Face aux hommes de média dans l’affaire « des ristournes de la Confédération des sociétés Coopératives des producteurs de Coton », le Procureur Mamadou Kassogué en charge du Pôle Economique et Financier de Bamako, a indiqué qu’au moins 9.462.152.071 FCFA sont injustifiés, donc détournés. «Il s’agit de chiffres provisoires qui peuvent évoluer non seulement à la hausse, mais aussi à la baisse en fonction de la pertinence des éléments qui seront produits », a-t-il précisé.
Après l’interpellation, la garde à vue, puis le transfert du président de l’APCAM, Bakary Togola dans l’affaire «des ristournes de la Confédération des sociétés Coopératives des producteurs de Coton », le Procureur en charge du Pôle Economique et Financier de Bamako, Mamadou Kassogué, a animé un point de presse le samedi 14 septembre 2019 au Tribunal de Grande Instance de la Commune III de Bamako. Le Procureur a éclairé la lanterne du public sur ce dossier.
Longtemps cloué dans le devoir de réserve imposé aux Magistrats, le Procureur en charge du Pôle Economique et Financier de Bamako rompt avec le silence, vu les circonstances, pour donner les éléments précis sur ce dossier qui défraie la chronique.
«Nous n’organisons pas par triomphalisme ou pour nous réjouir de ce qui s’est passé. Mais, nous informons parce que c’est nécessaire, parce que nous voulons porter la bonne information», a mis au point le procureur Kassogué.
En effet, selon le Procureur, c’est à la suite d’une dénonciation anonyme, parvenue à la Justice, à travers une correspondance dans laquelle le lanceur d’alerte fait état de l’existence de malversations au niveau de la Confédération des sociétés Coopératives des producteurs de Coton (C-SCPC).
« Il nous laissé entendre que ces malversations pourraient se chiffrer autour de 3 milliards de FCFA, voire plus », a précisé le Procureur Kassogué. D’où l’ordonnance d’une ouverture d’enquête.
Montant injustifié
Pour le procureur anti-corruption qui a salué de passage le dénonciateur dont la contribution a beaucoup joué dans la production du dossier pour étayer sa dénonciation, les preuves fournies (Les lignes comptables) ont permis d’avancer rapidement dans l’enquête. Car après les investigations, les soupçons ont une base de réalité en ce sens que les investigations menées ont permis de ‘’comprendre que de 2013 à 2019, la CMDT a mis à la disposition de la Confédération des sociétés Coopératives des producteurs de Coton du Mali 13.431.431.037 FCFA.
Aux dires du Procureur Kassogué, « sur ce montant-là, seuls 8.854.760.123 FCFA ressortent de la comptabilité de la confédération. Donc il y a un montant de 4.576676214 FCFA qui n’ont pas été comptabilisés.
Et sur les 8 milliards qui ont été comptabilisés, seuls 3.969.284.966 FCFA ont pu être justifiés. Il va sans dire qu’un montant de 4.885.475.857 FCFA non justifiés. Ce qui fait un total de non justifié de 9.462.152.071 FCFA.
Ainsi, a-t-il averti : « Il s’agit de chiffres provisoires qui peuvent évoluer non seulement à la hausse, mais aussi à la baisse en fonction de la pertinence des éléments qui seront produits ».
Le Procureur anti-corruption a rappelé que c’est une enquête préliminaire qui vient d’être bouclée, qui a permis d’ordonner le jeudi 12 septembre 2019, la mesure de garde à vue contre Monsieur Bakary Togola, président du Conseil d’Administration de la confédération et présumé auteur principal de ces malversations dénoncées.
Après le bouclage de l’enquête et la transmission de la procédure au Prôle, le vendredi 13 septembre 2019, il a décidé de l’ouverture d’une information judiciaire.
«Nous avons pu observer qu’il y a des présomptions de détournement de derniers publics sur la base de faux, usage de faux, soustractions frauduleuses, détournements et autres malversations Le montant étant nettement supérieur aux 10 milliards de FCFA qui font de ces infractions, des infractions criminelles, l’ouverture d’une information judiciaire était obligatoire», a-t-il justifié.
Selon le Magistrat Mamadou Kassogué, le juge d’instruction qui a pris connaissance du dossier, a décidé de place Bakary Togola « en détention provisoire » au niveau de la Maison d’Arrêt de Bamako, par un mandat de dépôt. C’est dire que l’instruction va approfondir les investigations pour vérifier si les montants allégués seront confirmés ou non.
Et le Procureur en charge du Pôle Economique et Financier de Bamako de souligner : « Nous ne sommes pas dans l’acharnement, dans une chasse aux sorcières, nous sommes dans le combat de l’objectivité. Nous n’avons rien contre Bakary Togola, nous n’avons rien contre personne. Nous sommes sur des faits. Nous, dans nos enquêtes, ce n’est pas d’abord la personne qui nous intéresse, ce sont des faits qui nous sont dénoncés,…, après nous nous demandons qui a commis ces infractions et pourquoi ».
Des mises en garde
Il a rassuré que l’instruction sera menée avec objectivité, impartialité, dans le respect du principe d’instruction à charge et à décharge. « S’il (Togola) apporte des éléments de décharge, nous allons les examiner, et il bénéficiera de la présomption d’innocence qui est un principe sacrosaint tant que sa culpabilité n’est pas définitivement établie. S’il parvient à présenter des pièces justificatives de l’écart qui lui est reproché, et que ces pièces ne sont pas de moralité douteuse, ces pièces seront acceptées et classées dans le dossier. Mais, s’il s’agit de pièces fabriquées pour la circonstance et de pièces fausses, ça alourdirait la situation. Parce qu’on sera obligé dans ce cas d’ouvrir de nouvelles poursuites pour faux et usage de faux. Cela sera fait sans état d’âme », a insisté Monsieur Kassogué. Lequel a renchéri : « On ne tombera sur personne. Celui qui n’a absolument rien fait n’a rien à craindre. Par contre celui qui a posé des actes répréhensibles doit s’apprêter à répondre de ses actes devant la justice. Nous avons le devoir de plaire et de déplaire en exerçant des poursuites. Ce devoir nous entendons le remplir avec détermination, avec engagement jusqu’au bout, tant que nous serons là. Au parquet, nous répétons qu’aucune plainte, aucune dénonciation ne restera sans suite. Il n’y aura pas de rétention à notre niveau».
Au sujet des personnes qui seront découvertes comme des complices, des co-auteurs répondront de leurs actes, a informé le Procureur. A la date d’aujourd’hui, avec Monsieur Togola, il y a six autres personnes qui sont suspectées d’avoir contribué d’une manière ou d’une autre à la commission de ces infractions.
«S’il se trouve que Monsieur Togola a pu présenter des pièces, moralement correctes, qui le disculpent, on ne dira pas que c’est Bakary, les choses vont aller dans un certain sens. On tirera les conséquences de droit. S’il se trouve au contraire que les enquêtes renforcent les soupçons, il répondra de ses actes devant la justice comme n’importe qui », a-t-il martelé.
A côté de cette affaire, le Procureur anti-corruption a donné l’assurance que ce sera la même méthode, la même rigueur, le même engagement, la même objectivité et la même mouvance pour tous les dossiers qui seront dénoncés. C’est pourquoi, il demande la collaboration des uns et des autres à réunir les éléments de preuves, qui sont un combat de justice, sans lesquelles il est difficile de poursuivre quelqu’un.
Cyril ADOHOUN
L’Observatoire