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IBK aux magistrats : « Nous ne sommes pas un Etat voyou, nous ne sommes pas un Etat irresponsable »

Le Président de la République, Chef de l’Etat , Président du Conseil Supérieur de la Magistrature Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar Keita, a procédé hier Jeudi 22 Novembre 2018, à l’ouverture de l’audience solennelle de la rentrée des cours et tribunaux 2018-2019. La cérémonie a eu lieu au siège de la Cour Suprême du Mali. Nous vous proposons l’intervention de « Coeur » du Président de la République .

Messieurs les gens en robe, magistrats, avocats, tous ceux qui en ce lieu, et en le nom du peuple malien parlent et disent le droit, comprenez d’abord que je me joigne de bien bonne grâce aux différents hommages rendus à tous ceux qui nous ont fait l’honneur et le privilège d’être ici aujourd’hui à notre compagnie, et plus particulièrement à nos amis venant du Luxembourg. Barreau du Luxembourg, c’est un acte de foi aujourd’hui que de venir au Mali, que vous prouvez là toute votre considération pour vos confrères du Mali, mais pas seulement, à l’ensemble de ce peuple du Mali, auprès duquel se trouve déjà votre pays, votre peuple depuis que nous sommes confrontés à cette crise multidimensionnelle que notre peuple a traversée avec beaucoup de résilience. Jamais la solidarité du Luxembourg ne nous a fait défaut. Merci, et soyez les bienvenus, aw bissimila!

Tous, toutes, tout protocole confondu, évidemment, dès qu’on a dit ça, je crois que le respect est observé. Ici, aujourd’hui, c’est encore l’une de mes raisons annuelles de grande satisfaction, j’ai entendu des noms que je n’entends pas ailleurs dans ce pays. Et ce rendez-vous annuel m’enlève à la monotonie d’un quotidien que beaucoup voulaient s’acharner à rendre médiocre. Ici il y’a autre chose, c’est pourquoi, j’aime cette compagnie-là, j’aime m’y trouver, j’aime m’y ressourcer avec bonheur. J’ai entendu le nom d’un de vos confrères célèbre pour lequel j’avoue ma vive admiration, Robert Badinter, qui a rendu à votre art de la défense toute sa noblesse, bien que je ne l’eusse pas toujours soutenu, ni compris. Ainsi quand il s’est mis en devoir de défendre ce coupable d’un crime que j’estime l’un des plus odieux, l’assassinat d’un petit enfant, un petit garçon, cela est un crime que j’estime moi, absolument impardonnable. Et le brillant avocat qu’il était, qu’il est, qu’il demeure, a, en cette occasion fait sûrement l’une de ses meilleures plaidoiries, et je n’ai pas été étonné après de le voir défendre à l’Assemblée nationale française une loi contre la peine de mort.

J’ai entendu également le nom d’un de mes grands maître en Sorbone, Brodel, celui-là même dont la thèse « La Méditerranée et le monde méditerranéen sous Philippe le Bel », était un modèle qui nous a introduit dans l’historiographie officielle, nous que l’on s’acharnait à mettre en dehors de l’Histoire. Et, c’est là que l’histoire brillante du Soudan, Bilal El Soudan, a été connue par beaucoup qui feignaient d’en ignorer l’existence alors qu’on le savait déjà, vue Al Omari et nos grands post-historiens arabes, ce pays était connu. Brodel a restitué le Mali dans le commerce international et sa place insigne dans le commerce à longue distance qui est l’une des caractéristiques de tous ces pays fondateurs de l’économie monde, chère à Jacques Atali. Oui, j’ai entendu aussi qu’un de ces grands anciens a dit que Tombouctou, votre Cité Monsieur le Médiateur, est cette Cité brillante de ses mille feux où lorsqu’un voyageur étranger venait à y décéder, pas une aiguille ne différenciait de ses affaires tant que ses ayants droits n’étaient venus les chercher. Tel est ce pays dont nous nous réclamons aujourd’hui avec beaucoup de bonheur. Cela doit être su et rappelé à ce jour, dire la place des échanges et du commerce dans le bonheur de ce pays, dans ce qui a fait ce pays, le Mali. Mais excusez-moi, dans ma fougue qui ressemble un peu à celle d’un avocat manqué que je suis quelque part, j’ai oublié de rendre hommage à une grande dame présente ici Madame Diallo Kaita Kayantao, première dame Présidente de la Cour Suprême du Mali. Je vous joins bien volontiers madame la Présidente de la Cour Constitutionnelle et toutes les autres grandes dames.

Votre thème de rentrée des cours et tribunaux, comme chaque année est d’une pertinence réelle et singulière  » La Justice, facteur de croissance ». Bien sûr, si nous avons l’ambition, non feinte, mais réelle parce que simplement nous ne sommes pas des ignares, nous ne nous voulons pas des ignares en tout cas nous avons compris dès l’abord que sans ce pilier, il est vain de prétendre faire quoi que ce soit. La croissance reposant sur l’effort collectif conjugué aboutissant à un cumul de biens et de revenus permettant une bonne redistribution sur l’ensemble national, cela sera impossible si ce mode de règlement des relations entre ceux qui sont les membres dans une société donnée ne fonctionnent pas. D’où notre intérêt pour ce que vous faites, ce que vous êtes. Pourquoi je l’ai dit , sans qu’aucune espèce de menace ne nous y ait contraints, nous ne sommes pas hommes pas à cela, nous avons dit notre souci dans ce pays en le temps où nous étions ailleurs, en d’autre capacité , que l’état de la justice dans ce pays n’était pas à notre honneur, que de voir un palais de justice moins avenant qu’un poulailler, une résidence à peine digne de ce nom de résidence servant de logement de résidence à un magistrat dans une juridiction quelle qu’en fut l’importance, ne nous grandissait pas. Nous l’avons dit, et lorsque nous le disions aucune grève ne nous y avait contraints, non ! Simple intelligence de situation, simple nécessité absolue d’être à hauteur de situation. Nous ne sommes pas un Etat sauvage. Nous avons ambition à être à un autre niveau. Dès lors comment ne pas penser aux conditions de travail et de séjour de vous, de tous ceux qui servent la République, Magistrats, administrateurs, tous ceux-là dont la mission la vocation est de servir cette Patrie malienne. Nous avons commencé, pas d’aujourd’hui et à l’abord… « Oh oui mais IBK est un grand dépensier, il voit grand, grand bourgeois ».

