense aussi que c’est arrivé comme une crise de croissance d’un organisme. Alors, chaque génération a sa part dans la bataille pour la construction nationale. Notre lot, c’est aujourd’hui cette question du terrorisme et de la sécurité dans l’espace sahélien. Eh bien, soyons lucides, acceptons que c’est notre lot ; acceptons que c’est le combat de notre génération.
Je n’accuse personne de quoi que ce soit. De la même manière, je n’accepterai que quelqu’un accuse le Mali. Alors, dans cette perspective, il est essentiel que nous continuions notre coopération avec nos partenaires au sein du G5-Sahel. C’est très important. Ce qui est plus important c’est que nous mettions nos forces de défense et de sécurité dans une situation de contribution de qualité au sein du G5-Sahel. Et qu’en plus, elles puissent être maitresses sur notre territoire.
Nous devons soutenir la montée en puissance de nos armées et nos forces de sécurité pour que leur présence sur notre territoire soit effective.
Ça c’est l’aspect militaire, mais la solution à la crise sécuritaire n’est pas que militaire. Il y a un volet social et économique. Il est essentiel que nous travaillions de manière efficace sur les questions de culte dans notre pays. Notre pays est musulman depuis très longtemps, bien avant beaucoup et en matière de l’islam, nous n’avons pas de leçon à recevoir de qui que ce soit. J’ai toujours dit que nous sommes terre d’islam authentique et sincère. Nous sommes des Maliens. Nous devons travailler afin que les questions cultuelles dans notre pays fassent l’objet d’une gestion nationale.
Il y a des actions à faire sur le plan économique parce que quand des communautés se sentent abandonnées, n’ont plus de moyens pour subsister à plus forte raison d’entreprendre, elles peuvent se jeter dans les bras du premier aventurier arrivé. La solution militaire est essentielle mais il y a des solutions économiques, de justice et celles liées à l’éducation parce qu’il faut ouvrir l’intelligence vers ce qui est positif et surtout bénéfique pour notre pays. D’ailleurs au G5-Sahel cela est bien compris parce qu’il y a un volet développement extrêmement important. Aujourd’hui, on voit la Force conjointe dans ses aspects militaires. Mais les aspects développement sont beaucoup plus importants. Donc, la crise sécuritaire recevra des solutions de tous ces secteurs : militaire, économique et social.
Vous avez été ministre de la Défense aujourd’hui les FAMa sont au front contre le terrorisme. Pensez-vous qu’elles peuvent venir seules au bout de ce phénomène ?
Le terrorisme est un phénomène pour l’ensemble du Sahel et même au-delà du Sahel. Je pense que vous avez vu des attaques récentes contre le Mozambique. C’est un phénomène qui nécessite la prise en main de notre sécurité de manière collective parce que la menace est globale et au-delà de la menace, l’action des terroristes se porte sur nos différents territoires et souvent en même temps.
Les forces terroristes peuvent programmer une attaque au Mali, une au Burkina Faso, une au Niger, exactement dans la même planification. Nos frontières sont longues, difficiles à couvrir. Le Mali compte plus de 6600 km de frontière et celle que nous avons avec le Niger est exactement la même longueur pour nos deux pays. Le Niger a les mêmes difficultés sur sa frontière que nous en avons sur la nôtre.
Celle avec le Burkina est pareille. Vous devez envisager des solutions, face à ce problème-là de manière collective. Le partenariat a un sens. Depuis longtemps les nations tissent entre elles des relations qui induisent des partenariats et de la coopération dans divers domaines, sur le plan économique, sur le plan de l’éducation, de la recherche scientifique et technique, sur le plan militaire.
Il n’est pas rare de voir des grands pays industrialisés se mettre ensemble dans le domaine de l’aéronautique par exemple, dans le domaine spatial, de l’industrie même de l’industrie manufacturière. Vous trouverez des entreprises qui reçoivent des capitaux venant de trois ou quatre pays différents, ce sont des sociétés transnationales. Vous verrez des prouesses technologiques accomplies par des équipes qui réunissent des ressortissants de plusieurs pays.
Il en est de même pour la lutte contre le terrorisme. Je n’ai pas de complexe à dire que nous avons besoin de nos partenaires. Je ne vois pas de problème en cela parce que je ne crois pas que le fait de coopérer avec un pays ami soit une honte ou un aveu de faiblesse. C’est plutôt la révélation d’une nécessité.
Ce n’est pas parce que vous appelez votre ami ou votre frère à vous aider à porter un lourd fardeau que vous passez pour un paresseux. C’est simplement que le fardeau est lourd. Et vous avez besoin d’aide pour le porter.
Chaque fois qu’un Etat ou une nation constate que pour telle mission, seul, il n’y arrive pas, il faut qu’il tire les leçons de cette séquence-là et se prépare pour l’avenir. Du reste, le Mali a contribué militairement dans d’autres pays. Notre pays a envoyé des années durant des contingents pour les missions de maintien de paix au compte des Nations unies et au compte des forces ouest-africaines.
