Il peut se targuer d’être le président le plus heureux de l’histoire du Mali. IBK réussit à faire fonctionner l’Etat, malgré l’arrogance des tempêtes qui le bravent. Mais pourra t-il toujours réussir à tenir bon le gouvernail ? Pourvu qu’il parvienne à éviter de commettre certaines erreurs.
La gouvernance du président Ibrahim Boubacar Kéita est comme couverte par une « baraka » dont on ignore tous les secrets, dans un pays où la superstition a plus d’adeptes. Il est certain que lui-même est surpris par la puissance cette main invisible qui le protège et qui protège le Mali qu’il gouverne. En tout cas, rationnellement, il nous est difficile d’appréhender les paramètres mystérieux de cette résistance à la succession de tempêtes et d’ouragans qui l’ont affronté avec arrogance et persistance. De sa brillante élection en 2013 (il faut le lui reconnaitre, il est l’un des présidents les mieux élus au monde), le président Ibrahim Boubacar Kéita n’a eu aucun répit jusqu’à sa laborieuse réélection de 2018, les crises se sont succédées, et le brasier n’a jamais diminué d’ardeur. Du dedans comme au dehors, il a été assailli par des coups parfois violents et souvent très pernicieux. Pourtant, il est là. Certes éprouvé physiquement et intérieurement, mais il tient bon le gouvernail. Le Mali a failli plusieurs fois sombrer, mais une main invisible est toujours venue le sauver de l’abime. Or, rien ne le prédisposait à un tel exploit, lui qui a commis plusieurs erreurs de coaching dont certaines ont failli lui être fatales.
L’homme n’a jamais eu la main heureuse sur le choix des hommes et des femmes qu’il a pourtant lui-même choisi selon les critères dont il est le seul à avoir les secrets.
Oumar Tatam ly, Moussa Mara, Modibo Keita, Abdoulaye Idrissa Maiga illustrent parfaitement la maladresse du président qui n’est jamais venu chercher son premier ministre au sein de la formation politique dont il est issu. La très longue liste de ministres et cadres qu’il a choisi lui-même pour ses différents gouvernements et qui ont fini par vouloir lui tisser une couronne d’enfer, a fini de tromper les plus enthousiastes au sein des ses irréductibles partisans. Nous disons donc et nous l’assumons, IBK s’est toujours trompé sur les hommes. Il n’a jamais cru en ceux qui lui ont fait confiance. Il n’y a pas d’autres façons de le dire. La preuve ? Il y en a plus qu’une malheureusement.
Soumeilou Boubeye Maiga aujourd’hui premier ministre a d’abord été victime de ses erreurs avant d’être réhabilité. Le même qui passe pour être l’ultime sauveur de son pouvoir et même de sa peau avait été largué et humilié de façon publique. Tiéman Hubert Coulibaly est aussi passé par là. A vouloir citer tous les autres comme Mamadou Frankaly Kéta et Bocary Treta, on finira par en rajouter au chagrin de centaines de personnes toutes catégories confondues.
A force d’ambigüité, IBK s’est lui-même créée ses propres « ennemis » et a rallonger la liste des sceptiques autour de lui. Nous pesons ici les mots.
Comme si cela ne suffisait pas, IBK est sur le point d’en commettre et d’enfoncer le clou, si rien n’est fait pour arrêter la série noire.
La très inconfortable situation dans laquelle il a installé son parti, le RPM, n’est il pas un premier mauvais signe ? Tout laisse à le croire. Trimballés comme de vulgaires « beni oui oui », les cadres de son parti continuent de broyer du noir et se déchirent à son indifférence totale. Détrompez vous si vous croisez le sourire d’un d’entre eux. Il ne s’agit pas de sourire affectif, mais plutôt de chagrin. Or, IBK aurait pu être le ciment de la galaxie ADEMA .
Oubliant, ou peut être, ne sachant pas qu’il est le seul capable de reconstituer et d’initier la reconstitution de la galaxie ADEMA, il continue de créer des frustrations et de faire exploser les derniers espoirs d’un tel projet. Le gouffre qui s’élargi entre l’URD et le reste de la famille ADEMA sonne comme la fin des temps d’une famille politique.
IBK sait mieux que quiconque que Soumaila Cissé, aujourd’hui chef de fil de l’opposition n’est pas et ne saurait être ni son ennemi, ni l’ennemi du Mali. Il le sait par les liens fraternels qu’ils entretiennent en dehors de l’espace public. Il connait mieux que quiconque son frère Soumaila Cissé. Donc il sait ce que son frère attend de lui, lui qui lui a offert 500 millions pour faire fonctionner la démocratie. Ici, le président de la République, doit faire un sacrifice : celui d’inviter l’opposition pour un dialogue direct comme l’avait préconisé le président de l’UDD, Tieman Hubert Coulibaly sous une autre forme. Ce dernier avait réclamé un dialogue direct majorité-opposition. En s’affranchissant du carcan des intermédiaires, IBK réussira non seulement à convaincre ses interlocuteurs de sa bonne foi, mais aussi et surtout démontrera à la face du monde son attachement à la cohésion nationale. Cet exercice ne coutera rien ni à son prestige ni à son fauteuil. Au contraire, il a l’avantage de lui offrir de douces nuits de sommeil pendant le temps qui lui reste au Palais.
Aujourd’hui, IBK aurait dû se rendre compte que la majorité de la majorité présidentielle s’est inscrite dans cette dynamique de réconciliation politique s’il n’avait pas été trop attentif à des « con-seillers » qui n’ont aucun intérêt à la stabilité dont il a besoin.
Il est certain que ce sont ces mêmes laudateurs qui l’empêchent de corriger son attitude vis-à-vis de son parti d’origine, le RPM. En transposant ses malentendus avec le DR Bocary Treta sur le parti, IBK commet une grossière erreur qu’il lui faut vite corriger et très vite. Il doit comprendre qu’au sein de ce parti, il y’a des hommes et des femmes qui lui ont fait confiance, qui continuent à croire en lui et qui ont investi et continuent d’investir pour défendre leur choix porté sur lui. Il est donc impératif qu’il comprenne que ces hommes et ces femmes souffrent de se voir marginalisés ou même piétinés pour avoir choisi de défendre son mandat et son bilan. Le déluge qui frappe les cadres du RPM et même certains inconditionnels du président au sein de l’administration, est un message clair : « personne n’est sûr de rien ». En clair vous êtes là sans savoir que votre abnégation est un critère de mérite.
Que dire de ses rapports avec les medias maliens ?
Par rapport à la presse, tout le monde est unanime que jamais un président de la république du Mali n’a été aussi distant. Depuis son arrivée au pouvoir, rien n’a été presque entrepris pour améliorer les relations du président avec le monde des medias. Les rencontres périodiques qu’organisaient ses prédécesseurs avec les responsables de medias ont systématiquement été ignorées. Le climat toujours tendu entre le pouvoir et les hommes de medias ne s’explique pourtant pas. IBK est un pur produit des medias de 1992 à 2013. Qu’est ce qui n’a donc pas marché ? Mêmes les médias pro actifs ont souvent du mal à se l’expliquer.
Pourtant, IBK s’achemine vers la fin de son dernier mandat. Acceptera t-il de porter la lourde responsabilité de léguer à son successeur une classe politique défaite ? Un Mali en lambeau ? Une jeunesse en perte de repère ? Une presse orpheline? Un tissu social déchiqueté ?
L’homme qu’il prétend être doit vite se ressaisir afin de nous éloigner des effets dévastateurs du chagrin et du regret.
Source: Abdoulaye Niangaly