RFI : Vincent, vous préférez terminer meilleur buteur de la CAN ou champion d’Afrique ?
Vincent Aboubakar : Champion d’Afrique !: Vous avez fait des débuts tonitruants dans cette CAN 2022 avec six buts en quatre matchs. Était-ce au-delà de vos propres espérances ?
Ce n’est pas au-delà de mes attentes. Chaque compétition change. Lors de la CAN 2017, je n’avais pas eu beaucoup de temps de jeu, mais au final, j’ai montré de quoi j’étais capable. Je pense que tout ce que je fais – au regard de ma carrière, des équipes que j’ai affrontées et de ce que je fournis – n’est pas dû au hasard. C’est dans la continuité. Quand j’ai des possibilités avec un collectif qui travaille très bien, chacun s’exprime et démontre de quoi il est capable.
Pouvez-vous nous décrire cette sensation que l’on ressent quand on marque en CAN, en tant que capitaine des Lions indomptables, dans un stade où le public camerounais crée cette ambiance assourdissante ?
Honnêtement, le ressenti est le même. C’est comme si je jouais en club, il n’y a rien de particulier. C’est juste l’envie de gagner qui m’anime. C’est non seulement moi mais aussi tous les joueurs qui ont des responsabilités. On veut porter le Cameroun très haut.
Contre la Gambie, vous n’avez pas marqué, une première depuis le début de la CAN. Ça vous travaille ou vous balayez ça de votre esprit rapidement ?
C’est déjà parti. Dans la vie, il y a des petits moments où les choses ne vont pas exactement comme vous le souhaitez.
Avec Karl Toko-Ekambi, vous êtes complémentaires. À vous deux, vous avez marqué tous les buts du Cameroun…
Oui, vous avez vu ça ! On est complémentaires, mais le plus important, c’est la victoire. Si moi, Karl ou n’importe quel autre joueur parvient à marquer et que le Cameroun gagne, c’est le plus important. Il faut hisser le Cameroun au sommet dans cette compétition.
En 2017, vous portiez le maillot du FC Porto, puis de Besiktas. Désormais, vous êtes dans le Golfe et on ne savait pas trop où vous en étiez. Mais vous avez démontré que vous étiez très en forme. Comment avez-vous préparé cette CAN ?
Peu importe le pays ou le continent où tu joues : un bon joueur reste un bon joueur. Il faut seulement ne pas accepter que le doute t’envahisse jusqu’à te faire douter de tes qualités. Quand tu es un bon joueur, tes qualités ressortent naturellement, sans forcer. Je suis parti dans les pays du Golfe où ça n’a pas été évident pour moi. Mais dans cette CAN, nous avons la confiance du coach. La seule manière de récompenser ceux qui me font confiance, c’est en étant performant, en aidant l’équipe à gagner et à aller vers le haut.
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Si vous remportez cette CAN, vous ferez partie de ces Lions indomptables qui ont été sacrés à deux reprises, après le titre de 2017. Vous rejoindriez des joueurs comme Roger Milla (1984 et 1988), Patrick Mboma et Samuel Eto’o (2000 et 2002)… Marquer l’histoire de cette manière, vous y êtes sensible ?
Un footballeur veut marquer les esprits. Quand tu passes quelque part, tu veux que les gens se souviennent que tu as laissé beaucoup de positif. Dans tous les clubs où je suis passé, hormis Valenciennes où j’ai eu des débuts un peu compliqués, on ne vous dira que du positif sur moi. Quand je passe quelque part, je fais partie des éléments clés de la réussite. J’essaie de tirer mes coéquipiers et de montrer la voie. C’est cet état d’esprit qui m’anime, je suis comme ça de nature.
Cameroun-Égypte, c’est tout une histoire, parfois heureuse, parfois malheureuse pour les Camerounais. Quel est votre souvenir le plus fort de cette affiche ?
Enfant, je n’en garde pas de souvenir fort. Aujourd’hui, nous sommes sur le point de réaliser quelque chose. Quand tu es sur le terrain, tu te rends compte que tu as une grande responsabilité, tu dois écrire une histoire. Tous les joueurs aimeraient jouer ce genre de match, une demi-finale. Il y a beaucoup d’émotions dans ce match. Il va falloir se contrôler et livrer un bon match.
On se rappelle de la finale de la CAN 2017, remportée par le Cameroun contre l’Égypte, avec votre but venu d’ailleurs. C’est le genre de but qui marque une carrière ?
Non (rires). J’ai fait beaucoup de choses dans ma carrière. J’ai vécu de bons moments à Porto, à Lorient, au Cameroun en 2010 et 2014. Après, ce but marqué… Comme c’était en finale, on en parle plus. Il y a un moment où les qualités d’un joueur surgissent. Ce jour-là, j’avais bien dit que j’allais marquer en finale. Je m’y étais préparé bien avant. Ce n’était pas du hasard, c’était bien écrit. Il fallait seulement le concrétiser. Tout était écrit.
Ce jour-là, l’Égyptien Mohamed Salah avait fait une belle finale mais il avait perdu. De l’avis général, il est plus fort aujourd’hui qu’en 2017. Quel est votre regard sur lui ?
Je le vois comme avant. Il fait une super bonne saison en Premier League, il aide son pays à avancer dans la compétition. Je lui souhaite beaucoup de chance. Que le meilleur gagne ! Il ne m’impressionne pas beaucoup. Je le dis clairement parce que je quelqu’un d’honnête et j’ai ma manière de voir les choses. S’il m’impressionnait, je le dirais. Mais il ne m’impressionne pas beaucoup. C’est un bon joueur, il marque beaucoup mais il ne produit pas énormément de trucs dans le jeu. Bien sûr, il fait de bons trucs en Premier League parce qu’il est dans une équipe en place depuis des années. C’est un bon joueur mais pas au niveau de certains comme Mbappé.
Qui est le favori de cette demi-finale ?
Il n’y a pas de favori (rires). Ce sera l’équipe qui aura le plus d’envie, de volonté, tout ça.
On est dans la dernière semaine d’une compétition très longue depuis le passage à 24 pays. Où en êtes-vous physiquement ?
Cette dernière semaine va se jouer au mental. Il va falloir bien se préparer mentalement et bien se reposer pour pouvoir tout donner. La manière de se reposer, être costaud mentalement… Il faut faire ce qu’il faut. Ça va se jouer sur des détails.
Vous allez rejouer au stade d’Olembé pour la première fois depuis la bousculade meurtrière. Comment appréhendez-vous ce moment ? Comment avez-vous appris cette catastrophe ?
L’équipe nationale a adressé ses condoléances aux familles des victimes. Ce fut un moment triste, que personne n’aime vivre. Ces gens étaient venus nous supporter, et malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme elles le devaient. On soutient les familles, on envoie des pensées positives pour apaiser les âmes parties. Ce sont des choses qui restent toujours dans les mémoires. On va jouer pour ceux qui sont partis, on va se battre et se donner à fond.
Source: RFI