La situation de notre pays commande aux patriotes de se tenir informés, d’apprendre et de ne pas rester simple consommateurs, spectateurs ou commentateurs des dénouements d’une histoire qui se façonne sous nos yeux, et qui nous interpelle. Lire Choguel est toujours intéressant car, lui, il lit beaucoup ; une qualité indéniable de gros fouineur qui vous permet d’en apprendre, d’aller chercher, de fouiller et d’en savoir ; œuvre salubre.
UNE GRANDE GUEULE

Mohamed Salikènè Coulibaly : Réplique à Choguel pour la manifestation de la vérité

En réplique à la dernière publication du 04 juin 2025 de l’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, l’ancien ministre Mohamed Salikènè Coulibaly revient à la charge, « en l’absence de réponse attendue », à livrer sa part de réflexion. In-extenso, voici la réplique.

Réplique à Choguel pour la manifestation de la vérité

Puisse Dieu nous inspirer !

La situation de notre pays commande aux patriotes de se tenir informés, d’apprendre et de ne pas rester simple consommateurs, spectateurs ou commentateurs des dénouements d’une histoire qui se façonne sous nos yeux, et qui nous interpelle. Lire Choguel est toujours intéressant car, lui, il lit beaucoup ; une qualité indéniable de gros fouineur qui vous permet d’en apprendre, d’aller chercher, de fouiller et d’en savoir ; œuvre salubre.

Des jeunes de ma connaissance, concernés, ont partagé sa dernière publication en ligne, invitant les aînés à réagir à son pamphlet. J’y ai jeté un œil (le texte date du 04 juin 2025), et me suis engagé, en l’absence de réponse attendue, à livrer ma part de réflexion sur le propos. Et nous y voilà !

Ainsi, j’ai pris le temps de lire la contribution de Choguel « à la compréhension de certaines pages de l’histoire postindépendance du Mali », une « mise au point à propos des interventions et polémiques sur la mémoire de feu Président Modibo Keïta, sur les FAMas  et sur le processus démocratique au Mali ».

Il commence par : « Jeunes du Mali : appropriez-vous l’Histoire postindépendance du Mali ! Lisez, lisez et lisez encore ! Comparez toutes les versions auxquelles vous avez accès avec discernement ! ».

 Je me reconnais dans cet appel aux jeunes à lire, à s’approprier l’histoire de la Nation ; on ne cesserait jamais de le leur répéter. Oui ! Mais, le drame, c’est que cette histoire n’est pas écrite dans les règles, du moins telle qu’elle aurait dû, ou devrait, l’être. Et, ce n’est pas à « l’Association des Historiens du Mali » que la tâche incombe, mais aux Historiens maliens (si on fait la distinction), aux Historiens tout court. J’ai moi-même publié un essai à ce propos intitulé : « J’ai des choses à dire à la jeunesse… : un devoir de vérité » (©Éditions Sira, 2021). La vérité n’a cure de l’affinité. Je me suis gardé de tout parti-pris dans mon travail d’analyse critique de la vie politique nationale, m’en tenant à des faits vécus, entendus, vérifiés. Choguel, lui, tente l’objectivité et invite même à la sagesse dans sa réaction. Malheureusement, la tentation partisane demeure et se glisse de manière subtile derrière des sous-entendus et des formulations imprécises. C’est pourquoi je voudrais, en toute impartialité, apporter des rectificatifs à certaines de ses allégations tendancieuses, en soutenant l’exigence qu’il évoque pour informer notre jeunesse et l’empêcher de s’égarer sur de fausses pistes. « La Jeunesse malienne, dit-il, a besoin d’être sainement édifiée sur des pages écrites pendant cette étape glorieuse de l’histoire de notre pays ».

Tribune de l’ancien PM Choguel : ‘’ Répondons à l’appel du Mali !’’

 

Ce qui est censé être son message aux jeunes se scinde en deux temps : d’abord une attaque directe contre des adversaires pris à partie, littéralement rabroués, ensuite un rappel d’événements historiques, interprétés au gré de quelques insinuations provocatrices jalonnées de tacles partisans, malveillants à dessein.

L’homme est admirable dans l’art de la polémique. Vu son statut, il se prémunit de quelques prévenances en ces termes : « Nul ne doit perdre de vue que le premier dirigeant et Chef de l’Etat de la République du Mali appartient à tous les Maliens, indépendamment de leur couleur politique ou idéologique. …Il n’appartient donc à personne de s’approprier Modibo KEITA, quelles que soient ses sensibilités politiques. …Toutefois, il y a lieu de se garder de mythifier ou de déifier Modibo KEITA au point d’en faire ce qu’il n’aurait pas voulu  être de son vivant ». Et d’ajouter : « Parfois, dans leur entreprise de faire l’hagiographie de Modibo KEITA, certains hommes publics donnent l’impression d’enfoncer des portes déjà ouvertes. En effet, hier comme aujourd’hui, objectivement, nul ne peut contester que Modibo KEITA était un homme de vision, un homme de haute stature politique qui, dans tous les domaines a posé les fondements de la renaissance nationale après trois quarts de siècle de colonisation. Nul ne conteste son intégrité, sa probité, sa détermination à bâtir un système moderne, sa foi en un Mali meilleur. Toutefois la glorification ne doit pas conduire à l’occultation, à la dissimulation des revers par-delà les succès ». Je ne pense pas qu’il y ait de quoi se disputer sur ce verbatim, franchement.

Voyons comment il s’invite lui-même dans le débat, lançant au premier coup une salve à trois têtes contre des cibles qui ont osé parler du Président Modibo, de la première République et du bilan de son tombeur. Cela se traduit par une attaque en règle contre Zoumana SACKO, désigné par « le Premier ministre sous la Transition de 1991-1992 », pour ne pas le nommer, qui « n’arrive pas à concevoir que de Zorro il soit passé à zéro ». Suit une diatribe sur un long paragraphe aux allures de règlement de compte. Il reproche à ce dernier un « ego surdimensionné » se prétendant « meilleur en tout, premier en tout, initiateur de tout », faisant « de l’anti-moussaı̈sme primaire son fonds de commerce ».

Je ne saurais faire l’avocat de M. SACKO, qui n’en a pas besoin, pouvant se défendre lui-même, sans manquer de plumes amies pour monter au créneau. Je ne le connais pas assez. Mais, je réagis à la dérision qui cible ceux qui, brillants, talentueux, partant, jalousés, se refusent aux compromis faciles, à la complaisance. Si la prétention du « manitou » était infondée, il aurait fallu le confondre, sans ménagement, plutôt que de recourir à des arguments démagogiques pour plaire à la foule des envieux, en le faisant passer pour un « je connais tout », boutade qui, de notre temps, servait aux médiocres de se gausser des lycéens devant les incultes.

J’ai entendu M. SACKO rappeler son rôle dans l’initiative de l’UNEEM. Il suffisait d’oser le démentir, d’apporter un bémol, via la preuve du contraire, au lieu de vouloir opposer à sa vérité la règle de fausse modestie d’un silence ingrat, propre à taire le mérite et à ostraciser les excellents, pour un nivellement par le bas, pratique prisée au Mali depuis que les incompétents se sont ligués dans l’appareil d’État pour le contrôler. Il trouve, paradoxalement, que le jeune Ministre d’alors s’était fait « humilié » dans l’affaire SABENA (Compagnie belge, qu’il omet de mentionner) « par ses collaborateurs douaniers qui lui ont tendu un piège ». Vous ne trouvez pas ça étrange ? Un argument contradictoire, car il s’agissait d’une affaire de trafic d’or orchestrée par un réseau de fraude au plus haut niveau, au détriment de l’État malien. Cela atteste des complicités internes dans cette haute trahison, sinon pourquoi le piéger ?

Qui dérangeait-il ?

Outre le paiement régulier des salaires qui lui a valu les bénédictions de tous les travailleurs et retraités du Mali, cet incident, qui déplut en haute sphère, a contribué à la renommée de justicier de « Zou », fut-il un « ministre amateur ». Il est devenu de ce fait un héros national. Mais, bien sûr, le peuple n’avait pas la même lecture que ceux au pouvoir à l’époque et leurs frotte-manches.

 Mon frère Choguel, je le regrette, fait ici l’avocat du diable. Tout n’est pas bon à dire. Le discernement s’impose à la parole publique, qui peut avoir l’effet d’une arme à destruction massive, pour ceux qui n’ont rien à perdre. Responsables, sachons raison garder.

Qu’est-ce que notre pays a à vouloir réduire, rabaisser, descendre tout le monde ? Pas une seule figure publique auréolée qui soit une référence reconnue, indemne, unanime ?

Certes, il y a lieu d’interpeller les hommes publics sur leur conduite, leur moralité et leur gestion, et chacun doit répondre de son fait. Mais, il sert à quoi de chercher à dénier leurs actifs pour les humilier, passer par pertes et profits ce qu’ils ont fait de bien, leurs mérites, leurs exploits ?

Zou, le sobriquet affectif du remuant SACKO, n’était pas au Mali en Mars 1991. N’est-on pas allé le chercher, et pourquoi donc, s’il n’avait pas de mérite ? Y avait-il un déficit de cadre premier-ministrable ?

 Alors, pourquoi lui ? Un choix qui, à ce que je sache, ne fut pas contesté à l’époque par le Mouvement démocratique et ses dirigeants.

Ces rappels ne sont une caution pour qui que ce soit. J’ai mon jugement personnel sur chacun des acteurs de notre lutte pour le changement, pour la refondation, pour un Mali nouveau. Je suis simplement amer au regard de la malhonnêteté intellectuelle dans mon pays, où la valeur et la grandeur de l’homme ne sont reconnues qu’après sa disparition. Tout jeune, j’avais publié un article sur le sujet en 1990, paru dans l’Essor, titré : « Hommages désespérés ».

