«VAR, VAR », crient des affidés de la transition, joignant à leurs mises à jour, des courts extraits d’anciennes interviews au cours desquelles l’Imam Mahmoud Dicko défend la forme laïque et républicaine du Mali. À suivre leur logique, la présence de l’ancienne autorité morale du M5 au palais de la culture, auprès des »anti-laïcité », atteste son opposition à ce principe. Ce qui n’est pourtant pas le cas.
Vendredi 16 juin 2023, alors que les soutiens du régime de transition étaient avaient pris d’assaut le stade du 26 mars de Bamako en faveur du projet de constitution, des regroupements politico-religieux faisaient de même au sein du palais de la culture Amadou Hampaté Bah. À leur côté, l’Imam Mahmoud Dicko, une figure politique ayant bercé et mené la contestation contre le pouvoir défunt d’Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020.
En ce vendredi où Bamako était divisé entre deux camps opposés, il est évident que le principal argument avancé par les organisateurs du meeting au palais de la culture est le fait que le projet de constitution tend vers la laïcité de l’État. Une forme d’État héritée de l’Indépendance, gage du vivre-ensemble et qui n’a connu d’opposition que très récemment au Mali, avec la percée des courants fondamentalistes de plus en plus radicaux.
Si pour les religieux qui ont organisé ce meeting, c’est la laïcité de l’État que prévoit le projet auquel ils s’opposent, pour l’Imam Mahmoud Dicko, le problème est tout ailleurs. En d’autres termes, l’ancien allié du pouvoir avec lequel il a décidé de croiser le fer pour avoir été mis de côté, juste sauté sur l’occasion. La vengeance étant un plat qui se mange froid, l’Imam Dicko en veut aux cinq Colonels et au Premier ministre Choguel pour diverses raisons.
Premièrement, eu égard au rôle qu’il a joué pour accélérer la chute d’IBK au grand bonheur du CNSP, l’Imam qui avait eu le soin de choisir Moctar Ouane comme Premier ministre dans la première phase de la transition, n’a pas gobé la posture des militaires ayant jeté leur dévolu sur Choguel Maïga. Un de ses alliés du M5 qu’il avait abandonné pour choisir un un Moctar Ouane.
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Pour un proche de l’exécutif, « c’est l’Imam qui nous trahis le premier en se rapprochant des militaires pour opérer des choix stratégiques en lieu et place du M5, la principale force du changement qu’il a diabolisé, pour par la suite annoncer son retrait dans sa mosquée ». Entre-temps, les militaires ont opéré un autre changement, mettant Bah N’Daw, Moctar et des ministres proposés à ces derniers tous dehors.
Pire, c’est Choguel Maïga, lui aussi, passé brièvement dans une opposition aux militaires avant d’être désigné premier ministre et qui attendait l’Imam de pied ferme qui tient la barre du navire. Quant à celui qu’il avait baptisé en autorité morale lors des meetings du M5 à la place de l’Indépendance, il est mis sur la touche. Dans le gouvernement formé par Choguel, aucun proche de Dicko. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder la vase.
Autre pomme de discorde, depuis juin 2021, à la suite de la nomination du Premier ministre Maïga, le vieux religieux de Badalabougou en quête du désir de reconnaissance ne reçoit plus les visites et les appels des militaires qui eux, semblent faire le choix, lui adressant indirectement le message des limites de ses choix opérés dès le début de l’embarquement du navire de la transition.
De la chute de Bah N’Daw à la sortie de Mahmoud Dicko au palais de la culture, annonçant une fin prochaine de ce régime de transition, deux ans se sont écoulés sans qu’il ait son mot à dire dans la conduite des affaires de l’État. « C’est une humiliation pour l’Imam qui est à la fois le principal meneur de la chute d’IBK et artisan de l’ascension des militaires au pouvoir », laisse entendre un de ses alliés très remonté.
Pour un soutien de l’Imam dans l’anonymat »les militaires au pouvoir sont manipulés par le Premier ministre, investi dans la vengeance à l’Imam qui n’a commis le péché que d’avoir proposé Moctar Ouane sur le critère de la neutralité que doit incarner une transition ». Par contre, en sortant pour accorder son violon à la contestation du référendum, « , ça va au-delà de Choguel, c’est tout le régime que l’Imam veut balayer », persifle un autre soutien à l’homme. Ce qui corrobore avec les propos de l’Imam au palais le 16 juin lorsque prenant la parole, il dénonce la corruption qui selon lui, caractérise le régime, sans s’étaler pour autant sur la laïcité qu’il dit requérir plus de pédagogie.
En clair, « Mahmoud Dicko n’est pas contre la laïcité comme ses alliés de la ligue des Imams du Mali qui ont organisé le meeting, il est plutôt contre la corruption et la mauvaise gouvernance du régime, des choses contre lesquelles il s’est battu sans ambages face à IBK qui fut son ami », explicite un de ses proches. Selon ce dernier, la participation de l’Imam à ce meeting n’est due qu’à la cristallisation des frustrations dont il profite pour se faire entendre. Sinon « sur ce qui est de la laïcité, c’est un faux débat », conclue cette figure de la Cmas qui met au défi quiconque pourrait apporter la preuve attestant l’opposition de leur mentor à l’unité nationale, la forme laïque et républicaine du Mali.
I.T
Le Soft