Dans une récente déclaration, Tiefing Sissoko, Docteur en Sciences de l’Education, Enseignant-chercheur à l’Université des Lettres et Sciences humaines de Bamako, et Enseignant à l’Université de Paris-Esr-Crétell, a vivement critiqué l’efficacité de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger, affirmant sans ambages que cet accord est désormais « caduc » et « ne sert plus à régler nos problèmes ».
Cette prise de position franche et directe de l’ex-entraineur national du judo malien intervient dans un contexte où le Mali est en proie à des violences incessantes et à une instabilité chronique, mettant en lumière les graves lacunes de l’accord en question.
Selon le Dr Sissoko, l’Accord d’Alger a révélé ses faiblesses de manière flagrante à mesure que les populations civiles continuent d’être la cible d’attaques meurtrières. « L’accord n’est pas seulement une question de diplomatie », a souligné Dr Sissoko. Qui a pointé du doigt les limites de l’Algérie, Chef de file de la médiation : « Des jeunes sont en train de mourir sur le désert de la migration, sur le chemin qui mène vers l’Europe. Ils meurent dans le Sahara. Ils meurent sur le territoire algérien. Donc, l’Algérie, je dirais, a montré ses limites par rapport à cette situation d’intermédiation, et cela doit être dit. »
Il est clair, à en croire Dr Tiefing Sissoko, que les neuf années écoulées depuis la signature de l’accord ont été marquées par une évolution significative de la situation politique, sociale et sécuritaire dans la région, ce qui rend cet accord inadapté à résoudre les défis actuels. Aussi a-t-il placé le curseur sur l’incapacité de l’accord à traiter efficacement les atrocités commises sur le territoire malien.
Et l’universitaire d’être catégorique : « Nous devons régler nos problèmes sur une nouvelle base. Et cette nouvelle base, il ne faut pas avoir peur de le dire, cet accord caduc ne sert plus à régler nos problèmes. »
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Fin de l’Accord, les raisons
Faut-il le rappeler, dans un communiqué daté du 25 janvier 2024, le Gouvernement de la Transition a annoncé la fin de l’Accord. Cette décision fait suite à une série de graves événements mettant en cause l’Algérie, en tant que médiateur de cet accord. Parmi les raisons invoquées par le gouvernement malien figurent le changement de posture de certains groupes signataires de l’accord, devenus des acteurs terroristes poursuivis par la justice malienne.
De plus, l’incapacité de la médiation internationale à faire respecter les obligations des groupes armés signataires a été soulignée, malgré les plaintes exprimées par le Gouvernement de la Transition dans une lettre datée du 24 février 2023, adressée aux autorités algériennes.
Le communiqué du Gouvernement de la Transition pointe également du doigt les actes hostiles et l’instrumentalisation de l’Accord par les autorités algériennes, qui agissent en tant que chef de file de la médiation internationale dans ce processus. Ces accusations ont été publiées dans le communiqué numéro 064 du 25 janvier 2024.
Face à ces constats jugés suffisamment graves, le Gouvernement de la Transition a déclaré l’inapplicabilité absolue de l’Accord d’Alger, annonçant ainsi sa fin avec effet immédiat. Néanmoins, il assure son engagement à rechercher une solution pacifique à la crise malienne, en tirant des enseignements des accords précédents et en consolidant les acquis.
Le gouvernement a invité désormais les groupes signataires non impliqués dans le terrorisme, ainsi que les partenaires du Mali, à s’engager dans un dialogue direct inter-malien ouvert à tous les compatriotes désireux de paix. Cette initiative avait été annoncée par Son Excellence Le Colonel Assimi GOÏTA, Président de la Transition et Chef de l’État, le 31 décembre 2023.
Profitant de cette annonce, le Gouvernement de la Transition appelle également les Maliens à renforcer la cohésion nationale et à promouvoir le dialogue et la paix dans le pays.
Cette décision marque un tournant dans le processus de paix au Mali et soulève des questions sur le rôle de la médiation internationale, ainsi que sur les actions des autorités algériennes dans la résolution de la crise. L’avenir de la stabilité au Mali semble plus que jamais tributaire des initiatives nationales et des partenariats régionaux.
Quid du dialogue inter-malien en gestation ?
Alors que les autorités de la transition se préparent à un dialogue inter-malien, après avoir mis fin audit accord, Dr Sissoko insiste sur le fait que la simple invitation des parties à la table des négociations ne suffira pas à effacer les souffrances endurées par les victimes. « Il ne faut pas croire qu’en invitant les uns et les autres à la table de négociation, on leur dira : venez, on pardonne. Nous pouvons pardonner, mais nous n’oublierons pas ce qui s’est passé. Nous ne pouvons pas oublier cet acte de barbarie. Certains peuvent venir à la table de négociation pour discuter avec nous », dira-t-il.
Toutefois, a insisté Dr Tiefing, « tous ceux qui ont été à l’origine de cette barbarie seront traduits devant la justice et devront répondre de leurs actes. C’est ce qui va se passer ».
Somme toute, cette critique sans détour de l’Accord d’Alger par Dr Tiefing Sissoko souligne l’urgence d’une refonte complète de l’approche de résolution des conflits au Mali. Il est désormais impératif que les autorités maliennes examinent sérieusement de nouvelles stratégies pour rétablir la paix et la stabilité dans la région, en tenant compte des réalités et des défis actuels.
En attendant, il est clair que l’Accord d’Alger, dans sa forme actuelle, est devenu obsolète et inefficace, laissant le Mali piégé dans un cycle de violence et d’incertitude croissantes.
Cyril Roc DACK / Icimali.com