Quand, partout dans le monde, tu es célébré pour ton talent, tes prouesses, ton génie, on trouve au Mali des personnes insignifiantes, des gens de rien, te connaissant à peine, mais des fois assez proches de toi qui, pour se faire valoir, prennent un malin plaisir à te ridiculiser, te calomnier, te dénigrer, gratuitement, conscients qu’ils ne pourront jamais t’atteindre autrement, prenant ainsi leur revanche par défaut sur ton succès envié. Ce n’est bien sûr pas le cas de mon frère Choguel qui, lui, a du mérite, incontestablement. Lui-même n’est pas épargné dans ce jeu malsain, il le sait. C’est différent des piques de sarcasme entre politiciens, des joutes avec ses adversaires politiques qui, non plus, ne font pas de cadeau, et peuvent être acerbes dans leurs jugements, fondés ou non. Dans tous les cas, il ferait donc mieux de faire attention à ne pas emprunter le chemin de la tourbe, dans le déni méchant de la valeur, qui fait que ce pays a du mal à avancer avec ses tableaux d’honneur, ses cadres performants, méprisés d’autant, diffamés. « L’homme qu’il faut à la place qu’il faut », slogan longtemps clamé, est resté un lointain mirage dans un jeu gouverné par l’aléatoire et le relationnel.

Les Maliens se connaissent bien entre eux, dans une grande majorité. Nous savons qui a eu quel cursus, même si cela ne suffit pas à la carrière ; certains ne se révélant qu’après les bancs et d’autres ne trouvant leur voie qu’après l’échec à l’école. Notre patrie a besoin que les meilleurs se tendent la main pour sauver la Nation, loin des délires narcissiques de rivalités absurdes. C’est le lieu de rappeler le propos exaspéré de l’excellent Pr Guida LANDOURÉ, qui témoigne qu’« au Mali le savoir dérange », puisqu’on fait tout pour décourager les meilleurs. Ils doivent se consoler avec un « Nul n’est prophète en son pays », Alléluia !

Je crois, pour ma part, qu’il ne faut jamais perdre le sens de l’objectivité, pour vouloir tordre le cou à la réalité, à la vérité, à la raison. Tant que la mission publique passe par le « genreux », c’est-à-dire : l’affection, la relation, la filiation, la corporation, la région, la religion, ou la primauté de la fraction, avec comme corollaire le népotisme, le favoritisme, le clientélisme, l’affairisme, le racisme, la république ignorant les dangers de l’incompétence flottante de son armement risque l’échouage sur le port sec de l’impéritie, de la corruption et de l’anarchie.

Choguel déclare que lui et les siens, sous la bannière de Moussa TRAORÉ, « ne toléreront plus jamais que notre histoire récente soit falsifiée par des aventuriers en manque de repères, évoluant parmi les Maliens, sans phare ni boussole ».

En tant qu’ancien Chef de gouvernement, il devrait faire dans la nuance, et éviter de s’afficher de façon si clivante, en va-t-en guerre. C’est une faute politique. Je me passe de revenir sur les autres pointes de son missile à fragmentation.

Dans un second temps, il dit relever des contre-vérités, mais assène à son tour des entorses à la vérité clamée. De quoi s’agit-il ?

Je note qu’il donne un détail calendaire de l’adhésion à l’Us-RDA de Hamadoun DICKO et de Fily Dabo SISSOKO. Il omet de mentionner qu’il y a eu une rencontre préalable des partis PSP et Us-RDA, où il a été convenu de les fusionner en un front uni de lutte, pour aller à l’Indépendance.

 Cela éclaire la logique de leur adhésion, qui n’est pas un revirement. Mais, insidieusement, sans en avoir l’air, Choguel s’emploie à donner de Modibo une image de dictateur, avide de pouvoir, qui a voulu « la concentration de la totalité des pouvoirs entre ses mains ». « Il se produit à l’intérieur de l’Us-RDA, dit-il, ce qui s’est produit au sein de tous les partis politiques d’inspiration marxiste-léniniste… ». Pour lui, « Modibo KEITA a travaillé dans le sens de faire de l’Us-RDA un parti qui lui soit pratiquement inféodé » (sic). Il invente un conflit opposant Modibo au père Mamadou KONATÉ, allié de Houphouët BOIGNY, prêtant à Modibo d’être un communiste, apparenté au Parti Communiste Français (PCF), violant les textes du parti, la Constitution, écartant des instances et organes du parti tous les caciques, une « lutte pour le pouvoir avec la volonté du premier responsable d’écarter tous ceux qui lui font ombrage », donnant en exemple la séparation de Fidel CASTRO et de Che GUEVARA.

Modibo KEITA se serait inspiré de tels exemples pour « entamer une irrésistible ascension », « n’étant pas à son premier coup d’Etat institutionnel », « sa légitimité à la tête de l’Us-RDA était devenue contestable ». Pfff, quel fatras d’amalgames biscornu !

Je dois dire et préciser que je ne m’érige point en défenseur de Modibo, et me garderai d’une telle prétention. La vie de Modibo, son parcours, son action et ses consécrations, sauf ostracisme, assurent à suffisance sa propre défense. Il est béton. C’est pour cela, je ne fais ici que témoigner de ce que je sais, ou que j’ai appris de sources d’acteurs de premier plan.

D’abord, l’Us-RDA n’était pas un parti d’inspiration marxiste-léniniste- grave erreur d’appréciation. D’aucuns auraient perçu une familiarité plutôt avec l’idéologie maoïste, la « Révolution active » déclenchée étant à l’image de la « Révolution culturelle » chinoise. La composition sociale du pays, qui est majoritairement paysanne, et non ouvrière comme en ex-URSS (pays des Soviets), sous-tend cette similitude.

