Sur les routes du Pays Dogon, il est plus fréquent de voir des caravanes de villageois partir de leurs localités, emportant tout ce qu’ils peuvent. A dos d’âne, à pied ou à bord de charrettes, les populations de la zone abandonnent tout dans leurs villages. Cet exode forcé intervient après des attaques violentes contre plusieurs villages dont certains ont été rayés de la carte du Mali. Mais il y a bien plus que des paysans sans défense sur les routes.
En avril 2019, le nombre des déplacés internes était 123 000 personnes, alors que ce chiffre était 35 000 personnes en janvier 2018, selon l’ONU. Entre mai et juin 2019, des milliers d’autres personnes se sont ajoutées à ces populations déplacées. Jusqu’à preuve du contraire, aucun déploiement de troupes importantes n’a été fait pour rassurer les populations qui sont restées sur place malgré l’insécurité.
La psychose a gagné la population du Pays Dogon depuis qu’un communiqué de syndicalistes de la magistrature a invité les préfets et les sous-préfets à se mettre en sécurité dans les grandes villes. Ces représentants de l’Etat censés assurer l’administration des communautés locales ont ainsi choisi de partir, estimant que les mesures sécuritaires nécessaires à leur protection ne sont pas prises par l’Etat.
La fuite des administrateurs n’est pas surprenante car depuis plus d’une année ils se battent pour amener le gouvernement à déployer des éléments afin d’assurer leur sécurité. Une grève illimitée avait même été déclenchée par les syndicats à la veille de la présidentielle de juillet 2018 pour faire pression sur le gouvernement.
L’appel au repli des administrateurs qui vient d’être lancé est la preuve que le problème de la sécurisation des administrateurs demeure. La présence massive des forces de défense et de sécurité tant souhaitée par la population, y compris certaines milices, n’a pas encore eu lieu. Pourtant, cela était une des conditions de la dissolution des milices de la zone après le drame de Koulongo en janvier dernier.
La population civile est prise dans un engrenage de rumeurs et de violences qui déstabilisent la cohésion sociale. Le préfet de Sangha et le maire de la localité ont tous démenti la nouvelle d’un ultimatum lancé aux Peuls pour quitter cette ville. La milice d’autodéfense Dana Amassagou, accusé d’être l’auteur de l’ultimatum, a également démenti cette nouvelle qui a fait le tour des réseaux sociaux.
Les civils n’ont plus d’autre choix que l’exil forcé, fuir leurs villages isolés qui sont sans protection. La destination privilégiée, c’est généralement les villes moyennes et les capitales régionales ou encore Bamako. Déjà, des centaines de familles déplacées sont logées dans la capitale et se débrouillent dans des camps de fortune.
Depuis fin 2018, les familles déplacées qui ont trouvé refuge à Bamako vivent dans des difficultés énormes dont des maladies et la malnutrition. Elles ne bénéficient pas d’un grand appui de l’Etat qui a seulement décidé de les soutenir avec l’avènement du nouveau gouvernement dirigé par Boubou Cissé.
Soumaila T. Diarra
Le Républicain