Société

Qualité du fer au Mali : Imafer sur la sellette

Au moment où le débat sur l’effondrement des bâtiments au Mali se pose avec acuité, de sérieux doutes pèsent sur la qualité des matériaux de construction, notamment le fer. Les produits de la plus grande usine de production de fer au Mali, l’Industrie malienne de fer (Imafer), sont pointés du doigt par les acteurs. Nous avons enquêté. 

 « A part les achats sur commande, des fers de la société IMAFER ne sont pas conformes aux normes. Leur diamètre et longueur ne respectent pas la réglementation», s’offusque Abdoulaye Diarra, un jeune fonctionnaire. Il a découvert le pot-aux-roses alors qu’il supervisait les travaux de construction de sa maison. « A plusieurs reprises, je viens trouver mes fers cassés, brisés sur le chantier. C’est justement sur ces faits que j’ai été informé par des techniciens de bâtiments comme quoi il y a beaucoup de fers sur le marché qui ne sont pas conformes à la réglementation», explique M. Diarra. Son fournisseur, Sidi Kouma, gérant d’une quincaillerie, affirme ignorer la qualité de ce matériau. Selon lui, sn rôle n’est de faire contrôler sa marchandise avant de la vendre. « C’est aux autorités de veiller à ce que la qualité des fers soit conforme à la réglementation », estime-t-il. De même, il pense que conformément à son cahier de charges, la société IMAFER, dont il vend les produits, doit «être honnête ».

Lamine Koné est très révolté. Ce technicien de bâtiment évolue dans ce secteur depuis plus de 15 ans et a supervisé de grands chantiers de construction au Mali. A part les achats sur commande, des fers de la société Imafer ne correspondent pas aux normes. « La longueur et le diamètre des fers ne sont pas respectés », affirme M. Koné. Les barres de fer doivent faire normalement 12 mètres. Contrairement à cette dimension, la plupart des barres de fer ont une longueur variant entre 10,5 et 11,5 mètres. S’agissant du diamètre, c’est le même constat. Le diamètre du ‘’fer 6’’ fixé à 6 mm conformément à la réglementation est aussi en dessous des normes. Il varie entre 4 et 5 mm. Toute chose qui peut fausser les données.

« Cette situation est connue de tous les responsables intervenant dans ce secteur. Leur silence est largement synonyme de leur complicité », accuse M. Lamine Koné qui indexe singulièrement l’Ordre des ingénieurs-conseils du Mali.

Pour leur défense, le chargé à la communication de cette structure, Youssouf FANE, soupire. Le problème est profond et sérieux, affirme-t-il. L’Ordre des architectes et conseils du Mali ne cesse de se battre pour la qualité des matériaux de construction. A l’image de M. Koné, il concède également qu’il y a nécessité de réguler le secteur en obligeant des sociétés y intervenant à se conformer aux normes.  Sinon, déplore-t-il, « Il y a du fer de qualité sur le marché. Il y  en a beaucoup aussi qui ne respectent pas les normes ». Pour M. Fané, il y a au moins 5 qualités de fer qui circulent sur le marché. A part la 1re  qualité acquise sur commande, les autres offres souffrent de manque de rigueur au moment de leur fabrication. « Ce n’est pas normal que des fers se cassent en essayant de leur donner des formes », peste Youssouf Fané. Face à la dégradation de la qualité des fers, il urge de prendre des mesures rigoureuses pour éviter le laisser-aller, plaide-t-il.

« Je pense qu’il est temps pour l’Etat de prendre des décisions pour interdire la fabrication de certaines qualités de fer. Je fais allusion notamment au fer qu’on appelle ‘’Djôgôrômai naikai’’. On doit mettre fin à des fabrications du fer purement et simple commerciale», estime M. Fané. Sinon le risque est très grand et les sociétés de fabrication, vendeurs et acheteurs de fer ne font pas suffisamment attention.

Pour sa part, le premier responsable de l’Industrie malienne de fer, Mounir Kawer, affirme : « Il y a un problème que vous n’avez peut être pas compris. Si une usine fait. Et qu’elle vous vend, vous allez le remettre au marché et que vous vendez…, cela n’est pas le problème de l’usine. »

Un aveu qui confirme les allégations des techniciens. Plus loin, il avance : « D’ailleurs de toutes les usines du Mali, je suis le seul à avoir des instruments de mesures, attention ! », prévient-il. Avant de charger les autorités de contrôle de la qualité au Mali. « Je pense que s’il y a quelqu’un à blâmer, c’est bien les autorités compétentes qui, elles, doivent œuvrer au respect des normes….. Ce qu’il faut faire, c’est d’aller voir le ministère du Commerce et de la Concurrence pour échanger, puisqu’il y a des normes au Mali. Et d’ajouter que… la douane ne conteste pas au dédouanement tant que la métrologie n’a pas délivré un certificat de conformité.»  Et notre interlocuteur d’estimer que ce n’est pas en soulevant le problème dans la presse que cela va contribuer à le résoudre.

Le PDG d’IMAFER se plaint de « concurrence déloyale » sur le marché. Selon lui, il y a des importateurs qui vont venir du fer de la sous-région, notamment du Sénégal, d’une longueur de 10,5 m, alors que lui, il en fabrique de 12 m. Il a laissé entendre que face aux prix que ces importateurs pratiquent, Imafer n’a d’autre choix que de suivre la loi du marché.

« Je vous invite à venir chez moi pour la vérification de la qualité de mes produits. Je n’ai rien à cacher.», lance-t-il. Lorsque nous acceptons son invitation, curieusement, M. Kawer doit voyager le lendemain matin. Aussi, affirme-t-il qu’il ne déléguera personne pour nous faire visiter son usine, car c’est lui le patron que nous avons appelé. Et c’est à lui de nous guider.

Le directeur de l’Agence nationale de la métrologie, Lassana Togola, balaie d’un revers de main le manque de contrôle des services de l’Etat. Il affirme que cette usine leur doit même de l’argent au titre des vérifications de l’année dernière. Selon lui, sa structure est nouvellement créée et elle essaie tant bien que mal de jouer son rôle en attendant de rentrer en pleine possession de tous ses moyens. Il affirme que le PDG ment, surtout quand il affirme qu’il est le seul à détenir des instruments de mesure ou que les services de l’Etat ne jouent pas leur rôle. M. Togola promet d’organiser dans l’immédiat une mission de contrôle dans l’usine.

Pour sûr, le problème de la qualité des matériaux de construction au Mali est réel. Si rien n’est fait, le phénomène risque de se transformer en un problème d’insécurité nationale.

A suivre.

Hamadoun MAIGA

Source: Azalaï-Express

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