Société UNE

Modibo Ibrahima Kanfo, écrivain : « Les réseaux sociaux constituent un couteau à double tranchant »

Sortant des Lettres, Modibo Ibrahima Kanfo est auteur de recueils de poèmes, comme « Au-delà de l’apparence » et ‘’Devoir de changement’’. Au sujet de la violation des mœurs sur les réseaux sociaux, ce jeune critique en herbe propose l’éducation comme solution au phénomène. Interview.

L’Observatoire : Les réseaux sociaux sont gangrénés par l’atteinte aux mœurs. Quelle analyse faites-vous de la situation?

En fait, les réseaux sociaux constituent un couteau à double tranchant. Ils peuvent être utilisés de façon positive ou négative. Malheureusement dans notre société, nous constatons une très mauvaise utilisation des réseaux qui provoquent en grande partie la dépravation des mœurs et même la fragilisation de l’État.

Parlant de dépravation de mœurs, je fais allusion à la désolidarisation, le rayonnement de la sexualité, la promotion du mal, etc. Par exemple, en face d’un accident, les gens prennent plaisir de filmer la victime et poster sur les réseaux sociaux que de lui porter secours. Cela explique d’une certainement manière la désolidarisation.

Aujourd’hui, à cause des réseaux sociaux, les élèves et les étudiants n’ont plus le temps d’apprendre leurs leçons et ne font plus d’exercices. Par conséquent, en fin d’année, ils comptent sur les fuites des sujets d’examen sur ces mêmes réseaux.

En outre, ces réseaux sont devenus un lieu où l’on publie les informations sensibles et même des vidéos sur les atrocités des champs de bataille.  Cela est un frein pour le développement de l’État.

Il n’y a pas longtemps, le procureur de la commune IV du district de Bamako, a procédé une série d’arrestation des jeunes relativement à l’atteinte des mœurs. Je nomme ici Diaba Sora, Sidiki Diabaté, Wozy Wozo, Faïza, Adji One, etc. Est-ce que vous pensez que la prison est le moyen efficace de correction et d’éducation vers un droit chemin?

A mon avis, pour mettre notre communauté sur un droit chemin, il faut aller plus loin et mettre l’accent sur ce qui semble oublié : l’éducation. Nous avons tendance à oublier que pratiquement tous les mauvais comportements sont d’une manière ou d’une autre, liés à la mauvaise éducation. Je pense qu’il faut veiller à cela et peu de gens feront face à la justice.

Par ailleurs, ces arrestations peuvent être une bonne solution car elles cadrent bien avec la loi. Cependant, elles constituent un facteur de promotion des individus arrêtés. J’avoue que je n’ai connu véritablement Wizy Wozo et Faïza, que quand ils ont été arrêtés.

A partir du moment où l’école n’est pas mise en avant, comment faire pour inciter les jeunes à plus de courage à lire ?

Sans fleuve, comment inciter les gens à pêcher ? L’école est pareille au fleuve, quant à la lecture, la pêche. Si l’école n’est pas mise avant, on va droit au mur, car le temps d’apprentissage des élèves sera un temps utilisé pour des causeries de grin, des consommations des stupéfiants, de solidification des délinquances.

A LIRE AUSSI

Ousmane Ambana sur l’atteinte aux mœurs via les réseaux sociaux : « La justice malienne doit veiller au respect des textes »

Les clubs des lecteurs et les suivis des parents peuvent pousser les jeunes à lire. Mais sans école, l’impact est peu et secondaire. Alors, selon moi, au lieu de se soucier de la promotion de la lecture en milieu jeune sans école, nous devons plutôt se soucier de la manière dont il faut mettre l’école sur les rails.

Selon vous, l’utilisation outre mesure des réseaux sociaux pour la promotion du rap, l’humour ou la comédie a-t-elle certains impacts sur la déstabilisation de nos institutions ?

L’utilisation des réseaux sociaux pour la propagation des fausses informations ou encore celle des audios, des vidéos, des vocaux des pontes de l’État constitue un grand danger. Elle peut être le point de départ d’une révolution, une manifestation incontrôlable, une déstabilisation et même un coup d’État. Le rap, la comédie et l’humour sont des arts. Ils peuvent construire (rap engagé par exemple) ou détruire l’État (rap postmoderne par exemple) selon le message véhiculé par l’artiste. Malheureusement, nous constatons dernièrement des musiques sans pudeur où la vulgarisation du langage grossier et l’apologie de la violence se côtoient.  On voit par là un sabotage de la mission des institutions qui veillent sur l’éducation ou la justice. D’ailleurs, dans un morceau récent, nous avons vu la justice attaquée par une moquerie à l’endroit du procureur.

Quelle solution proposez- vous à ce fléau ?

Je pense que l’État doit trouver un moyen de contrôler les réseaux sociaux même s’il faut limiter l’accès. Quant aux parents, eux aussi doivent contrôler les enfants sur l’utilisation des réseaux sociaux.

Des campagnes de sensibilisations peuvent également conscientiser beaucoup de jeunes à s’accrocher aux études, à la recherche qu’aux publications et commentaires sur les réseaux.

Cela ne signifie pas qu’il faut interdire la musique, la comédie et l’humour qui sont d’ailleurs nécessaires pour chasser la solitude ou rendre positifs l’humeur. Mais, il faut limiter ce temps de divertissement.

Sidy Coulibaly

L’Observatoire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *