Lors de l’émission « Débat de dimanche » diffusée sur Africable TV, le dimanche 20 avril 2025, Me Cheick Oumar Konaré, analyste politique et membre éminent de la commission de rédaction de la Constitution malienne de 2023, a vivement réagi face aux propositions de dissolution de partis politiques, issues des consultations régionales des force vives les 16 et 17 avril dernier. Selon lui, ces tentatives relèvent d’une « démarche arbitraire », dépourvue de toute base juridique et contraire aux principes fondamentaux de la démocratie malienne.
L’analyste politique et co-rédacteur de la Constitution de 2023 s’insurge contre les velléités de dissolution des partis politiques, qu’il qualifie d’anticonstitutionnelles et dangereuses pour la démocratie malienne. « Je suis absolument opposé à toute tentative de les dissoudre ou même de réduire leur nombre », a-t-il martelé d’entrée de jeu. « Pourquoi ? Parce que tout simplement, en 1991, le multipartisme a été au centre du soulèvement populaire qui a renversé la Deuxième République. Le multipartisme a été coulé dans le marbre de la Constitution depuis 1992. »
Me Konaré rappelle que la Constitution de 2023, adoptée récemment, renforce ce principe démocratique en son article 185 : « le multipartisme ne peut pas faire l’objet de révision », souligne-t-il. En d’autres termes, toute initiative visant à supprimer des partis politiques se heurterait directement à une clause d’intangibilité constitutionnelle.
Pour l’ancien constituant, la volonté de dissoudre les partis ne repose sur aucune base légale claire, ni sur une logique politique valide : « Lorsque nous étions à la commission de rédaction de la nouvelle Constitution, j’en faisais partie, la question est venue. Tout le monde a eu la parole, mais personne n’a pu dire sur quelle base on peut dissoudre les partis. C’est qu’une telle démarche manquerait de logique. Un petit parti d’aujourd’hui peut être le grand parti de demain. »
S’appuyant sur des exemples internationaux, Me Konaré évoque l’évolution de l’extrême droite en France pour illustrer l’imprévisibilité de la dynamique politique : « Il y a quelques décennies, l’extrême droite française ne pesait rien. Mais aujourd’hui, le Rassemblement National de Marine Le Pen est le plus grand parti de France. »
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La justice comme seule voie légitime
L’avocat précise qu’un parti politique ne peut être dissous que par décision de justice et pour des motifs graves et encadrés par la loi : « Lorsqu’un parti prend les armes contre le pays, lorsqu’il prône la partition du territoire ou s’élève contre la République, voilà des fautes qui peuvent justifier une dissolution judiciaire. Maintenant, quel parti répond à ce critère-là ? Aucun. »
Me Konaré réfute aussi les arguments avancés par les partisans de la dissolution, notamment la référence aux assises nationales, accusées à tort d’avoir recommandé une telle mesure : « Cela est faux. Les assises ont recommandé une réduction du nombre de partis, pas une dissolution générale. »
Quant à la responsabilité des partis dans les crises politiques successives, Me Konaré tranche : « Ce ne sont pas les partis qui ont gouverné. Ce sont des hommes d’État, souvent contre l’avis même des partis. »
Un faux débat
Me Cheick Oumar Konaré met enfin en garde contre les dérives autoritaires et les conséquences sociales d’une telle mesure : « Dissoudre les partis aujourd’hui, va résoudre quoi ? Si vous ne pouvez pas dissoudre les hommes politiques, dissoudre les partis ne servira strictement à rien. Et de surcroît, ça va créer une crise supplémentaire dans un contexte où on n’a pas besoin d’une nouvelle crise. »
Il conclut sans détour : « On a déjà faim, on a soif, on est dans l’insécurité, on est dans l’obscurité. On ne peut pas créer une nouvelle crise pour rien. Il faut abandonner ce débat-là. C’est un débat bidon. »
Avec cette sortie musclée, Me Konaré réaffirme son attachement indéfectible aux principes du pluralisme politique et met en lumière les dangers d’un autoritarisme rampant au Mali.
Cyril Roc DACK / Icimali.com