Communiqué de presse de Soumana Sako, Ancien Premier Ministre, Chef du Gouvernement de Transition 1991-1992 de la République du Mali
Voilà une dizaine de jours, les autorités issues du double coup de force militaire du 18 août 2020 et du 25 mai 2021 prenaient la grave décision de dissoudre tous les Partis et associations politiques du Mali. Poussées par un étrange sens de l’urgence, elles ont cru devoir tenir une réunion extraordinaire du Conseil des Ministres spécialement et exclusivement consacrée à l’adoption du décret y afférant sans attendre la session hebdomadaire ordinaire prévue le lendemain. Ce faisant, elles visent à franchir une étape de plus dans une vaine tentative de faire faire marche arrière à la Roue de l’Histoire en remettant en cause l’un des acquis majeurs de la Révolution démocratique et populaire du 26 mars 1991 arrachés au prix de la sueur, des larmes et du sang de centaines de nos compatriotes, jeunes et vieux, hommes et femmes, des campagnes comme des villes.
En tentant de faire passer des défis de gouvernance pour un échec de la démocratie et des acteurs politiques, les autorités s’engagent dans une voie sans issue car a) il est illusoire de tenter d’étouffer tout débat public sur les enjeux multisectoriels auxquels le Peuple malien est confronté, y compris la nécessité d’un calendrier réaliste pour un retour à l’ordre constitutionnel; b) tenter de limiter par le fait du Prince le nombre de Partis politiques relève de la quadrature du cercle d’autant plus que l’émiettement de la superstructure politique est largement le reflet de l’émiettement du substrat économique et social de notre pays; c) vouloir obliger toutes les forces politiques et sociales à se ranger sous 2 ou 3 bannières politico-idéologiques relève de la mission impossible, comme un pays voisin en a fait l’expérience dans les années 1970.
C’est le lieu d’encourager ceux de nos compatriotes qui ont intenté des actions en justice en annulation du décret présidentiel du 13 mai 2025.Au demeurant, avec l’abrogation de la Charte des Partis politiques la semaine précédente, le régime pensait avoir ainsi supprimé toute voie de recours en justice contre la mesure de dissolution. La justice malienne est mise face à ses responsabilités constitutionnelles de sentinelle du droit et des droits des citoyens et de remparts contre tout assaut contre les acquis démocratiques arrachés de haute lutte le 26 mars de l’An de grâce 1991. Le Peuple malien et l’Histoire attendent de la justice qu’elle dise le droit, tout le droit et rien que le droit.
Par ailleurs, tout en organisant l’asphyxie financière des Partis politiques en gelant illégalement l’aide publique qui leur est allouée par la loi, les autorités, appuyées en cela par un groupuscule d’activistes, tendent à rejeter les causes des difficultés du pays sur le 26 mars 1991, la démocratie pluraliste et les régimes et acteurs politiques de ces « 30 dernières années « . Or, n’en déplaise aux chantres de la Restauration CMLN/UDPM, au regard de tous les indicateurs du développement socio-économique, la période post-26 mars 1991 marque un progrès incontestable par rapport aux vingt-trois années qui l’ont précédée, lesquelles se résument globalement à un gros trou noir dans le processus d’évolution de notre pays. Qui ne se souvient pas des « karata bougounis », de l’exode massif des enseignants vers des pays voisins et vers l’Afrique Centrale, de l’état de délabrement de l’Armée tel que décrit par le Chef de l’Etat lui-même dans son discours à la Nation dans la nuit du 28 février 1978 annonçant l’arrestation de la fameuse « bande des 3 » ainsi que du marasme économique, financier et social de l’époque qui a fortement déstructuré le tissu social et mis à mal les valeurs morales, d’où la Charte d’orientation nationale et de moralisation de la vie publique de 1986 ?
En avant et ensemble pour la sauvegarde du pluralisme démocratique et de l’alternance pacifique au pouvoir par des voies exclusivement constitutionnelles !
Gloire à la Révolution démocratique et populaire du 26 mars 1991 !
Honneur au Peuple du 31 mars 1957, du 22 septembre 1960, du 20 janvier 1961, du 25 mai 1963 et du 26 mars 1991 !
Bamako, le 22 mai 2025
Soumana Sako
Ancien Premier ministre,
Chef du Gouvernement de Transition 1991-1992
Auteur du Manifeste intitulé « Vers un Pacte Refondateur Global » du 20 février 2002
Auteur principal de la Charte de l’Etudiant portant création de l’UNEM.
Initiateur Principal de la création de l’UNEM, première organisation faitière des Etudiants du Mali.