Il ne faut jamais oublier cela. Et donc du G5-Sahel, nous avons besoin. Nous avons besoin aussi du partenariat de pays un peu plus lointains qui pensent que leur combat contre le terrorisme mérite qu’ils apportent leur aide au Mali. A menace globale, il faut envisager une sécurité collective. Dans ce sens-là, il faut que ceux qui sont concernés mettent leurs forces ensemble. C’est essentiel.
De toute façon, on voit de plus en plus que les FAMa accomplissent des exploits. Elles sont dans une posture totalement différente, parce qu’elles ont saisi les subtilités de cette guerre et qu’elles sont capables de déployer une action offensive. Il faut l’apprécier.
Nous avons besoin de partenaires pour que nous puissions atteindre nos objectifs de pacification de notre pays. Dans ce contexte, je crois que les solutions à ces questions sécuritaires ne se limitent pas à l’armée, il y a aussi un travail politique à faire. Il y a certains dirigeants de ces forces terroristes qui, semble-t-il, sont disposés à parler, à dialoguer. Pourquoi pas ? Il faut aussi envisager cela, c’est une manière aussi d’aider les FAMa. Ceux qui sont prêts à dialoguer, qui veulent décrocher du terrorisme pour que nous envisagions un avenir ensemble sans violence, nous devons nous mettre dans les dispositions pour cela. Cela va aider grandement nos Forces de défense et de sécurité.
L’armée n’a pas vocation à se battre tout le temps, elle a aussi une vocation à participer au développement. Moi, je rêve des routes construites au Mali par le génie militaire. On avait commencé, il y a quelques années, il faut que nous puissions refaire cela et que certains ouvrages de franchissement dans des zones enclavées puissent être construits par le génie militaire.
Je rêve de voir la direction du service de santé ou la direction des affaires sociales de l’armée participer à des actions civilo-militaires tendant à aider les populations sur le plan sanitaire, sur le plan de l’éducation. C’est aussi le rôle de l’armée.
Dans ce combat contre ce terrorisme, soutenez-vous les Forces armées, en tant qu’ancien ministre de la Défense ?
Je soutiens l’Armée nationale depuis que je suis né. Je suis Malien, l’Armée nationale est le principal instrument de souveraineté. Nous nous sommes tous reconnus dans cette armée depuis que nous étions gamins. Je suis un ancien ministre de la Défense. Ayant assuré ce commandement j’avoue que j’ai vécu une aventure humaine, une aventure politique inédite. Ce n’est pas une formule à la légère, mais mon cœur bat pour l’Armée nationale. J’ai quitté le ministère de la Défense avec une expérience d’une richesse inouïe. Aujourd’hui encore, j’ai de meilleures relations avec la troupe, je ne parle même pas de la hiérarchie militaire.
En tant que Malien, je ne peux pas ne pas soutenir l’action de l’Armée malienne. C’est pourquoi je dis que nous avons besoin de travailler davantage sur l’Armée et pour l’Armée. Les gens se trompent, je comprends ça, parce qu’il y une impatience, beaucoup de gens sont agacés par cette situation. L’impatience est légitime, mais je dois dire que nous devons comprendre que ce combat est long, cette guerre sera longue. C’est la charge de notre génération, sachons qu’elle sera longue, mettons-nous dans des dispositions psychologiques pour cela et surtout faisons en sorte qu’il n’y ait pas de dissonance entre ce que nous politiques, faisons et ce que l’Armée engage comme actions pour la défense de notre territoire, qu’il n’y ait pas de dissonance entre l’Armée et son peuple. C’est comme ça que nous prouvons les meilleurs comportements pour nos hommes qui sont engagés. Il faut soutenir l’Armée, il faut la soutenir sans limite. Plus qu’une obligation, cela doit être une manière d’être.
Voulez-vous dire que la classe politique doit organiser un débat pour contribuer à aider les FAMa ?
Je ne pense pas qu’il soit nécessaire que la classe politique organise un débat. Mais il est nécessaire de bien comprendre la question. Les hommes politiques doivent agir dans le sens de la mobilisation de notre peuple au soutien des FAMa.
Tout ce qui concerne l’armée doit revêtir un caractère sérieux et même sacré. Je suis convaincu que les Forces armées sont notre premier outil de souveraineté. Il faut donc organiser le soutien autour des FAMa. Je ne dis pas que tout ce que les FAMa font est sans reproches, mais si des choses doivent être reprochées aux FAMa, il faut le faire dans les normes. Cela ne doit pas se faire sur les réseaux sociaux, dans des discours dévalorisants, qui stigmatisent. Il faut le faire dans un contexte sérieux, de préservation de notre outil militaire.
Pensez-vous que le G5-Sahel peut juguler la crise sécuritaire au Sahel ?
