La réussite d’une transition dépend-t-elle forcément d’un projet constitutionnel qu’elle porte ? Si non, pourquoi le Colonel Assimi Goïta et ses soutiens tiennent-ils à ce pari risqué que la CEDEAO, la LIMAMA et la classe politique lui déconseillent ? Réponses !
En prenant l’essentiel du pouvoir le 21 mai 2021, les militaires de l’Ex CNSP étaient conscients d’une chose : ils étaient condamnés à réussir. Déjà, en décidant de mettre la France dehors et de lui livrer une offensive diplomatique allant jusqu’à la faire passer pour un État soutien des terroristes, les Officiers maliens et leurs alliés ont une intelligence à revendre : ainsi, ils sont parvenus à ridiculiser et faire taire un allié « encombrant » qui, dès lors qu’il est mis dehors, n’aura pas son mot à dire sur la durée de la transition. Succès total.
Quant à la Cedeao, les Colonels au pouvoir sont parvenus à la ridiculiser en lui opposant la réciprocité et en osant défier ses sanctions assimilées au diktat de l’ex puissance coloniale qui, six mois après, n’ont pas révolté les Maliens contre le régime de transition.
Depuis, « les tenants de la transition qui ont perpétré les putschs du 18 août 2020 et du 21 mai 2021, ne voient rien en face », persifle un membre du mouvement Yèrèwolo.
D’autant plus que « l’allié russe livre appareils, armes et munitions à hauteur de souhaits à l’armée, lui permettant d’engranger des victoires sur le front de guerre, et à l’intérieur du pays, la classe politique ne pèse plus pour prétendre faire germer une contestation à même de changer le cours des événements», reconnait un diplomate.
Tenues en fin décembre 2021, les Assises nationales de la refondation prévoyaient certes l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Sauf qu’à ce niveau, des observateurs avertis voient un raccourci emprunté par les Colonels sous le coup de l’imprescriptibilité du putsch pour éviter les verrous dans la Constitution de février 92, n’ouvrant ni la voie à la révision dans les conditions actuelles ni à la l’élaboration d’une nouvelle constitution.
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D’une part, si l’opportunité d’élaborer une constitution réside du fait qu’elle est exprimée par les ANR, ainsi il est question de répondre à une attente exprimée de façon souveraine et populaire au delà même du fait que beaucoup pensent que les assises n’ont pas été inclusives, « il est hors de question de s’atteler à dire que ce nouveau texte répond au besoin de réduction du nombre des institutions de la République (8 dans l’ancienne constitution) exprimée par les conclusions des ANR, avec sept institutions y compris le Sénat qui est camouflé au sein de l’Assemblée nationale », fait remarquer un juriste qui ne voit aucune amélioration en termes d’avancées démocratiques qui ne soient pas mentionnées dans la Constitution de février 1992.
D’autre part, « si le Président de la transition tient mordicus à un projet qui cristallise déjà des contestations tous azimuts, c’est qu’il a quelque chose à y gagner », croit savoir un Constitutionnaliste dans l’anonymat.
Dans son argumentaire, notre constitutionnaliste nous renvoie à la loi d’amnistie que les Colonels se sont taillée sur mesure. Sauf que, réfute le Constitutionnaliste, « la loi d’amnistie votée par le CNT et promulguée par le Président de la Transition souffre de légalité, donc ne protégeant pas les militaires qui ont renversé IBK et Bah N’Daw », se basant sur l’illégitimité du CNT et même du Président Goïta, le premier constitué des membres nommés sur des bases discutables et le second un militaire venu au pouvoir par les armes.
Si l’on s’en tient au raisonnement de ce constitutionnaliste, le forcing prôné par Assimi Goïta et ses camarades d’aller vaille que vaille au référendum se justifie par leur désir d’échapper à d’éventuelles poursuites pour des faits relatifs aux putschs qu’ils ont perpétrés. C’est pourquoi ajoute le Constitutionnaliste, « ils ont prévu une disposition d’amnistie à l’article 188 du projet de la nouvelle Constitution qui dispose que –‘’les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution couverts par des lois d’amnistie ne peuvent faire en aucun cas l’objet de poursuite, d’une instruction ou de jugement’’ – ». Autrement dit, les cinq Colonels voient en ce référendum constitutionnel, la seule alternative à même de les amnistier vraiment.
D’autant plus que pour eux, à en croire une autre source, ils sont conscients de la disposition de la Constitution de février 1992 qui dit que ‘’le coup d’Etat est un crime imprescriptible contre le Peuple malien’’ peut être réveillé à tout moment.
Suivant l’analyse du constitutionnaliste, « si le Capitaine Amadou Haya Sanogo et ses compères n’ont jamais été inquiétés pour leur putsch du 22 mars 2012, c’est parce qu’ils ont dû d’abord réinstaller l’Assemblée nationale héritée du pouvoir d’ATT qui leur a en toute légitimité voté une loi d’amnistie », explique-t-il.
Autre chose qui peut inquiéter les Colonels, croit ajoute notre interlocuteur, c’est la « plainte introduite par le M5-RFP avec l’actuel PM en tête à la Cour suprême pour dénoncer l’illégalité et l’illégitimité du Conseil national de Transition (CNT) et demander purement et simplement sa dissolution ». Cette plainte reste pendante et un éventuel clash des militaires avec le Premier ministre actuel ne feront qu’accentuer le poids de l’épée de Damoclès sur la tête des premiers. Le pouvoir n’étant qu’une question de rapport de force, tout porte à croire qu’ Assimi et ses camarades n’en démordront pas sans qu’ils ne se soient prémunis de risques de se faire abattre par une classe politique, de pied ferme et le couteau entre les dents.
Issiaka Tamboura
Le Soft