Modibo n’a jamais été communiste, même s’il en a fréquenté les cercles. Il était croyant pratiquant. Des chercheurs avancent que c’est l’action française contre la Fédération du Mali, allant jusqu’à provoquer son éclatement, qui a déterminé le choix, voire le retournement, socialiste de la jeune République. L’évocation du nom d’Houphouët, connu pour son larbinisme, trahit l’opinion et l’intention sous-jacente du détracteur, oubliant que ce sont les communistes surtout qui étaient les patriotes de la résistance, appelés « partisans », dans la lutte contre le nazisme, et étaient solidaires des Africains mobilisés, leurs camarades au front. Ce qui explique pourquoi les partis communistes ont dominé le paysage politique d’après-guerre dans tous les pays de l’Europe libérée.

Les valets néocoloniaux, comme le vieux bélier de Yamoussoukro, les voudraient pestiférés, mais, eux, ils ont toujours été pour l’autodétermination des peuples. Robert Hue, un ancien Secrétaire Général du PCF, est venu, pour le symbole, déclarer sa candidature à la présidence de la République française, à Bamako ; une première du genre. Depuis, les députés communistes français dénoncent publiquement, à l’Assemblée Nationale française, l’action de la France au Mali, et ils continuent de soutenir le peuple malien. Modibo ne s’est donc pas trompé dans son combat, mais lui Houphouët, l’homme de main, si.

Modibo nourrissait une profonde vénération pour le père KONATÉ, qui l’a adopté. On ne saurait spéculer sur leur différence d’approche sur la question du « désapparentement », pour en faire une brouille entre eux qui n’a jamais été. Tout comme la relation entre Fidel CASTRO et son ami et compagnon Che GUEVARA, El commandante, qui a dit au Lider Maximo que sa vocation n’était pas d’être ministre, mais « de poursuivre la révolution sous d’autres cieux ». Fidel le fit accompagner d’une élite, les meilleurs parmi les guérilleros cubains.

 On vient nous faire croire ici que c’était une mise à l’écart pour garder le pouvoir ; allons, monzami !

Pour conclure ce travail de sape, le couperet s’abat : « Il ne serait pas excessif de soutenir que le Secrétaire général du Parti, après avoir tant fait pour l’implanter, consolider ses assises, l’a finalement sabordé. Cela est durement, amèrement ressenti par les militants et militantes de la première heure ». Hum ! Un de mes pères, faisant partie du lot des déposés, m’a fait part de sa frustration, suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale et l’avènement du Comité National de Défense de la Révolution (CNDR), sous l’impulsion de « radicaux » venus de la Guinée de Sékou TOURÉ, citant Madeira KEITA, entre autres. Lui, il était un bourgeois compradore notoire ; je n’en dirais pas plus ; et ce sont ces mêmes récriminations que je vois reproduites dans ces lignes. J’ai compris pourquoi la Révolution active les avait qualifiés d’« essoufflés ».

Traiter Modibo de dictateur, et même l’insinuer, relève du fantasme. Senghor, lui-même, n’aurait osé le dire, lui qui a témoigné que le seul défaut qu’il lui connaisse était son obstination, car « une fois que vous avez décidé entre vous, librement, en toute conscience, pour lui  vous ne pouvez plus revenir en arrière et faire autrement». Où est le despote ? Celui de la parole donnée ?

Lorsqu’on parle de faire ombrage au leader, sans mépriser personne, pardon, qui pouvait vraiment faire de l’ombre à Modibo ?

Le toujours premier et major, instituteur modèle, patriote craint, militant engagé, Secrétaire général, député, Secrétaire d’État, Vice-président de l’Assemblée française, Président de la République du Mali, homme exceptionnel d’une immense culture, d’une grande probité morale, intègre par-dessus tout, soutien de tous les Mouvements de libération et des Peuples opprimés ; l’Afrique a rarement eu un fils de cette trempe, respecté, visionnaire, éloquent, convaincant, qui a fait rayonner la flamme impériale de son pays à l’échelle internationale, lui créant un coussin diplomatique sans précédent, et un leadership mondial. C’est tout cela Modibo : un Monument. Qui aurait pu lui faire de l’ombre, et comment, en quoi faisant ? Il n’est pas besoin d’être un dogmatique. Peut-on être simplement réaliste, s’il vous plaît ?

Le jeu de la contradiction, c’est bon à savoir, sert de catalyseur pour les systèmes libéraux, divers, hétérogènes, fondés sur la pluralité consacrée ; il est par contre un désordre dans les systèmes centralisés, homogènes, basés sur la critique et l’autocritique pour fortifier l’unité sacrée. Dans ce dernier cas, le parti exerce un rôle dirigeant de la société. Qu’est-ce qu’il y a de difficile à comprendre quant au projet socialiste de la première République ?

