Au lendemain de l’investiture du candidat IBK en tant que Président de la République, à l’idée d’un dialogue avec les groupes armés, sa réponse était on ne peut plus claire : «Je ne négocierais jamais avec des hommes en armes». Mais ça, c’était sans compter la détermination des désormais tuteurs du pays. Quelques temps après, toujours sur la possibilité de dialoguer avec les groupes armés, la réponse était cette fois plus nuancée : «Négociations ? Oui, mais sous auspices maliennes».
Par la suite, le Président n’ayant pu tenir sur ses positions, les négociations ont donc eu lieu avec des hommes en armes et en dehors du pays (en Algérie) d’où est finalement sorti ce que l’on appelle : Accord pour la Paix au Mali issu du processus d’Alger. Le vin était tiré, il fallait donc le consommer.
Ainsi, le Président de la République lui-même, le Premier ministre et l’ensemble de son Gouvernement se sont lancés dans une vaste et coûteuse campagne de communication autour du document, l’Accord a été chanté sur tous les toits, défendu mordicus. Ils l’ont si bien présenté que beaucoup en voyait déjà la panacée.
Le document devenait aussitôt la feuille de route du Gouvernement malien et mieux, il s’était trouvé une place dans l’ordonnancement politico-juridique du pays qui le mettait au-dessus de notre constitution (quasiment toutes les réformes, tous les programmes de développement, toutes les politiques, tous les textes du pays faisaient référence à l’Accord d’Alger).
Mais quatre ans après, où en sommes-nous ?
Dire en ces jours que l’Accord pour la Paix au Mali issu du processus d’Alger, communément appelé Accord d’Alger, EST MORT, peut paraître politiquement incorrect mais objectivement soutenable.
En évaluant le processus quatre années après le début, nous nous rendons compte qu’aucune des questions de fond n’a été définitivement traitée, elles sont pourtant les plus sensibles.
Le respect de l’Intégrité territoriale
C’est le premier principe cardinal posé par le Gouvernement du Mali et dont la reconnaissance fut d’ailleurs un préalable aux négociations. Ce principe implique le renoncement à toute velléité sécessionniste, la reconnaissance du pays dans ses frontières internationalement reconnues. Aujourd’hui, force est de constater que nous sommes encore très loin de l’effectivité de ce principe, des pans entiers du territoire national échappent toujours à l’exercice de l’autorité de l’Etat central. L’érection de la région de Kidal en grand symbole de la défiance de l’Etat et sa sanctuarisation qui continue, sont assez illustratives.
Le Désarmement, la Démobilisation et la Réinsertion (DDR)
Le DDR reste un volet extrêmement important du processus, il permet de réattribuer à l’Etat le monopole de la violence. Il permet également la concrétisation de la promesse d’une armée républicaine reconstituée. À ce jour, bien qu’ayant connu un début, le DDR peine toujours à être effectif. Pourtant, ce ne sont ni les moyens, ni l’opportunité qui manquent mais peut-être un problème de sincérité des acteurs.
Les réformes institutionnelles
Elles préconisent le renforcement significatif des pouvoirs des collectivités territoriales, la gestion très décentralisée des affaires locales par les collectivités jusqu’au point de leur conférer certains attributs de souveraineté tel que lever des impôts (à travers une fiscalité différente de celle nationale), assurer des fonctions de défense et de sécurité (à travers des polices de proximité). C’est le point qui semble le plus intéressé certains groupes armés mais également certains partenaires, comme en témoignent les incessantes pressions exercées de part et d’autre sur le Gouvernement afin d’y procéder très rapidement et tout simplement.
Malgré ces énormes pressions, le Gouvernement peine à les engager face au refus d’une importante frange des groupes politico-associatifs. Il faut donc dire que la seule chose qui semble fonctionner dans cet accord reste la tenue des sessions du Comité de suivi (CSA), mais pour quel résultat ? Les sessions se suivent et se ressemblent (des condamnations occasionnelles, des résolutions sans effets etc.).
Au-delà de ces problèmes d’application, n’est-il pas d’autres constats qui corroborent l’idée d’une mort du document ? En effet, en observant l’évolution des évènements, nous comprenons qu’une véritable crise de confiance s’est réinstallée entre les acteurs. Certains mouvements ne veulent pas du désarmement avant les réformes institutionnelles qui doivent leur offrir la légitimité qui leur a toujours manquée. De même, le Gouvernement ne semble pas prêt à prendre les réformes sans obtenir le désarmement total de tous les groupes armés.
Aussi, autres comportements qui ne semblent pas attirer les attentions, doivent pourtant interpeller. De la signature de l’Accord en 2015 à nos jours, les groupes armés n’ont jamais laissé entrevoir un quelconque signe exprimant leur désir du vivre ensemble. Il n’y a jamais eu d’aveu sur les massacres d’Aguel hoc, jamais de pardon demandé aux citoyens durement touchés par ce conflit armé. La région de Mopti a été mise en ébullition et jamais de message de condamnation ou de compassion. Avec un peu de courage et d’honnêteté intellectuelle, nous reconnaîtrons que les groupes sécessionnistes n’ont aucune envie de nourrir le sentiment d’appartenance à la nation malienne. Ils l’ont également montré à travers la froideur exprimée face au récent accord politique de gouvernance.
Quant au Gouvernement, ses récentes orientations (la création de cadres et d’organes tous azimuts pour la résolution de la crise) semblent, de facto, présager une sortie de l’Accord. Aussi, la création continue d’unités dans les forces armées et de sécurité sans que cela ne soit dans le cadre de l’armée républicaine reconstituée, peut également s’expliquer par ce manque de confiance dans l’avenir de l’Accord d’Alger.
Tout compte fait, il existe deux façons de voir le verre : à moitié vide ou à moitié plein. Mais, attention, il y a bien un temps pour attendre.
Mamadou Lamine SIBY.
Analyste et homme politique
Source: Le Wagadu