Le 26 février 2021, l’Alliance Nationale des Patriotes du Mali (ANP) a organisé une mobilisation pour soutenir la transition. Le président de l’ANP, Moussa Coulibaly apporte des précisions ici dans cette interview pour justifier son soutien à la transition. Selon lui, « le M5-RFP est fini depuis la fin du régime de IBK ».
Le Soft : C’est quoi l’ANP ?
Moussa Coulibaly : L’Alliance Nationale des Patriotes du Mali est une plateforme qui regroupe plusieurs associations de jeunes. C’est un groupe de jeunes hommes et femmes qui se sont mis ensemble depuis 2015.
Peut-on avoir une brève sur l’historique de l’ANP ?
On a initié au début, contre la cherté des télécommunications au Mali, d’où « HT boycotte ORANGE ». Par la grâce de Dieu, cette lutte est maintenant à notre actif à travers nos différents mouvements qu’on a eu à mener, aujourd’hui, chacun peut profiter des différentes promotions (Orange et même de Malitel) : « 200% de bonus » par semaine. A l’époque, ça n’existait pas ! Maintenant tout le peuple malien en bénéficie grâce à nous.
Nous avons été les premiers jeunes au Mali à avoir lancé l’appel le 16 juillet 2016, après la tuerie de Gao au cours duquel la MINUSMA avait ouvert le feu sur la population. Kibili Demba Dembélé était le président à l’époque. On avait demandé à toute la jeunesse de se retrouver à la maison des jeunes « HT plus jamais « . Il y a eu même la présence du conseil national des jeunes (CNJ). Nous n’avons jamais milité au CNJ.
De ça est né un groupe « A SERA ADANA » pour dire que non, ça suffit (la cherté de la vie, l’insécurité et la pauvreté). Nous étions acteurs, initiateurs donc on a initié à travers « Tarata bilé » mardi rouge, tous les jeunes leaders étaient à la bourse du travail sur notre appel (dont Ras bath, Mohamed Salia, Ben etc.)
Nous avons toujours continué, en 2017. Il y a eu le projet de la révision constitutionnelle, juste après l’annonce par le président de la révision constitutionnelle. Vu notre force, nous avons toujours joué un rôle déterminant qui est celui de communication à travers nos différentes plateformes (site, Facebook, Whatsapp, Twitter …) C’est nous qui servons chaque fois de branche communicationnelle de toutes ces organisations. De là, on avait pris de l’avance avec notre « HT boycotte élections ». On est allé avec certains de nos grands frères à la pyramide du souvenir, avec les cadres politiques, d’où la naissance de « An té abana ». Ce fétiche contre le projet de révision constitutionnelle, nous en étions acteurs, initiateurs, fondateurs au premier rang. J’étais le secrétaire permanent à l’époque et cela fut un véritable succès, car le projet de révision constitutionnelle fut abandonné.
De là, le divorce est né entre les politiciens et nous, car nous étions dans l’article 118 pendant que, eux, ils étaient à la préparation des élections 2018. Le fait qu’on ne soutient pas toutes les décisions d’IBK ne veut pas dire qu’on était dans l’opposition. Aux élections 2018, on a jamais milité pour un candidat, nous avions dit à toute la population malienne de voter pour son candidat de choix. C’est la cause de cette distanciation entre nous et beaucoup de politiciens qui souhaitent avoir notre soutien. Après la réélection d’IBK on est resté observateurs jusqu’à la mauvaise gouvernance du PM Boubeye Maiga. On a dit « ça suffit » (grève des enseignants, grève des médecins etc.) Et on a participé virtuellement au départ du PM avec des dénonciations sur nos différentes plateformes.
Pourquoi l’ANP veut soutenir la transition ?
Suite aux évènements du passé, on a battu retraite jusqu’à l’appel du 5 juin 2020 (EMK, CMAS etc.). Le coup d’état n’a jamais été notre volonté, mais tout ce qui pouvait faire partir IBK ou changer le système du régime était à notre portée, raison pour laquelle nous avons rejoint le M5. Car pendant 7 ans, nous avons lutté contre le régime de IBK, le M5 pour nous était une porte de sortie. C’était difficile, mais on est resté en marge, jusqu’à malheureusement la nuit du 10 juin. C’était nous qui étions à l’ORTM, on n’a jamais participé à la violence. Au contraire, c’est nous qui avons filmé la désobéissance civile pour montrer à la diaspora et à tout le peuple malien ce qui se passe.
L’ANP s’est beaucoup battue, il travaille pour l’intérêt du peuple malien. On a pris tous les risques qu’il faut pour le Mali pendant la nuit du 11 et 12 juillet. Les personnes qui ont été assassinées sont mortes dans nos mains. Nous sommes des témoins oculaires, d’ailleurs c’est nous qui avons appelé la protection civile pour venir récupérer les morts. On était pour le Mali, pas pour la CMAS ni pour Dicko.
Le jour du 18 août, où il y a eu ce coup d’état, on a estimé que la mission était accomplie. Chacun pouvait retourner à ces occupations. Le 19 août la dernière conférence de presse organisée au camp Soundiata de Kati a été faite par nous. on a vu tout genre de scénarios (salutations, aides, demandes, négociations etc.), on est resté indifférent car notre objectif est le Mali, mais pas pour une quelconque place.
Nous pensons bien que le M5RFP est fini parce que l’alliance avait pour but le départ du IBK. Maintenant que IBK n’est plus au pouvoir, on estime que le M5RFP n’existe plus, l’après IBK, n’a jamais été un sujet au sein du M5RFP. Le M5 n’a jamais pu mettre en place un mouvement de jeunes, le seul groupement de jeunes était l’ANP. Comme d’habitude, on est resté observateur, pas parce qu’on ne voulait pas parler ou on ne pouvait pas, mais on voulait surtout comprendre le sens et la direction des choses. Comme le dit un vieil adage: « il y a un temps pour tout « . Maintenant, il est temps pour nous de manifester notre point de vue, d’où notre sortie du 26 février 2021 à la maison des jeunes.
« Toto tire nana, nana tire toto » tantôt on va chez Jamille Bitar, ou Kaou Djim, l’iman silencieux. Mais où va le Mali? Tous les gens qui sont au M5 n’ont pas plus de droit que nous, que le peuple malien. Dorénavant l’ANP appelle tout le peuple malien pour la bonne marche de la transition. Ce n’est pas que la gestion de la transition ne plaise pas à certains, ou s’ils n’ont pas été nommés à un poste, qu’il faut jeter tous ces efforts et sacrifices par la fenêtre.
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Une transition, comme son nom l’indique, ne va pas dépasser les délais indiqués. En entendant, restons patients, patriotes pour le Mali et non égoïstes pour des intérêts personnels. Nous souhaitons à nos camarades de l’autre côté d’éviter les tiraillements pour la bonne marche de la transition et de voir le bon côté des choses, car la perfection revient à Dieu seul. Il ne s’agit pas de régler tous les problèmes en 18 mois, mais de mettre le terrain en bonne marche.
Qu’est-ce que vous attendez de la transition ?
La justice sociale pour tous, pour nos martyrs, à la suite des évènements du 11 et 12 juin. Mettre des organes très divins, et inviter toute la classe politique et la société civile pour des élections libres et transparentes, non contestées. Car tous les problèmes arrivés à IBK sont malheureusement dus à son élection contestée. Mais, jusque-là, si certains essaient toujours de tirer à gauche à droite, on risque de se retrouver dans le même bateau qu’avant. Voilà pourquoi aujourd’hui, nous souhaitons la paix et la tranquillité. C’est la raison pour laquelle on accompagne les autorités de la transition, pour une transition réussie dans un Mali uni et prospère.
Quelle aide pensez-vous offrir à la transition?
On souhaite faire tout notre possible pour accompagner la transition. Nous allons dénoncer si la transition se trompe. Bien sûr, toujours dans la concertation de façon démocrate. Nous ne sommes pas là au nom de quelqu’un, « ni le Président de la transition, ni aucun ministre « . Nous sommes là pour le Mali, tout ce que l’ANP fait est pour le Mali. On a toujours été parfois pour ou contre, l’Etat mais toujours en visant l’intérêt du peuple. On n’accompagne pas la transition pour se faire aimer ou se voir. Mais c’est dans l’intérêt de toute la nation pour que cette transition réussisse, même aux yeux de la communauté internationale qui ne voit plus le Mali comme un pays de démocratie (chaque année coup d’état). On n’est pas forcément satisfait, mais on doit faire un compromis pour le Mali. Aujourd’hui nous sommes encore en train de nous organiser pour soutenir la logique du combat.
Élections générales 2022. Pensez-vous que toutes les conditions sont réunies pour organiser des élections libres et transparentes ?