Bien entendu, comme partout ailleurs, il y a eu des frictions, des jeux d’intérêt, des luttes de faction, des actes déloyaux et des victimes d’injustice. Ce serait insensé de nier ces phénomènes inhérents aux organisations sociales et politiques, les hommes étant ce qu’ils sont. La machine non plus n’était pas parfaite. Les traîtres à la cause se sont démasqués, avec le temps. Des héritiers de l’Us-RDA ont reconnu que des torts avaient été infligés à des innocents, au nom du parti, par des individus zélateurs. Faut-il reprocher toutes ces dérives au camarade Secrétaire général ? Faisons la part des choses,  en dehors de sa part de responsabilité morale, de par ses fonctions, il est aberrant de vouloir le tenir coupable de tout. Tu as beau être vertueux, ceux qui le veulent te trouveront toujours des défauts, quitte à l’imaginer pour soulager leur mal-être, amplifier tes moindres erreurs, te médire pour satisfaire leur jalouse conscience.

Les mérites indéniables de Modibo et ses qualités sont évoqués dans ce texte, suivis aussitôt de supputations et de déductions hâtives sur des questions majeures, qu’il aurait fallu situer dans leurs contextes, et non se contenter de narrer de petites histoires, des anecdotes, bonnes à savoir, mais qui ne font pas l’Histoire.

Je suis surpris par cette galéjade inattendue d’un ancien Chef du gouvernement du Mali, qui se trompe visiblement dans cet exercice de déjà entendu. Il est grand temps d’abandonner cette posture de combat d’arrière-garde qui ne grandit personne, surtout pas lui. On sent dans cet écrit circonstanciel une plume petite bourgeoise, instable et incohérente, cherchant à faire feu de tout bois pour charger Modibo et le discréditer, vainement. Ceux qui savent ce qu’est une révolution, en dehors de la phraséologie, apprécieront. Passons au registre suivant.

L’auteur, en véritable bateleur, prétend que « Les populations comprenaient difficilement que l’Indépendance se soit accompagnée de restrictions, de privation ». N’est-ce pas là une insulte à la conscience du peuple malien ?

 C’est en tout cas une grave méconnaissance de l’histoire, car ces populations n’ont pas eu l’Indépendance sur un plateau d’argent, contrairement aux dires des affidés de la France. Le sang a coulé à maintes occasions, la répression a été constante, malgré l’embellie et le faste créé à la veille de l’Indépendance pour émerveiller. De lourds sacrifices ont été consentis par les libérateurs qui ont connu des brimades, des exactions, la prison, autant de meurtrissures. Les médaillés d’or de l’Indépendance n’étaient pas des promeneurs du dimanche, mais une élite de combat.

Choguel ramène les horloges à 1962, pour parler vaguement de « difficultés économiques », soit l’année même où le pays a acquis sa souveraineté monétaire, avec la création du Franc malien. De quelles difficultés s’agissait-il exactement ? Rien de concret.

 L’amalgame est vite fait avec les « files d’attente, devant les coopératives de consommation pour s’approvisionner en céréales, alors qu’il n’y a pas eu de sécheresses ; les pénuries étaient devenues les règles dans la vie quotidienne des citoyens ». A ne pas situer exprès ces faits dans le temps, faisant ainsi croire que le Mali ne serait pas viable depuis le départ, il y a là une caricature peu honnête de la réalité, car les données de bilan du premier Plan quinquennal sont bien disponibles et témoignent du bond en avant effectué par le pays dans tous les domaines, avec une nette amélioration des conditions de vie de la population, et une balance des paiements positive.

 Les marchés étaient abondamment approvisionnés en produits de première nécessité. D’ailleurs, le Colonel Youssouf TRAORÉ, un compagnon de Moussa TRAORÉ, va déclarer qu’ils « voulaient faire le coup d’État depuis 1964, mais qu’il y avait eu une sécheresse et que les conditions mauvaises les ont poussés à le reporter ». En effet, après une alerte en 1964, des études scientifiques avaient montré que le Mali risquait une grande sécheresse au début des années 1970. Le Gouvernement avait donc pris des mesures préventives, en commençant à constituer, d’année en année, le stock national de sécurité. Entre temps une mauvaise pluviométrie en 1966-67 a engendré de mauvaises récoltes. La situation de famine qui en a résulté nous a fait consommer partout du mil rouge offert par les États-Unis. C’était en 1966, si mes souvenirs sont bons ; moi-même, j’en ai mangé à la maison. La France et ses sbires étaient, depuis, à la manœuvre pour saboter le franc malien et le déprécier, asphyxier l’économie nationale avec l’aide de ses laquais de Dakar et Abidjan, en vue de créer la pénurie et les mécontentements pour décrédibiliser les autorités nationales, et contrebalancer les réussites patentes en cours, qu’il fallait étouffer. C’est ainsi que des mesures drastiques ont été prises par le gouvernement contre les trafiquants, les spéculateurs, et que le rationnement familial fut établi, afin de pouvoir faire face à terme à la sécheresse annoncée. Par malheur, et inconséquence surtout, après le coup d’État de novembre 1968, le stock de sécurité fut enlevé et distribué, en propageant que « Modibo cherchait délibérément à affamer les gens », puisque les entrepôts de l’OPAM était bien garnis. Mais, tout le monde a vu comment s’est abattue en 1972-73 une violente sécheresse sur le Sahel, décimant et les hommes et le bétail et les cultures. De la courte vue d’apprentis libérateurs, la faim et la soif ont emporté des millions de gens et réduit le cheptel à néant, détruit des ressources capitales de nos populations, nomades surtout, mais sédentaires aussi. Un fait avéré, indiscutable, volontairement ignoré par notre « redresseur de tort ».

