Dans une lettre ouverte adressée au Président de la Transition, Général Assimi Goïta, ce lundi 16 juin 2026, M. Tiefing Sissoko, Enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation, lance un appel pressant au Chef de l’Etat pour engager un grand projet national d’éducation citoyenne de masse, accessible à tous, partout au Mali, sans distinction d’âge, de niveau scolaire ou de statut social. Voici le contenu de ladite lettre.
À
Son Excellence Général Assimi GOÏTA
Président de la République du Mali
Palais de Koulouba
BP 24
Bamako – Mali
Bamako, le 16-06-2025
Objet : Appel à un grand projet national d’éducation citoyenne
Monsieur le Président de la transition,
Dans une précédente lettre, j’avais proposé la mise en place de plateformes thématiques — physiques et numériques — dédiées aux grands défis du pays : agriculture, éducation, numérique, environnement, emploi des jeunes, etc. Ces espaces de dialogue, de proposition et de suivi visaient à permettre à tous les citoyens de participer activement à la transformation du Mali.
Plusieurs événements tragiques nous rappellent, avec une violence inquiétante, combien notre société a besoin non seulement de projets, mais aussi de sens, de valeurs, et d’un minimum commun de compréhension mutuelle.
Il y a quelques mois, un apprenti chauffeur a perdu la vie pour une pièce de 100 FCFA refusée par un client. Une divergence minime qui est devenue meurtrière. La semaine dernière, c’est un artiste malien, Abdoulaye Macalou dont le nom de scène est « Lord Makaveli », qui a été violemment pris à partie par une foule en colère… pour avoir notamment dit qu’il aimait (ou pas) mettre de l’oignon dans un sandwich-pâté. Cet incident lui a coûté la vie !
Ces faits ne sont pas isolés. Ils révèlent une profonde fracture sociale, une montée de l’intolérance, de l’incapacité à gérer les différences, à comprendre autrui, à accepter le débat sans basculer dans la violence. Notre société semble parfois manquer de ce fondement essentiel : l’éducation au vivre- ensemble à l’époque contemporaine.
C’est pourquoi, je lance aujourd’hui un appel pressant : il est temps d’engager un grand projet national d’éducation citoyenne de masse, accessible à tous, partout au Mali, sans distinction d’âge, de niveau scolaire ou de statut social.
Objectif : Éduquer pour apaiser, pour construire, pour grandir ensemble
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Lettre ouverte de Tiefing Sissoko au Président Général Assimi Goïta
Ce projet doit être :
- Obligatoire : comme l’école l’est pour les enfants, l’apprentissage des valeurs citoyennes doit concerner toute la population.
- Massifié : il doit toucher chaque village, chaque quartier, chaque citoyen.
- Multicanal : il doit s’appuyer sur des ateliers locaux, des plateformes numériques, des campagnes radiophoniques, des partenariats avec les chefs religieux et traditionnels.
- Inclusif : il doit être adapté aux réalités culturelles et linguistiques du pays, notamment en langues nationales.
Ce projet doit couvrir plusieurs axes :
- La compréhension de soi et des autres (so don, yiri don, yèrè don nyongon tè) ;
- Le respect des différences et des opinions ;
- La gestion pacifique des conflits ;
- L’histoire et les valeurs fondamentales de la République ;
- Les bases de la citoyenneté contemporaine ;
- L’accès à l’information fiable et à la culture numérique.
Les pistes suivantes offrent la possibilité de concrétiser la démarche :
- Intégrer ces modules dans les plateformes thématiques déjà proposées.
- Créer des centres locaux d’éducation citoyenne animés par des formateurs communautaires.
- Développer des applications mobiles, vidéos, et programmes radio interactifs, accessibles même dans les zones reculées.
Le Mali a besoin d’un État fort, oui. Mais aussi d’une société plus consciente, plus tolérante, plus responsable. Car sans paix intérieure, sans esprit critique, sans capacité à discuter sereinement, aucun développement durable n’est possible.
Monsieur le Président de la transition,
Ne laissons pas ces drames rester muets. Transformons-les en alerte, en mobilisation, en action collective. Faisons de l’éducation citoyenne la grande cause nationale des prochaines décennies. Car si nous voulons bâtir un Mali nouveau, ce ne sera pas seulement avec des lois, des budgets ou des infrastructures. Ce sera aussi avec des cœurs adoucis et des esprits éclairés, capables de marcher ensemble vers un destin partagé.
Vive le Mali !
Vive l’espoir de son renouveau !
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la transition, l’expression de ma très haute considération.
Tiefing SISSOKO
Enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation