Le dernier rapport du Bureau du vérificateur général épingle la gestion financière et environnementale de la mine d’or de Syama, dans le cercle de Kadiolo (Sikasso). Elle concerne les années 2015, 2016, 2017, et 2018. Les irrégularités financières constatées par la mission sont estimées à plus de 227 milliards FCFA. |
Le Mali est un pays riche en or. Cet or qui constitue la principale ressource minière d’exportation n’a toujours pas été profitable pour la population. Classé 4ème producteur d’or au plan africain avec 49 tonnes de production en 2018, notre pays demeure à la traine. Après le bradage d’une importante quantité d’or par l’empereur Kankou Moussa lors de son pèlerinage à la Mecque en 1324, la mine de Syama est en train de bazarder à nouveau notre or. C’est du moins ce que l’on peut retenir du dernier rapport de la vérification de conformité du BVG: mise en œuvre de la convention d’établissement Société des mines de Syama (Somisy-SA).
Comment les populations riveraines sont exposées aux dangers environnementaux
Dans le présent rapport, on dénonce le manque de respect des normes environnementales par les sociétés des mines de Syama. Il s’agit des pratiques portant atteinte à l’environnement et au développement durable. Notamment le manque d’entretien des canalisations d’eaux usées, l’inobservation des normes au niveau du garage de la société sous-traitante, ZFM, le non-respect des modalités de gestion des rejets polluants dans l’atmosphère, le manque d’équipement du système d’épuration de gaz (poussières et fumées) des cheminées de la centrale électrique et de l’usine de production d’or.
La mission a également constaté que la nature et la quantité des déchets dangereux incinérés ne sont pas mentionnées dans les rapports annuels de 2015, 2016 et 2017. Pire, la mine ne fait pas de rapports circonstanciés sur les cas de dépassement de normes survenus. De plus, les rapports annuels ne font pas état des actions correctives mises en œuvre ou envisagées lors des dépassements de normes. Par ailleurs, aucune information n’a pu être fournie à la mission sur les résultats d’analyse des différents paramètres de pollution attestant les performances des équipements de traitement des polluants atmosphériques, précise le document.
La braderie d’une richesse nationale
A en croire le rapport du Vgal, les sociétés des mines de Syama sont caractérisées par des irrégularités financières. La mission a évalué le montant des irrégularités à 227 874 613 295 FCFA qui se présentent comme suit : le Président du Conseil d’administration de la Somisy-Sa a mis en place un emprunt non justifié pour le compte de la société pour 242 302 677 428 FCFA, tirés d’un emprunt irrégulier de 168 655 374 517 FCFA adossé à un accord non documenté signé entre les responsables de Resolute ML.
Cet emprunt de Resolute ML est constaté sur la base des seules inscriptions dans le compte “1851 Resolute interco non bloqué” de Somisy-SA. Malgré plusieurs demandes de la mission, la Somisy n’a fourni aucun document justifiant le montant inscrit en emprunt.
Le rapport indique aussi que l’Assemblée générale de la Somisy n’a toujours pas autorisé la distribution de dividendes à l’État, alors que la société a réalisé des bénéfices cumulés à hauteur de 356 828 155 198 FCFA en fin 2017. Le bénéfice distribuable de la période sous-revue est de 159 585 519 835 FCFA, dont 31 917 103 967 FCFA devraient revenir à l’État malien. Le directeur général de la Somisy n’a pas remboursé un emprunt auprès de l’État du Mali, alors que l’article 10 des statuts de la société stipule: “Les actionnaires peuvent mettre ou laisser à la disposition de la société toutes sommes produisant ou non intérêts, dont celle-ci peut avoir besoin. Les modalités de ces prêts sont arrêtées par accord entre le Conseil d’administration et l’intéressé”.
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Pire, épinglent les vérificateurs, le Directeur général de Somisy n’a toujours pas remboursé, à l’État malien, un emprunt figurant dans les états financiers de la société pour un montant de 2 719 334 414 FCFA avec des intérêts cumulés de 1 932 666 382 FCFA. Le montant total à rembourser à l’État du Mali s’élève à 4 652 000 796 FCFA. Comme si ceux-ci ne suffisaient pas, poursuit le document, le directeur général de la Somisy n’a pas payé la totalité de la patente et des droits connexes dus. A l’exception de son Bureau de Bamako, la Somisy-SA n’a pas calculé et payé la patente sur ses bâtiments administratifs. Et le montant total des droits compromis s’élève à 102 266 780 FCFA pendant la période sous revue dont 88 927 635 FCFA pour la patente, 4 446 382 FCFA pour la taxe de voirie et 8 892 763 FCFA pour la cotisation due à la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim).
Sur la dénonciation et transmission de faits par le Vérificateur général au président de la section des comptes de la Cour suprême et au Procureur de la République du Mali près le Tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier, la mission a estimé que celles-ci sont relatives à l’emprunt non justifié de 168 655 374 517 FCFA mis en place pour le compte de la Somisy-Sa, aux dividendes non distribués à l’Etat du Mali pour un montant de 31 917 103 967 FCFA, à l’emprunt non remboursé à l’Etat du Mali pour un montant de 4 652 000 796 FCFA, aux intérêts payés sur la facilité d’emprunt irrégulièrement mise en place pour un montant de 20 470 989 008 FCFA, à l’Impôt sur les sociétés dû sur les intérêts irrégulièrement déduits du résultat fiscal de la Somisy pour un montant de 2 076 878 227 FCFA, aux patentes et droits connexes non payés pour un montant de 102 266 780 FCFA. Ainsi, les dénonciations de faits au directeur général des impôts sont relatives à l’Impôt sur les sociétés dû sur les intérêts irrégulièrement déduits du résultat fiscal de la Somisy pour un montant de 2 076 878 227 FCFA, aux patentes et droits connexes non payés pour un montant de 102 266 780 FCFA.
De toutes les façons, précise la mission du Bureau du vérificateur général, ces irrégularités financières estimées à 227 874 613 295 FCFA seront transmises aux autorités judiciaires et fiscales. Ce, afin de mettre l’Etat et les citoyens dans leurs droits.
Oumar KONATE
La Preuve