Que non ! L’Etat ne peut pas être en loque, l’Etat ne peut pas inspirer la pitié, la commisération, non ! l’Etat doit être digne, avenant, attractif. Ceux qui le servent doivent inspirer le respect, la dignité et l’envie quelque part. Pour quoi nous tenons à ce qu’il en soit ainsi, et pas d’aujourd’hui. Monsieur le Bâtonnier, vous avez dit en des termes extrêmement choisis, des vérités que nous nous devons. Je voulais commencer mon propos par « De profundis clamavi » on va dire il fait encore son latin, et oui ! Nous n’inventons rien, « De profundis clamavi », ce n’est pas moi, c’est Baudelaire mais ça veut dire tout simplement du « fond de l’abîme je crie ». J’ai crié, j’ai crié du fond de l’abîme, pour dire ma surprise, mon incompréhension, dans ce temps même où nous étions en souci de vous et combien ! d’assister à cette grève singulière, à l’entrée d’un système électoral, d’un processus électoral dont on nous avait dit que nous serions incapables de conduire, que jamais il n’aura lieu, qu’en lieu et place nous serions bienvenus ici et maintenant de songer à une transition que nul par ailleurs n’appelait, nul ! Nous rappelons simplement en quel état nous avons trouvé ce pays en arrivant. Et si aujourd’hui nous pouvons être parmi ceux qui font les décisions dans le monde aujourd’hui en toute dignité, sans raser quel que mur que ce soit, c’est en raison de la grande résilience du peuple malien mais des décisions qui ont été prises en ses nom, lieu et place aussi, pourquoi ne pas le reconnaître, qui ont fait qu’aujourd’hui nous nous sommes redressés, nous nous tenons sur nos deux pieds parmi les Nations fières, dignes et libres pour dire le Mali.

Nous devons à notre peuple mais à vous, gens de droit qui avez fait en sorte que notre pays sorte de cette épreuve avec dignité, avec honneur, avec panache. L’accord préliminaire de Ouagadougou avait permis que nous tenions des élections en 2013, nous en sommes le produit et il nous tenait à cœur qu’il en soit ainsi également au bout de ce qui avait été convenu comme mandat, comme échéance de 5 ans. Et cette échéance venait précisément le 29 juillet 2018. Quand cela a été dit : « oh prétention saugrenue, comment peuvent-ils penser pouvoir tenir des élections dans un pays en crise, en difficulté comme le Mali aujourd’hui ? ». Et pourtant, et pourtant, cela a été fait, à un jour près, 28 juillet 2013, 29 juillet 2018. Cela s’appelle le respect du droit. Nous ne sommes pas un Etat voyou, nous ne sommes pas un Etat irresponsable. Nous avons tellement souci de dignité et d’honneur dans ce pays que nous faisons tout pour nous mettre à l’abri de ce qui peut être hors-la-loi ou sembler l’être ou y ressembler de quelque façon que ce soit, parce que nous vous savons également vigilants, de grande dignité, qui nous direz toujours ce que le droit souhaite qui soit dit et fait, c’est cela l’Etat de droit. Les manques, nous les connaissons, Messieurs les Magistrats, Messieurs les avocats et nous tâcherons autant que nous pourrons le faire, dans la mesure des moyens que nous tâcherons toujours de rehausser, pour que vous soyez dans des conditions de grande dignité.

Monsieur le Chef du Gouvernement nous a soumis un avant-projet de loi de programmation pour nous assurer à ce niveau que ce que nous allons ensemble décider et décider en votre faveur sera effectué avec rigueur, la rigueur de la loi, durant le temps que nous donnerons pour vous mettre à niveau de respiration suffisante. Nous, nous souhaitons que notre justice respire à la même hauteur que les autres justices du monde, qu’elle soit à l’aise dans son monde, qu’elle soit contemporaine de son siècle, cela nous coûtera ce que ça nous coûtera mais nous le ferons, pas sous la peur, la crainte, mais parce que c’est notre devoir de le faire et parce que nous souhaitons en être. Tout ce qui doit être dit sur la justice l’a été brillamment par les uns et les autres. Monsieur le Procureur Général, vos réquisitions ont été comme toujours très éclairantes. Monsieur le Rapporteur nous a dit ce que nous devions savoir en matière de croissance. Et Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, dans son rôle d’aiguillon et sa liberté de dire, a utilisé son droit de dire mais pas d’abuser de dire. Il l’a fait, brillamment. Donc jamais je ne me serais privé de ce privilège annuel que vous m’offrez de venir ici, de parler avec la conviction que ceux qui m’écoutent me comprennent.
Merci

La Cellule de Communication et des Relations Publiques de la Présidence de la République du Mali

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