La tâche qui est la nôtre en tant que nation, en tant que Etat membre du G5-Sahel c’est promouvoir et assurer la sécurité collective. Pourquoi ? Parce que d’abord la menace et l’action des forces terroristes sont globales. Les terroristes agissent au Mali, au Niger, au Burkina, donc, il y a une menace globale. Cette menace globale nécessite un réflexe pour organiser notre sécurité collective. C’est pour ça que le G5-Sahel est utile. Il sera encore plus utile avec des pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire.
Ministre de la Défense, puis des Affaires étrangères, j’ai toujours milité pour que ces deux pays puissent se rapprocher du G5-Sahel. J’ai toujours milité pour que les autorités des Etats membres fondateurs du G5-Sahel fassent une action en direction de ces deux pays. Le Sénégal, c’est le Sahel, le Nord de la Côte d’Ivoire, c’est aussi le Sahel, nous retrouvons dans ce combat. Je vois aujourd’hui que les développements récents me donnent raison.
Donc, cet outil est utile sur le plan du développement parce qu’il y a des projets de développement que nous pouvions monter de manière mutuelle. Par exemple l’OMVS est un dispositif très utile. Aujourd’hui, le barrage de Manantali assure le développement de plusieurs Etats. Donc, notre communauté à un sens, notre communauté a même une réalité historique. Tous ces pays sont liés d’une manière ou d’une autre.
Dans cette lutte contre le terrorisme, il faut aussi que nous nous mettions ensemble. Cela n’enlève rien à notre souveraineté. Quand un danger menace le quartier, il faut que les différents habitants acceptent, même si au quotidien ils ne s’entendent pas souvent, que leur survie collective est supérieure à ce qu’il pourrait les séparer. Je suis un militant de la sécurité collective à organiser.
Notre pays le Mali va très mal. Quelle solution prioritaire proposez-vous ?
La paix ! La conquête de la paix ! La conquête de la paix parce que sans la paix, l’action économique durable, de développement, de création de richesses, de renforcement de la production de notre pays ne pourra jamais se faire. La conquête de la paix doit désormais être notre guerre. Il faut conquérir la paix. Et cela demande des sacrifices, de la tolérance à l’interne comme vis-à-vis de l’extérieur. Les Maliens ont signé un accord pour la paix et la réconciliation, ce n’est pas parfait, il est loin d’être parfait. Je pense qu’il y a un certain nombre de dispositions à relire. C’est d’ailleurs prévu dans l’accord.
Donc ne nous querellons pas sur le principe de la relecture mais plutôt exprimons tous notre désir d’aller vers la paix pour que nous garantissions les chances de survie de notre nation. Pour cela, nous devons être prêts à faire des efforts essentiels. L’action prioritaire aujourd’hui, c’est d’obtenir la paix, obtenir la cohérence.
Le Mali connaît une troisième vague de la maladie à Covid-19. Quel message avez-vous à l’endroit des populations maliennes ?
Cela fait un peu plus d’un an maintenant que ce virus contrarie notre vie nationale et contrarie le monde entier. Les conséquences économiques sont pires, les conséquences humaines encore plus. Il y a une montée des chiffres de la contamination dans notre pays, qui indique que nous sommes certainement atteints par un variant dont la vitesse de contamination est supérieure à la forme du virus que nous avions précédemment. Donc, le président de la Transition a présidé récemment un comité de défense qui a décidé de nouvelles mesures, qui a décidé de la fermeture des lieux de loisirs, qui a décidé de l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes, etc. Il faut respecter toutes ces dispositions. Il faut que la discipline devienne votre premier moyen de prévention et de protection contre le coronavirus. Deuxièmement, les choses sont dites, il faut respecter les mesures barrières et continuer à les enseigner. C’est une réalité, nous avons à notre disposition un vaccin, quel que soit le débat actuel en cours, nous devons promouvoir la vaccination. Nous avons le vaccin Astra Zeneca, il faut que ceux qui sont porteurs de maladies chroniques soient vaccinés, il faut que le personnel de santé soit vacciné, il faut que nos Forces de défense et de sécurité soient vaccinées. Plus récemment, il a été dit que pour ceux qui ont moins de 55 ans, ce vaccin pourrait provoquer des effets indésirables. Néanmoins, en alliant cette première dose d’Astra Zeneca avec la dose d’un vaccin ARN, notamment du laboratoire Pfizer, cela pouvait éviter les risques de thrombose, etc. Il faut aujourd’hui que le maximum de Maliens prenne cette première dose de vaccin, qui, semble-t-il, protège à un certain niveau. Après, chemin faisant, nous compléterons pour une immunité intégrale avec certainement ce vaccin ARN. Le gouvernement du Mali doit rapidement réagir à cela et essayer d’acquérir par des moyens qui sont disponibles, le nombre de doses de vaccins ARN suffisants pour compléter les premières doses, cela va se faire peut être dans 3 ou 4 mois, en un peu du temps. Il faut se battre pour contrer ce virus.
Propos recueillis par
Abdoulaye Sega Diabaté
Source : Sud Hebdo
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