Comment comprendre, après tout ce qui s’est passé en 2020, sous la présidence d’IBK et après sa chute, qu’un acteur, et pas des moindres, fasse encore usage de critiques fallacieuses d’actes posés par la première République, qui ont eu leurs pareils dans la gouvernance actuelle. Faites le parallèle dans l’allusion à la violation des textes de la République et des dispositions de la Cour Constitutionnelle ; la violation de dispositions législatives et réglementaires ; la dissolution de l’Assemblée Nationale, sans consulter les députés, et la mise en place d’une Délégation Législative (Conseil National de Transition – CNT), dont les membres furent nommés par les soins du nouvel organe dirigeant (CNSP) ; la « mise sous le boisseau  des libertés individuelles», les états d’urgence, les couvre-feux ; et tant d’autres mesures jugées appropriées par les responsables de la Transition, au regard de la situation critique du pays.

La question qui étonne est : comment oser reprocher à Modibo des actes de gouvernance de crise qui ont été reproduits exactement, du pareil au même, dans les circonstances actuelles comparables, sinon similaires ? Comment être là, patriote honteux, à geindre sur des prétendues questions de démocratie, de libertés, de droit de l’homme, ou encore de règles constitutionnelles, quand on sait qu’elles ont servi et servent encore de paravent, de prétexte, de mode éprouvé d’instrumentalisation du système politique pour l’asservissement des élites et le contrôle des États, sous l’emprise des néocolonialistes et des impérialistes, peinards ? Il oublie certainement d’être conséquent avec ses propres discours du moment, en face des mêmes réalités. Doit-on juger les événements du Mali socialiste, en vase clos, en ignorant les manœuvres hostiles de l’ex-puissance coloniale, la fureur de la sédition française de l’époque contre le jeune État souverain ? Est-ce l’aveu du gouvernement français qu’il vous faut ? Pour quelles raisons Choguel va-t-il jusqu’à nier l’action subversive du ténébreux Jacques FOCCART, de la Cellule africaine de l’Élysée, pourtant dévoilée dans les mémoires de ce crocodile de la France-Afrique ?

 J’ai honte, et c’est honteux.

Il poursuit, plus loin : « Il y a beaucoup de mystification et de contre-vérités à propos de Modibo KEITA ». Suit une tentative de blanchiment de la gestion désastreuse des sociétés et entreprises d’État par les successeurs de Modibo. Par la magie d’une citation de Modibo à propos de « fardeaux du peuple », il laisse supposer que toutes ces structures n’étaient pas viables dès 1963. Et pourtant, elles ont tenu, et on a même entendu Moussa, au beau milieu des années 1970, dire dans un discours mémorable qu’on ne « laissera pas les acquis du peuple devenir des fardeaux pour le peuple ». On se demande donc à partir de quand date la mue en fardeaux de ce patrimoine ?

Notre génération a été témoin du pillage de nombre de ces structures par une gestion déplorable du régime du CMLN, bien après 1970.

 Les témoignages des acteurs, travailleurs et syndicalistes, mais aussi clients et usagers, témoins des outrances, sont disponibles. Inutile de s’y attarder, les exemples font foisons : SOMIEX, AIR MALI, RCFM, SEMA, PPM, COMATEX, SOCOMA, SUCRERIE DOUGABOUGOU, THÉ VERT FARAKO, CMDT, SONETRA, SONATAM, TAMALI, SOCIMA… parmi tant d’autres fleurons de notre décollage programmé. Elles avaient du jus et du répondant, la plupart encore prospère dans les années 1970-80. La mauvaise gestion, la corruption et l’incompétence ont été les principaux maux à les condamner à la faillite. C’est le cas de la Banque de la République du Mali devenu la BDM, pillée avec des prête-noms, par des bras longs, des recommandés, des ordres au téléphone, et même des bouts de note. Comment expliquer qu’à ce jour, après les privatisations scandaleuses, les bradages continus, que le THÉ DE FARAKO demeure en état quasi végétatif, pour ainsi dire ? Qui n’a pas vu le festival de jouissance des « vaches à lait » par des cliques, les orgies des « Opérations de Développement » (riz, poisson), même celles créées après Modibo ? Sur ce registre, il y a eu crime économique contre le peuple malien. Et là, je rejoins Choguel, quant au compte à rendre pour les primes détournés des partants volontaires à la retraite, sacrifiés, escroqués, mis à mort.

Leur cas demande justice.

Mais, là où mon frère Choguel me sidère réellement, c’est la banalisation de la merveille malienne de « la Réforme de l’Enseignement en République du Mali en 1962 », accueillie avec les éloges de l’UNESCO. Il ose dire : « que loin d’être une œuvre originale, propre uniquement du Mali, cette réforme a été inspirée par des textes issus de deux Conférences des Ministres de l’Education », et qu’« il ne fallait pas être un génie pour la  créer ».

