La semaine dernière, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a participé au Forum sur la paix et la sécurité au Togo, où il a vivement critiqué l’instrumentalisation des organisations africaines par des puissances étrangères. Comme « une alternative à ces instrumentalisations », la création de l’Alliance des Etats du Sahel.
Les 21 et 22 octobre 2023 a eu lieu à Lomé́ le « Forum sur la paix et la sécurité » dont le thème est : « Comment renforcer les transitions politiques vers une gouvernance démocratique en Afrique ? « . Le Mali était représenté par son Chef de la Diplomatie, le ministre Abdoulaye Diop qui n’a pas mâché ses mots lors de son intervention à la tribune de ce grand rendez-vous.
Abordant la question de la représentativité de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU, débattue depuis des années, Abdoulaye Diop a exprimé un point de vue distinct. Il a souligné que l’importance réside non seulement dans la quantité de représentation mais surtout dans la qualité et la substance. « Beaucoup disent qu’il faut que l’Afrique soit au Conseil de sécurité, qu’il faut que l’Afrique soit mieux représentée, ce qui est vrai. Mais, moi je veux mettre l’accent sur le fait que l’Afrique ne doit pas être là en nombre, mais en qualité en substance. L’Afrique doit apporter une voix différente », a-t-il déclaré.
Le ministre Diop a critiqué ouvertement certains pays africains membres du Conseil de sécurité qui, selon lui, ne soutiennent pas le Mali et votent souvent avec les adversaires du pays. Il a insisté sur la nécessité pour l’Afrique d’apporter son identité dans la gestion des affaires mondiales et de dénoncer les pratiques néocoloniales. « Si l’Afrique ne dit pas ce qu’elle doit dire et ne parle pas au nom de nos populations, cela ne sert à rien d’être content qu’elle soit autour de la table », a-t-il souligné.
Le ministre a également dénoncé l’instrumentalisation des organisations régionales, affirmant que ces entités doivent fondamentalement changer leur approche pour ne pas constituer une menace pour les populations africaines. Il a critiqué la non-application des textes dans des organisations telles que la CEDEAO et l’UEMOA, pointant du doigt la fermeture des frontières et les embargos qui ne sont pas prévus dans les textes. « Nos organisations doivent fondamentalement changer de logiciel. Nos organisations ne doivent pas constituer une menace pour nous et pour nos populations. Quand je vois la CEDEAO, l’Union africaine, la BCEAO, ça doit me rassurer, mais aujourd’hui, ces organisations nous font peur, font peur à nos populations, et constituent des menaces dans certains cas. Dans beaucoup de ces organisations, les textes ne sont pas respectés. La fermeture des frontières, la mise sous embargo des pays n’est dans aucun texte de la CEDEAO. Je défis qui que ce soit de me sortir dans un texte de la CEDEAO où on a prévu la fermeture des frontières, de me sortir un texte du Traité de l’UEMOA où on a prévu d’exclure un pays pour des considérations politiques », a-t-il lancé.
Face à ces défis, Abdoulaye Diop a annoncé la création de l’Alliance des États du Sahel entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, présentée comme une alternative aux instrumentalisations. « Le Mali est un pays fondateur du G5 Sahel, la France qui n’est pas membre du G5 Sahel dicte sa loi. On a vu des ministres français ou même le Président prédirent les conclusions des sommets de la CEDEAO, sans qu’aucun responsable de l’organisation ne leur rappelle à l’ordre », a regretté le Chef de la diplomatie malienne.
Cette alliance, a justifié le ministre Diop, visait à fournir une réponse géostratégique, indépendante des influences extérieures, et a souligné l’importance de s’auto-financer pour garantir des réponses sécuritaires adaptées aux moyens disponibles. Selon le ministre Abdoulaye Diop, la création de l’Alliance des Etats du Sahel entre le Mali, le Burkina et le Niger se veut tout simplement « une alternative à ces instrumentalisations ».
Et le Chef de la diplomatie d’expliciter : « On aurait pu continuer à protester, à agir, à faire des communiqués, mais nous avons dit quelque part qu’il faut que nous apportions une alternative, une réponse géostratégique. C’est pourquoi on a décidé de mettre en place l’Alliance des Etats du Sahel pour plusieurs raisons, parce qu’on ne veut pas une organisation qui soit téléguidée de l’extérieur. Si vous voyez la Charte, elle n’a pas prévu que nous recevons de l’argent de qui que ce soit. Donc s’il y a des réponses sécuritaires, ça doit être des réponses sécuritaires à la hauteur de nos moyens et nous les en avons ».
Cyril ADOHOUN