Même scénario le dimanche 4 mai, lors d’une conférence de presse des jeunes représentants de partis politiques et d’organisations de la société civile. Malgré ces blocages, les organisateurs n’ont pas reculé. Ils ont profité de leur brève prise de parole pour annoncer la signature d’un manifeste appelant au retour à l’ordre constitutionnel.
UNE Politique

Mali : Du meeting politique à la signature de Manifeste, la contestation monte

Les tensions politiques s’intensifient au Mali, où la transition en cours fait face à une contestation de plus en plus structurée et ouverte. Deux événements majeurs ont cristallisé le mécontentement ces derniers jours : un meeting politique interdit au Palais de la culture Amadou Hampâté Bâ, samedi 3 mai, et une conférence de presse couplée de la signature d’un Manifeste, perturbée le lendemain à la Maison de la presse de Bamako.

Bamako, 5 mai 2025 — Les deux initiatives, portées par des acteurs de la société civile et de l’opposition politique, visaient à  » dénoncer les dérives observées » dans la conduite de la transition et à appeler au respect des principes démocratiques. Leur point commun : avoir été empêchées par l’intervention des forces de l’ordre, à la suite d’oppositions virulentes de jeunes mobilisés en soutien aux autorités de la transition.

Le meeting du samedi, placé sous le thème de « La défense des acquis démocratiques et le respect de la Constitution », n’a presque pas pu se tenir. Des groupes de jeunes pro-transition ont investi les lieux, accusant les organisateurs de vouloir « déstabiliser la transition ».

Même scénario le dimanche 4 mai, lors d’une conférence de presse des jeunes représentants de partis politiques et d’organisations de la société civile. Malgré ces blocages, les organisateurs n’ont pas reculé. Ils ont profité de leur brève prise de parole pour annoncer la signature d’un manifeste appelant au retour à l’ordre constitutionnel.

« Nous, acteurs de la société civique, responsables politiques, syndicats, journalistes, intellectuels et citoyens engagés, lançons un appel solennel pour le respect de la démocratie, du pluralisme politique, des droits fondamentaux et pour un retour effectif à l’ordre constitutionnel. Nous affirmons avec force que la démocratie, le respect des normes constitutionnelles, les libertés fondamentales et le pluralisme politique sont les piliers essentiels de la stabilité et de la légitimité institutionnelle. Face aux incertitudes actuelles, nous refusons toute forme de dérive autoritaire, de confiscation du pouvoir ou de restriction des libertés. Seule une gouvernance basée sur le droit, la transparence et l’inclusion peut répondre aux aspirations profondes du peuple malien. », a déclaré Cheick Oumar Doumbia, politologue et figure de la société civile.

Le manifeste, selon Sekou Niamé Bathily, membre du RPM (Rassemblement Pour le Mali), sera accessible à tous les Maliens : « Nous allons désigner un lieu pour la signature physique du manifeste et mettre en place une signature en ligne, pour permettre à tous, y compris dans les régions et les cercles, de s’exprimer. »

Bathily dénonce une transition longue et stérile : « Durant cinq ans, les Maliens ont attendu un changement. Mais toutes les promesses n’ont pas été tenues. Les engagements n’ont pas été respectés. »

Mali : « Déclaration des partis politiques suite aux provocations pour empêcher le meeting du 3 mai 2025 »

 

Des réactions de soutiens

« Bravo au peuple Malien pour la mobilisation de ce jour.  Vous avez été empêchés mais vous avez montré que plus que jamais vous tenez à la liberté, à la justice et à la démocratie. La lutte ne fait que commencer. Restons soudés et résilients et ensemble nous remettrons le Mali dans la bonne voie », a réagi l’ancien Premier ministre Moussa Mara sur Facebook.

« Ils ont voulu empêcher une conférence de presse, ils ont finalement eu droit à deux… Pour le Mali, nous sommes débout sur les remparts ! À la violence, nous préférons les arguments !  Aux insultes, nous préférons les valeurs ! À l’arbitraire, nous préférons la légalité ! Aux personnes, nous préférons le Mali ! Vive un Mali démocratique et prospère », écrit Moctar Ousmane Sy président du Mouvement Génération Engagée.

Abdrahamane Diarra, Secrétaire politique du parti Union pour la république et la démocratie (URD) est catégorique : « La préservation des libertés est un devoir patriotique. Engagement et persévérance pour le respect des valeurs et des lois. Nous sommes en ligne pour défendre ce qui nous reste de plus précieux : notre droit de choisir, notre voix collective, notre dignité démocratique. Notre engagement pour La Défense des libertés et des lois est un acte de résistance, un cri de conscience, un serment devant l’Histoire. La solution, c’est le dialogue. La solution, c’est le droit. La solution, c’est la démocratie. »

Des oppositions

À l’opposé, des voix s’élèvent pour défendre la ligne gouvernementale. Ibrahim Traoré ( dit IT), militant pro-transition, a fustigé les détracteurs du régime en place : « Ceux qui crient aujourd’hui ont refusé de participer aux concertations nationales. Ils ne peuvent pas revenir aujourd’hui pour contester les recommandations issues de l’Assise nationale de la Refondation, qui sont pourtant la volonté populaire. »

Ibrahim Traoré n’a pas hésité à utiliser une métaphore lourde de sens : « Dans une grande famille, s’il y a dix enfants et qu’un seul refuse de manger avec les autres, c’est une mauvaise graine qu’il faut écarter. »

Ce regain de tension survient dans un contexte particulièrement sensible. Le mercredi précédent, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi visant à abroger la charte des partis politiques, une mesure perçue comme un pas vers la dissolution des formations politiques, conformément aux recommandations récentes des forces vives de la nation.

Ce durcissement du cadre politique semble marquer un tournant. « Il y a l’éveil de conscience qui est là », a soutenu fermement Sekou Niamé Bathily. Entre pressions sécuritaires, crispation politique et appel à la mobilisation démocratique, le Mali s’enfonce dans une confrontation dont les prochains jours diront si elle restera symbolique ou si elle ouvrira une nouvelle ère de lutte politique ouverte.

Cyril Roc DACK

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