Pour le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des sceaux, Mamoudou Kassogué, les corrupteurs et les corrompus sont sur le même pied d’égalité et « doivent être réprimés sans ménagement » y compris les magistrats qui s’adonnent à la pratique de corruption.
Hier jeudi 15 septembre 2022 fut ouverte à la maison de la Presse, la troisième journée d’échanges « Justice et Presse » dont la thématique principale est intitulée : « éthique et déontologie du magistrat, quel impact dans la lutte contre la corruption ? ».C’était en présence des responsables des structures judiciaires, du président de la Maison de la Presse, Bandiougou Danté, et des hommes de médias.
Cette journée rentredans le cadre de la communication autour des questions de lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière et vise à maintenir un cadre permanent de dialogue et d’échanges entre les hommes de médias et les acteurs de la justice. C’est aussi une occasion de mobiliser des experts pour édifier l’opinion sur le rôle et la place des hommes de médias dans la lutte contre la corruption au Mali, l’impact du magistrat respectueux des principes d’éthique et de déontologie dans la lutte contre la corruption mais également la synergie dans les rapports fonctionnels entre structures de contrôle, de vérification et de poursuite de faits de corruption et pratiques assimilées,
D’entrée de jeu, le ministre Kassogué a rendu un hommage aux professionnels des médias et exprimé toute notre gratitude pour le professionnalisme et la promptitude avec lesquels ces hommes ont accompagné son département dans le cadre des deux premières journées. « Le succès des deux premières journées est, sans nul doute, la preuve que la justice et les médias sont dans une alliance naturelle caractérisée par la recherche d’éléments dont la bonne exploitation permet de servir les citoyens dans leur quête permanente d’information juste et crédible sur la justice », a déclaré le ministre, quidit être conscient du rôle fondamental de la Presse dans l’administration et la distribution de la justice, en tant qu’instrument de conscientisation et de veille contre l’incivisme et son corollaire de comportements déviants, mais aussi de boussole pour l’orientation de l’action judiciaire dans certaines procédures.
Le choix de la thématique centrale de cette troisième journée est autant un sujet d’actualité que de préoccupation nationale, à en croire le ministre de la Justice, à cause de la profondeur et de la complexité du phénomène de la corruption au Mali. « L’échec des mesures qui ont été prises par les gouvernements successifs s’explique, pour une large part, par l’incohérence et l’inconstance des politiques publiques en la matière ainsi que l’inefficacité et l’inadéquation du cadre juridique et institutionnel », a indiqué le Garde des Sceaux, comme insuffisances, auxquelles il a ajouté l’inobservation des règles d’éthique et de déontologie dans la gestion des biens publics.
Aux dires du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des sceaux, une analyse objective de la situation conduit, inexorablement, vers la responsabilité de l’Etat en ce qui concerne le faible niveau ou l’absence de répression face aux comportements déviants des fossoyeurs des ressources publiques. Citant Amadou Hampaté Ba, il dira : « De la bonne ou de la mauvaise conduite des rois et des chefs dépendront la prospérité du sol, le régime des pluies, l’équilibre des forces de la nature ».
« Les corrupteurs et les corrompus doivent être réprimés sans ménagement. Au besoin les textes sur la corruption doivent être revus et adaptés aux exigences actuelles », a martelé le ministre Mamadou Kassogué, selon lequel « il faudrait arriver à un changement de mentalité et faire comprendre aux populations que celui qui corrompt rend un mauvais service au magistrat et à son pays, car c’est la justice qui va en pâtir ».
Pour ce Procureur intransigeant, « une mauvaise justice ne profite à personne et ouvre la voie à des situations de conflit et de vengeance » et « la corruption doit être combattue avec rigueur et célérité dans un secteur aussi vital que la justice ».
Cas des magistrats ?
En ce qui concerne les magistrats vis-à-vis de la corruption, le ministre Kassogué a souligné qu’un traitement spécifique en a été réservé, en raison de l’importance de leur mission dans le combat contre le phénomène. « La justice est le levier fondamental dont l’Etat doit se servir pour garantir la mise en œuvre d’une politique ne laissant aucune place à l’impunité dans ce domaine. La corruption dans la justice persistera tant qu’elle demeurera impunie. La justice doit être le rempart contre l’arbitraire, l’injustice. Elle est le reflet de l’état de santé d’un pays. La lutte contre la corruption au sein de l’appareil judiciaire s’avère en cela une impérieuse nécessité », a insisté le Garde des Sceaux.
