Un peu en retrait du débat qui agite les deux zones d’Afrique francophones où circule le Franc CFA, en raison de la crise politique qui secoue le pays à l’époque, Lomé, depuis quelques temps reprend sa place et cristallise le débat sur cette monnaie.
Tout d’abord, le Togo est le premier pays de la zone CFA qui, après l’indépendance, a créé sa propre monnaie, le franc togolais dont la loi l’instituant Loi N°62-20 a été promulguée le 12 décembre 1962. Le pays de Sylvanus OLYMPIO qui a totalement remboursé la dette coloniale vis à vis de la France, a constitué d’importantes réserves nécessaires au lancement du franc togolais avec le soutien de l’Allemagne, de la Grande Bretagne et des USA, s’apprêtait à quitter la zone CFA quand la veille le président togolais a été assassiné mettant un coup d’arrêt au rejet du franc CFA.
Ensuite, l’un farouche défenseur de l’abandon du Franc CFA est natif du Togo. Professeur Kako NUBUKPO, ministre de la Prospective. Il a été démis du gouvernement togolais en juin 2015 à la demande du président ivoirien, Alassane OUATTARA, selon les aveux de l’économiste togolais.
« J’ai quitté le gouvernement à la demande d’un chef d’Etat étranger, le président OUATTARA a demandé à notre président de me virer du gouvernement parce que je critique le franc CFA », avait déclaré NUBUKPO devant les étudiants de l’Université de Lomé.
OUATTARA est le principal soutien au niveau des chefs d’Etat pour le maintien du statu quo du franc CFA en Afrique. Les deux économistes de renom du continent ont des positions tranchées, diamétralement opposées sur le franc CFA et ils n’hésitent pas à chaque fois que l’occasion leur est donnée de se lancer des pics l’un envers l’autre.
Enfin, le Togo est le seul pays jusqu’à présent où un diplomate français s’est ouvertement exprimé sur le sujet. En effet, dans une interview accordée le 13 février dernier à nos confrères de Togobreakingnews, l’ambassadeur de France au Togo, Marc VIZY, a réagit à ce débat. Pour le diplomate français il y a trop de fausses informations qui sont véhiculées sur le sujet. Comme le président français Emmanuel MACRON l’a déjà affirmé à Ouagadougou devant les étudiants burkinabè, le diplomate français estime que « Si, demain, les pays de la zone franc décidaient de renoncer à ce partenariat, la France n’aurait ni la volonté ni le pouvoir de les en empêcher. La France est parfaitement décontractée sur ce point », a-t-il indiqué.
Comme si cela ne suffisait pas c’est le ministre Gilbert BAWARA qui y va de son commentaire sur le sujet. Un peu réservé par rapport à la position de son ex collègue du gouvernement, BAWARA déclare dans un tweet que « les termes et les paramètres d’un débat serein sont faussés par le climat d’hystérie qui se développe », même s’il reconnait que « les débats sur le franc CFA sont légitimes et souhaitables ».
Et de conclure que « Nos pays et leurs dirigeants réfléchissent et travaillent pour renforcer les espaces d’intégration, de croissance, de prospérité et de développement. Toutes les bonnes idées pour y contribuer et les aider sont les bienvenues. Mais cessons de nous distraire et de dissiper nos énergies sur de fausses bonnes idées ! »
C’est dans cette ambiance que la société civile togolaise se donne rendez-vous ce samedi pour une marche contre le franc CFA à Lomé. Dénommée « Journée de mobilisation africaine contre la France et le franc CFA », cette marche qui aura lieu dans les 14 pays africains concernés par la question, est organisée au Togo par AFRO REVOLUTION ET MOUVEMENT ANTI CFA TOGO. Selon les organisateurs, la marche au Togo partira du ministère du commerce pour chuter devant l’Ambassade de France. Le but est d’exiger la souveraineté monétaire des 14 pays africains de la zone Franc par la suppression ou l’abolition de la monnaie coloniale utilisée il y a plus d’un demi-siècle, la fin de la françafrique et de l’ingérence rocambolesque de la France dans les affaires de l’Afrique et enfin le déblocage aux pays africains leurs faramineuses réserves financières déposées au Trésor public français.
A quelques heures de cette première manifestation anti CFA au Togo, la mobilisation est à son comble, le sujet mobilise et suscite toujours débat sur les réseaux sociaux. Seule inquiétude la réaction des autorités togolaises à propos de la marche de Lomé. A Kara, elle a été interdite par la municipalité.
Francine DZIDULA
Togscoopinfo