 Décidément ! Le propos manque de cohérence, car quels autres pays ont adopté cette réforme dont les spécialistes de l’UNESCO ont pourtant témoigné du caractère d’avant-garde ? Il note à la suite qu’« elle a réduit le cycle scolaire d’une année (imaginez la portée), eu un grand impact sur l’enseignement (il le reconnaît), rapprocher l’école des populations (un succès politique), amélioré nettement le taux de scolarisation (une efficacité technique) », ce qui a permis au pays de marquer une différence positive avec les autres anciennes colonies restées et évoluant dans le système français.

En 12 ans de scolarité, nous nous retrouvons au supérieur avec les autres, pour leur damer le pion proprement. Malgré tout, lui il trouve que la Réforme n’était pas sorcier, probablement à la portée de tout le monde, rien de génial en soi !???

 Alors là ! Mais comment se fait-il qu’avec un surdoué des réformes académiques comme lui, nous manquons depuis 45 ans de trouver une solution probante de refondation de notre système éducatif ? Comment peut-on fanfaronner de la sorte ?

Est-ce sérieux ?

Ce jugement laisse penser que lui-même n’a pas lu le document référencé. Sinon, comment peut-il prétendre que « la Réforme n’a pas envisagé un enseignement dans les langues nationales », alors qu’il y est écrit textuellement que l’enseignement « se poursuivra pour le moment en français en attendant une instrumentation suffisante de nos langues nationales », (je cite de mémoire).

Il reproche à la Réforme de « n’avoir pas réussi, comme retenu dans ses objectifs, la liaison entre l’école et la vie ».

 C’est donc au texte de s’appliquer lui-même ? Il oublie de mentionner que la « Ruralisation de l’enseignement », programme d’adaptation de la formation de l’apprenant aux besoins de la vie et aux réalités de son environnement, qui a eu ses belles années, sanctionnées par des résultats mitigés, avec des hauts et des bas, était une réponse des aînés à cette disposition de la Réforme, à savoir : « Lier l’école à la vie ». Il passe également sous silence les grèves des élèves et étudiants, qui ont débuté en 1977, avec l’UNEEM, et atteint leur paroxysme, en 1980, avec l’année blanche. Elles faisaient suite aux réformes proposées par les sieurs PALM et BELONCLE, deux spécialistes engagés par l’UNESCO. Un travail sordide, pourtant agréé par le pouvoir en place. En 1977, notre promotion a passé en Terminale deux types d’épreuves du Bac, une innovation désuète sans lendemain.

Et, pour terminer son procès politique de Modibo, il finit par l’accuser de s’être « désintéressé de l’Armée au profit de la Milice » ; simple affirmation gratuite. Qu’est-ce qu’il en sait réellement ?

 Une imposture et un manque d’égard envers le vaillant Colonel Sékou TRAORÉ, Chef d’État-Major d’alors et ses compagnons, commandement accusé par un officier subalterne du CMLN, de n’avoir pas été capable de défendre la cause des militaires auprès de l’autorité politique, donc coupable de leur misère décriée. Et la suite ?

La question est très sérieuse, et ne doit pas être évacuée à la légère. Si la Milice populaire avait été préférée à l’Armée, pourquoi n’a-t-elle pas reçu les armes de combat expressément réclamées par sa hiérarchie ? C’est Modibo qui n’a pas voulu donner son accord. Le coup d’État aurait-il été possible, s’il avait une réelle préférence pour la Milice ? Réfléchissons un peu. L’absurdité de l’observation est que la Milice et l’Armée n’ont pas la même vocation, elle, elle avait une mission plutôt d’éducation populaire, d’où le refus de Modibo d’accéder à la demande de l’encadrement.

Moussa TRAORÉ, qu’il soit l’instructeur militaire et non le chef de la Milice, n’était-il pas l’officier de confiance, chargé à ce titre de discipliner les jeunes recrues, qu’on a vu commettre un peu partout des exactions, des abus ?

Ce comportement était-il fortuit ? Indéniablement, la Milice a été un point d’incompréhension, ou même de discorde, entre la population et le régime à bout de souffle. Je n’ai pas entendu de thèse d’un sabotage pour pousser les populations à la révolte, même s’il n’est pas à écarter totalement. Peut-on dans ces conditions innocenter ceux qui étaient justement chargés de sa formation, tant civique que militaire ?

Si Modibo n’avait pas confiance en son Armée, pourquoi la charger de l’encadrement de cette jeune formation, quand tous les partenaires : Chinois, Russes, Yougoslaves, Cubains, Vietnamiens, auraient accouru pour lui prêter main forte dans tous les compartiments de jeu ?

Moussa TRAORÉ, instructeur en chef, signifie qu’il était assurément un excellent officier, mais surtout qu’à travers lui, Modibo n’a jamais douté de son Armée, une évidence. Comment cela se pourrait-il, quand il envoyait nos troupes sur tous les fronts auprès de nos frères africains en lutte, porter le drapeau de la dignité et de la fierté maliennes ? Est-ce possible en s’y désintéressant ? Il faut ne pas appréhender la relation intime entre défense et diplomatie. Trêve de spéculation.

Un autre mensonge est d’insinuer que « les Accords monétaires franco-maliens » supposaient une renonciation « à la souveraineté monétaire et la préparation du retour au franc CFA » (rires). J’ai déjà eu à répliquer à ces affirmations sans fondement par un post sur un groupe WhatsApp.

