Il y a un point commun entre l’assassin présumé de l’imam Abdoul Aziz Yattabaré, les Dozo qui ont tué deux jeunes hommes dans la zone aurifère de Kangaba et le meurtrier qui a ôté la vie à un commerçant du Grand marché. Les auteurs de tous ces crimes récents ont voulu se rendre justice d’une certaine manière, empruntant le chemin d’illustres inconnus que la justice malienne n’a pas su épingler jusqu’à présent.
Les représentants de la loi ayant plié bagages, les cas de vendetta se sont multipliés dans le centre du pays. C’est ainsi que les milices qui se sont formées ont d’abord ciblé les représentants de l’Etat: agents des eaux et forêts, sous-préfets, forces de sécurités et parfois des maires. Puis, chaque fois que le sang des civils a coulé dans le centre et dans certaines parties du nord, c’était pour redresser un tort dans bien des cas.
Ces agents censés protéger les populations ont fait l’objet d’une chasse à la sorcière dans les villages où des habitants leur tenaient une rancune féroce. C’est cette colère qui a rendu service aux djihadistes auxquels certains voyaient des redresseurs de tort. Comme révélé par le livre du journaliste Adam Thiam sur le centre du Mali, certains habitants de cette zone ont préféré les djihadistes aux administrateurs vus comme des prédateurs.
Mais la vendetta semble avoir également eu cours à Bamako au même moment que la situation se dégradait progressivement au centre et au nord. Plusieurs médias ont évoqué la piste d’une justice parallèle dans l’affaire de la disparition du journaliste Birama Touré introuvable depuis plusieurs années.
Toujours dans la capitale, d’autres cas de vendetta ont récemment stupéfait les Maliens qui ont découvert, pas plus tard que le samedi dernier, l’assassinant d’un imam par un jeune voulant se rendre justice. Quelques jours avant, le corps d’un commerçant a été découvert dans un puits alors que l’auteur faisait semblant d’aider la police à résoudre le mystère de la disparition de la victime.
Autre témoignage du délitement de la justice au Mali, l’assassinat de deux personnes dans une zone minière par des chasseurs Dozo de la zone de Kangaba. Les responsables du crime soupçonnaient les deux victimes d’être impliquées dans un vol. Cette affaire qui a également éclaboussé des gendarmes et des administrateurs a révélé la complicité passive ou active des représentants de l’Etat dans un crime qui aurait pu être évité.
Du nord du pays au sud en passant par la capitale, aucune partie du Mali ne semble échapper à la loi du Talion : « œil pour œil, dent pour dent ». Ce déficit de justice risque d’enflammer le pays et de déstabiliser davantage les institutions qui sont désavouées. A ce rythme, l’affaiblissement de la justice pourrait ouvrir le pays à la perte définitive des repères démocratiques et républicains qui constituent les fondements d’une société civilisée.
D. Kéita
Source: La Sirène