Aujourd’hui, pour parler exactement de la garantie des élections, il faut être conducteur de l’appareil de l’Etat. C’est le premier Ministre et son gouvernement qui sont les mieux placés pour parler de la garantie des élections. Mais, à ce que nous sachions, selon nos observations, la bonne volonté est là, l’autre jour le premier Ministre a présenté la feuille de route, la dissolution du CENI, etc. Nous souhaitons quand-même qu’elles soient justes et équitables, ces élections 2022. Nous sommes une organisation politique même si, nous n’avons jamais milité dans un parti politique. Dans 18 mois, nous irons aux élections, nous y croyons fermement.
Le retour du M5-RFP sur la gestion de la transition, pensez-vous que c’est un échec pour la transition ?
Comme tout le peuple malien, la dernière fois, nous avons lu sur les réseaux la déclaration de ce M5-RFP. Pour nous, le M5 est fini depuis la fin du régime de IBK. Donc actuellement les acteurs qui demandent la dissolution du gouvernement de transition se battent pour leur intérêt. Il est temps que les Maliens ouvrent les yeux, que nous nous écoutions, qu’on cherche à comprendre. Nous n’abons rien contre ces frères et pères anciens compagnons de lutte. Nous les invitons à regarder l’intérêt commun: « le Mali « . Que le M5-RFP demande aujourd’hui la rectification de la transition est incompréhensible, quand le peuple sortait, Bah NDaw dormait dans son champ. C’est un fait de Dieu. Le Président de la transition n’est pas démocratiquement élu, c’est la charte de la transition qui l’a amené. Ce qu’ils n’ont pas dit lors de l’élaboration de la charte de la transition, pourquoi le dire aujourd’hui, au moment où ils ont donné aux militaires la latitude de choisir. Ils ont choisi ceux qu’ils voulaient. Nous pensons vraiment aujourd’hui que le peuple malien dans toute sa souveraineté doit travailler ensemble pour que les élections à venir soient crédibles et transparentes. C’est cela qui devrait être la lutte du M5-RFP. Le développement et l’avancement de la démocratie n’ont pas cessé de sombrer encore. Nous n’allons dédouaner personne, les militaires ne vont imposer qui ils veulent, ni le M5, ni aucun autre mouvement. C’est le peuple malien qui va choisir celui qu’il veut.
Vous avez un appel pour la jeunesse ?
J’appelle la jeunesse à l’unité, cette brave jeunesse doit savoir qu’il est temps qu’on se ressaisisse, qu’on aille à l’essentiel et aussi qu’on se mette en valeur. On ne finit jamais d’apprendre. Certes, aujourd’hui, nous estimons que la jeunesse a assez appris de ces politiciens et cette jeunesse active dont nous faisons tous partie, nous avions vu et vécu. Combien de fois nous nous sommes mis en chemin avec ces vieux, pour des intérêts personnels, qui nous ont fait des virgules en chemin? Chaque fois, nous retournons dans nos grains les mains vides. Ces vieux politiciens ne peuvent rien sans nous. C’est nous qui leur apportons la force (mobilisation sur le terrain, les réseaux sociaux, notoriétés), tous les travaux sont toujours exécutés par nous les jeunes. Ils profitent de notre jeunesse et de nos compétences. J’appelle la jeunesse à ne pas céder, à éviter des destinations inconnues.
Comme le nom de l’ANP l’indique, nous appelons encore la jeunesse à l’alliance. Que les jeunes comprennent que c’est nous qui devons préparer la relève. Ce n’est pas en restant derrière eux que cela se fera. Le combat générationnel est un faux combat. Aujourd’hui, il faut la qualité et l’intégrité, la bêtise n’a pas d’âge (excusé du terme) et s’il faut que nous transmettions, nous aussi à notre tour, les bêtises que font ces vieux, à la génération suivante, le Mali ne va pas s’en sortir. Croyons en nous, parcourons nos chemins et soyons ensemble pour un avenir meilleur.
Votre mot de fin ?
Nous n’avons rien que ce Mali. Si tu vides une bouteille d’eau, tu peux t’en acheter une autre. Si on détruit le Mali, on ne pourra jamais en acheter un autre. Partout où on ira, on sera appelé les réfugiés, il est temps qu’on ouvre les yeux et qu’on cherche le véritable ennemi du Mali, au lieu de se disperser pour des raisons inutiles.
Hatouma Traoré
Le SOFT