 Choguel tente un tour de passe-passe uniquement pour disculper son mentor, qui assume la honteuse responsabilité historique de notre réintégration à la zone CFA, différente de la zone Franc. Qu’il exhibe le document de la première République qui le stipule. En vérité, Moussa s’est laissé manipuler par Houphouët, qui voulait corrompre l’histoire pour avoir raison sur Modibo, voilà son objectif intime concordant avec les intérêts français. Lui, Choguel, voit bien les actes de même ordre de son héritier en Côte d’Ivoire à l’égard du Mali, avant, en étant aux affaires et après. Qu’est-ce qui a changé véritablement ?

Revenant aux fameux Accords franco-maliens, le Président Modibo, du village où il se reposait, a mis en mission le Ministre Jean Marie Koné et celui des Finances, Louis Nègre. La consigne de Modibo à Jean Marie était d’en appeler d’abord à « la foi en leur amitié », soulignant la gravité du contexte. En substance, il lui dit qu’il faisait « entière confiance au camarade et vieux compagnon de lutte, qui le connaît bien, et peut le remplacer valablement ». En conséquence, il lui donne carte blanche pour aller négocier à Paris, et « faire en âme et conscience ce que nécessité oblige pour la patrie, compte tenu de la situation qui prévaut ». Aucun projet n’a été soumis à Modibo, il n’y en avait pas.

 C’est plutôt le compte-rendu des engagements pris qui lui a été fait par ses émissaires.

Après le coup d’État, le jeune Louis Nègre, lui-même, va s’épancher plus tard dans les colonnes de Jeune Afrique et révéler le complot ourdi « dans le but de déstabiliser le géant et de le faire chuter ». Ces documents existent et servent comme preuve de la traîtrise.

Mon frère Choguel aime accuser certains de « faire de la mémoire de Modibo un fonds de commerce politique ». Est-il sûr que l’argument ne peut pas lui être retourné, en ce qui concerne sa bagarreuse fidélité affichée pour Moussa ? Quel est son problème avec Modibo, avec l’Us-RDA ?

Je pense, raisonnablement, qu’il faut arrêter ces querelles de clocher pour Sibiri ou Sidi. C’est le Mali que nous devons chérir, et qui vaut que nous nous battions pour lui, être au service loyal de ses populations. Combien de temps allons-nous passer à compromettre l’avenir de cette terre bénie, pour assouvir nos passions de savantes lectures biaisées du passé ? N’est-il pas temps de se faire une raison, et de savoir ce que nous voulons devant le péril en la demeure ? Bon sang !

Aujourd’hui, certains s’érigent en défenseur de l’Armée, comme s’il y a un seul Malien contre l’Armée nationale, en dehors des agresseurs et de leurs complices. Sortons des enfantillages. Ceux qui divisent les Maliens en civils contre militaires sont les ennemis de la Nation, je le pense et le dis. Ils le font pour défendre sûrement des intérêts inavoués. La Transition ferait une faute grave de suivre de tels énergumènes dans cette logique séparatrice. Les fauteurs sont de tous les côtés ; les loyaux également. Ceux qu’il faut stigmatiser, ce sont les prédateurs, les fossoyeurs, les prévaricateurs. Ils existent, et ne sont pas inconnus. Ce n’est pas une affaire de civil ou de militaire à opposer, mais d’amour du Mali et de valeurs pour se reconstruire.

En définitive, j’ai gardé pour la fin une tirade heureuse de Choguel qui, à y réfléchir, devrait l’inspirer davantage pour ses déclarations ultérieures au sujet de la gouvernance passée. Qu’il se souvienne que lorsqu’il était Premier ministre, ce ne sont pas que ses militants et alliés qui lui ont permis de traverser bien de marigots et de turbulences (ils sont combien ?), c’est le Mali entier qui était derrière lui, cela il ne doit pas l’oublier. C’est ce sens de la nation qui fait l’homme d’État. Et, pour ne pas risquer l’ingratitude envers toutes ces sensibilités qui l’ont soutenu, je l’exhorte à éviter d’opiner et de commenter des questions qui, selon sa propre sagesse, devraient désormais être laissées aux Historiens pour faire la part des choses et édifier la Nation.

J’ai particulièrement aimé cette invite de sa part qui va nous permettre de conclure : « L’engagement pour faire connaître le premier Chef d’Etat de notre pays,  Modibo KEITA, père de l’Indépendance du Mali, sa vie et son œuvre, est à saluer, mieux, à encourager. Mais, cet engagement doit se garder des excès. Modibo KEITA, pour paraphraser le célèbre syllogisme, est un homme ; donc, faillible. Il possède d’incontestables qualités, mais également, des défauts. Peut-être peut-on minorer les défauts, les insuffisances de son pouvoir. En aucun cas, au nom de la vérité historique, on ne doit les occulter ou  pire, les falsifier aux seules fins d’endoctrinement et de manipulation de la Jeunesse malienne, pour atteindre des objectifs politiques inavouables dans un combat qui n’est pas celui des Maliens ».

A cet effet, je dis : ce qui est valable pour Modibo, doit l’être aussi pour Moussa, cher frère.

Avec ma haute considération, salut fraternel.

Mohamed Salikènè COULIBALY     Ancien Ministre

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