Mais ne nous égarons pas. Donc Soumaïla Cissé parle latin. Comme un certain Ibrahim Boubacar Kéita dont il se voudrait l’égal nous rappelant la fable de La Fontaine concernant « la grenouille qui se veut aussi grosse que le bœuf ». Et il tenait visiblement à ce que les Maliens le sachent, eux qui ont osé porté par deux fois, à son détriment, leur choix sur ce gros Malinké châtiant le français dans un passé simple que peu osent taquiner parce que compliqué, en alternance avec le latin dont il a gardé plus que des bribes.
L’interview que le président de la République a accordée à Jeune Afrique a servi de prétexte à Soumi pour exercer ses talents de persifleur ne reculant devant aucune outrance mais également de révélateur pour ses connaissances enfouies du latin qu’il a pu faire remonter à la surface grâce à Google ou aux pages roses des dictionnaires. Dans une irrévérence qui ne doit certainement rien à son compagnonnage avec Ras Bath et dans un déchaînement propre aux internés du cabanon, Soumaïla Cissé qualifie le président de la République tour à tour de « roi Ubu » ayant fait « du Mali la risée du monde entier », de « Petit Monsieur manquant de hauteur dans son discours », après avoir sentencieusement affirmé, paraphrasant un vieil adage latin sur « Jupiter qui rend fous ceux qu’il veut perdre », qu’il « faut croire que Koulouba rend fous ceux qu’il veut perdre ».
Par-delà la perfidie de l’attaque et des allusions tout aussi sournoises, on pourrait se demander ce qu’IBK a fait d’aussi grave et d’aussi rédhibitoire pour mériter ce torrent d’insultes et de dénigrements. Il parait que « pour se faire des ennemis, point n’est besoin de déclarer la guerre, il faut juste dire ce qu’on pense ». Or dans l’interview qualifiée de scandaleuse par Soumi, président du FSD (il faut rappeler qu’il a le don de se dédoubler comme président de l’URD puis comme président du FSD), le président de la République a juste dit ce qu’il pense, sur la base des faits. A la question de François Soudan qui lui demandait si la formation du gouvernement d’ouverture au sein duquel l’opposition est représentée « soldait enfin les comptes de la crise post-électorale de 2018 », IBK a eu cette réponse claire et nette : « il n’y a pas eu de crise post-électorale, mais la bouderie d’un seul homme, inconsolable de ne pas être entré au palais de Koulouba. Quelle que soit l’ampleur de son ego, il ne représente pas le sentiment des 20 millions de Maliens ».
Ce disant, IBK reste fidèle à sa ligne, invariable, depuis la fin des élections. Soumaïla Cissé qui n’est pas né de la dernière pluie n’a pas attendu qu’on le nomme pour savoir qu’il s’agissait de lui. De toute évidence, l’amertume de la défaite ne lui est pas passée. Pire, contrairement à la bouderie dont parle IBK dans sa réponse, l’homme est saisi d’une véritable « folie furieuse ». Et nous sommes tentés d’affirmer, vu ses déclarations, que Koulouba rend effectivement fous ceux qu’il veut perdre, surtout ceux à qui le peuple a refusé l’entrée du palais de Koulouba (on se rappelle tous de la frénésie avec laquelle Soumi pointait du doigt le Palais de Koulouba le jour du lancement de sa campagne sur le boulevard de l’Indépendance).
Pour le petit rappel, disons qu’il y a eu plus de 70 missions d’observation nationales et internationales de l’élection présidentielle, que même à la veille du second tour, le gouvernement lui a permis, à sa requête qui paraissait pour le moins saugrenue, de changer ses assesseurs (contrairement aux dispositions de la loi électorale qu’il maîtrise pour y avoir mis tous ses desiderata), il ne s’est trouvé aucun observateur pour parler de fraude de manière objective. Il y a certes lui pour les raisons qu’on connait, et certains perdants qui voulaient entretenir une crise post-électorale artificielle. Pour faire illusion, ils avaient bien entrepris de faire des marches tous les week-end ; mais faute de marcheurs mais surtout de motifs, et face à la fermeté de l’Etat, ils ont bien été obligés de se reposer et de s’asseoir sur leur illusion de paralyser le pays jusqu’à leur jonction avec les milieux religieux pour aboutir à la signature de l’accord politique de gouvernance.
Après avoir joué les vierges effarouchées en tant que Soumaïla Cissé président de l’URD, le voilà qui rebondit dix jours après comme Soumaïla Cissé, président du Front de Sauvegarde de la Démocratie (FSD) et chef de file de l’opposition. Avec cette casquette, Soumi se dit étonné, surpris et indigné par l’interview. Il parle de légèreté, de duplicité, de sabotage du dialogue national, de mauvaise gouvernance, etc. En somme, il a ressorti le bréviaire du parfait opposant. Et pour donner l’impression qu’il prend la mesure de son rôle de chef de file de l’opposition, il conclut : « Ce faisant, il insulte la démocratie, toute l’opposition, tous les candidats ayant reconnu le caractère frauduleux des résultats de l’élection présidentielle…Cette interview de Ibrahim Boubacar Kéita prouve à suffisance que le dialogue national inclusif sincère et fécond avec toutes les forces vives de la nation n’est pas son souci. Il est convaincu d’avoir tout obtenu et croit n’avoir plus besoin de personne ».
De toute évidence, la « folie furieuse » qu’il l’a saisi avec l’interview du président de la République, en plus de lui donner la capacité de se dédoubler, lui rend des pouvoirs de contagion. Il ne s’est trouvé personne au sein du FSD pour faire remarquer à Soumi que l’interview d’IBK ne constitue ni une insulte encore moins un casus belli. Il devrait plutôt le remercier de l’avoir remis en selle avec une interview devenue rituelle avec Jeune Afrique (en fait Soumi ne pardonne toujours pas à ce journal son titre de l’année dernière, en pleine campagne électorale : « Moi ou le chaos »). Avoir perdu Koulouba lui a visiblement fait perdre la raison.
Contribution /Aly Kéita