Pour l’ancien Procureur de la République près du Tribunal de Grande Instance de la Commune III de Bamako, la justice pourra impulser une dynamique positive dans le traitement de la délinquance économique et financière. « Chargée de dire le droit et de sanctionner ceux qui contreviennent aux normes préétablies, la justice est garante de l’efficacité du dispositif légal mis en place pour lutter contre la corruption », a renchéri l’ex-chargé du Pôle Economique et Financier.
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Poursuivant, le ministre Mamoudou Kassogué estime que tous efforts de développement seraient vains tant que continuera à subsister la corruption au sein de la justice, « ce qui peut à long terme hypothéquer l’avenir ». « La lutte contre la corruption ne saurait être une réalité que lorsque ceux-là même, chargés d’appliquer la loi aux délinquants économiques et financiers, exercent leur fonction dans la stricte observation des règles d’éthique et de déontologie qui encadrent leur profession », a-t-il soutenu.
Source de l’impunité
Entre autres sources de l’impunité et de sentiment d’impunité qu’il convient de combattre avec détermination et persévérance, le ministre de la Justice a pointé du doigt les détournements des deniers publics à flots, les missions de contrôle ou de vérification biaisées, les procédures judicaires inefficaces, l’inexécution des décisions de justice en ce qui concerne les condamnations pécuniaires, l’inapplication des textes en matière de sanctions disciplinaires ont fini par créer. « Là réside tout le rôle de la justice pour faire en sorte que ces insuffisances et ces faiblesses ne continuent à servir de boulevard pour des agents publics, sans scrupule, qui pillent les ressources de l’Etat, empêchant ainsi de faire face aux besoins d’investissement dans les différents secteurs de développement de notre pays », a souligné le ministre Kassogué.
Qui de l’indépendance de la justice ?
Aux dires du ministre de la Justice, les qualités techniques et professionnelles des magistrats sont nécessaires pour la qualité des décisions qu’ils rendent, tout comme leur indépendance, face à toute influence, est d’une indispensable nécessité pour la saine application de la loi.« L’indépendance de la justice qui repose, en théorie, sur les textes et, en pratique, sur les conditions matérielles et financières dans lesquelles les magistrats exercent leur profession, est une question qui s’adresse, avant tout, au magistrat lui-même dans son état d’esprit », a laissé entendre le ministre Kassogué.
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Par ailleurs, le Ministre de la Justice estime nécessaire de mettre en œuvre un mécanisme efficace, indépendamment des valeurs qui encadrent le comportement du magistrat, pour sa bonne conduite en dehors et dans son service, pour sanctionner les manquements aux règles d’éthique et de déontologie se caractérisant par la mise en cause de sa responsabilité.Ainsi a-t-il souligné que la responsabilité du magistrat,« liée à la violation des règles d’éthique et de déontologie, est une question qui interpelle en premier lieu le Département de la Justice, mais aussi les organisations syndicales des magistrats dans une dynamique de veille et de mise en œuvre des sanctions disciplinaires, conformément aux textes ».
Le ministre a assuré sa volonté et sa détermination à assumer son rôle dans le cadre du contrôle interne afin de bannir les comportements déviants et d’encourager les bonnes pratiques pour une saine distribution de la justice. Cependant, il a salué les résultats déjà obtenus par l’Inspection des Services Judiciaires dont les missions se poursuivront, certes avec pédagogie, mais avec rigueur et objectivité. D’autant plus que « les rapports d’inspection sont assortis de suites appropriées et efficaces ».
« La justice fait sa mue doucement, mais surement. Il est indubitable de nos jours que les fautes sont sanctionnées proportionnellement et le mérite reconnu adéquatement », a assuré le premier responsable du département de la Justice.
En effet, tout semble concourir à la mise en œuvre d’une synergie d’actions contre le phénomène de la corruption non seulement par la création de ce Pôle, mais aussi et surtout, par l’adoption de nouvelles dispositions juridiques garantissant l’efficacité des procédures et la diligence dans le traitement des dossiers.
Aussi convient-il de noter le partenariat dynamique qui s’est installé entre les structures de contrôle ou de vérification et le Département favorisant un renforcement des autorités judiciaires dans la conduite des procédures généralement complexes qui requièrent, chez les magistrats en charge des dossiers de corruption et d’infractions assimilées, des connaissances approfondies et spécifiques.
Cyril Adohoun