Les populations maliennes, depuis un certain moment, sont frappées par une crise multidimensionnelle (institutionnelle, politique, sociale, sécuritaire, et morale profonde) qui a pris aujourd’hui une dimension inquiétante et dramatique. Une situation caractérisée par la menace de l’effritement de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale, la recrudescence de la violence intercommunautaire, les enlèvements d’individus et d’animaux, la destruction des maisons, de greniers et divers biens. Tout cela démontre à suffisance à quel point notre pays est dangereusement menacé.
Notre réaction se manifeste dans ce contexte national bouleversé par des événements dramatiques particuliers les uns plus marquants que les autres. Nous citerons entre autres les massacres à l’échelle génocidaire des populations civiles peulhs et dogons (KoulogonHabbé , Taghatert et Inekar-ouest, Ogossagou, Mondoro, Hèrèmakono, Gangafani et Yoro, Sobane Da) et le destin tragique des forces armées et de secutité (Dioura, Guiré , Ebanguemanef, Boni, Diafarabé, entre Douentza et Hombori. Boulkessi, Mondoro et Indelimane).
Dans le rang de l’armée nationale et des forces de sécurité, les cortèges de morts, de blessés par les mines, des victimes par engins explosifs improvisés, les embuscades, portés disparus, matériels détruits ou emportés par les groupes terroristes, se conjuguent au quotidien..
Dans un tel contexte, nous devons avoir le courage de désigner le mal par son nom. Car il arrive un temps dans la vie où une société doit cesser de se mentir à elle-même pour regarder les réalités en face et affronter la vérité dans toute sa nudité, dans toute sa crudité. Pour cela, nous invitons les puissances colonisatrices, les dirigeants politiques et leurs complices de la Société civile à méditer sur cette célèbre citation d’Abraham Lincoln : « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps « .
En effet, l’atmosphère dans laquelle intervient cet article est marquée par une vérité crue. Ces attaques lâches et ignobles, théâtre ahurissant de violence inouïe et inhumaine contre notre armée et la population civile des régions du nord et du centre, sont devenues de plus en plus insupportables pour le peuple malien, mais alléchantes pour les aventuriers aux desseins obscurs et inavoués : déstabiliser pour faciliter sa scission.
Derrière cette guerre déstabilisatrice se cachent de véritables enjeux géostratégiques. C’est la stratégie de la création d’un climat d’insécurité permanente dans certaines parties de notre pays afin de réduire la présence de l’Etat et l’armée, afin de nous maintenir dans la régression économique. Mieux encore, nous distraire de l’essentiel qui est le principal enjeu : la défense de l’intégrité territoriale, de la souveraineté nationale et de la stabilité collective.
Déstabiliser pour contrôler les richesses et œuvrer pour mieux consolider l’existence des groupes identitaires et religieux, l’institution des Etats nains et des républiques groupes-armés à travers une campagne d’intoxication médiatique outrancière de négation de la souveraineté du Mali.
L’opinion malienne est aujourd’hui dépassée, abasourdie et ébaudie par le comportement abject et irresponsable de certains responsables occidentaux après les drames de nos forces de défense et de sécurité. Pour preuve, comment peut-on qualifier cette déclaration du Ministre français des affaires étrangères Alain Jupé après le massacre et l’éventrement de dizaines de soldats maliens à Aguel hoc : » a rébellion touareg a engrangé un grand succès » ?
Apres cette insulte directe et frontale, nous exprimons aujourd’hui nos vives préoccupations face à la visite inopinée de la ministre française des Armées Florence Parly après le carnage de l’armée malienne à Indelimane, annonçant comme consolation la mort d’un chef terroriste au Sahel Abou Abderahman al-Maghrebi, alias Ali Maychou (GSIM) dans la nuit du 8 au 9 octobre par les forces françaises d’une part, et l’envoi d’une force spéciale européenne baptisée « Takouba » ou » sabre » en langue Tamashek d’autre part.
Après une analyse approfondie de ces deux nouvelles, nous constatons que le gouvernement français n’est pas guidé par la seule préoccupation de venir en aide et au secours du peuple malien. Ce genre de charité n’a jamais été de mise. Dans l’immédiat, ces déclarations soulèvent des interrogations.
Pourquoi attendre un mois après pour nous annoncer la mort d’un chef terroriste, dans la nuit du 8 au 9 octobre, comme exploit de l’armée française seulement après le carnage d’Indelimane ?
La ministre des Armées a aussi ajouté le déploiement prochain de forces spéciales européennes pour épauler les unités locales et les militaires de Barkhane dans leur mission. Cette unité de forces spéciales européennes se nommera » Takuba « , qui signifie » sabre » en Tamashek. Le choix du sabre et le choix de la langue Tamashek sont assez révélateurs. Ce sera-t-il le sabre qui armera les forces armées maliennes sur le chemin de l’autonomie et de la résilience ou le contraire ?
Si le rôle spécifique des forces spéciales européennes est la formation des forces maliennes, pourquoi donc la Mission de Formation de l’Union Européenne au Mali en abrégée EUTM-Mali? Les expériences ont malheureusement montré que les programmes de formation des forces maliennes n’ont pas été aussi satisfaisants qu’on l’espérait car les revers subis récemment en témoignent.
Pour un déploiement des forces spéciales européennes, on n’a pas entendu le parrain des équipements de » Takouba » ni leurs effectifs, encore moins un chronogramme détaillé, mais seulement en 2020. Donc, est-ce après accomplissement d’un agenda caché ?
» Takuba » complète Barkhane d’après la ministre. Est-ce à dire que Takouba aura un rôle offensif contrairement à Barkhane ?
La persistance d’une guerre contre le terrorisme résiduel, alimentée et soutenue par des amis-ennemis obligera notre pays à investir une grande partie de son budget pour supporter l’effort de guerre à travers l’achat d’armements ferrailles auprès de leurs entreprises, et le surendettement vertigineux du Mali à travers des aides-carcans; tels sont leurs objectifs.
Malgré l’installation effrénée, incontrôlée et abusive dans notre pays des forces étrangères » de soutien » avec des arsenaux de guerre sophistiqués inimaginables, le peuple malien, dans sa totalité, ne voit pas la plus-value de la présence de ces bases militaires étrangères. Parce que chaque jour que Dieu fait, notre pays est victime d’attaques ignobles, de massacres à grande échelle avoisinant le génocide des populations civiles et militaires. Aussi, malgré cette présence massive au Mali des plus grandes armées du monde, les groupes terroristes montent en puissance et endeuillent davantage nos familles. Ces attaques meurtrières contre nos forces de défense et de sécurité pourraient être évitées si toutefois il y avait un soutien réel, une franche collaboration dans l’information, le renseignement et la communication des armées étrangères avec nos forces de défense et de sécurité. Hélas, tel n’est pas le cas. La MINUSMA et BARKHANE, au lieu d’être des forces d’alerte, d’anticipation, et de combat avec un mandat offensif robuste précis sont devenues des forces pyromanes d’observation et ne paradent qu’après un carnage à l’échelle génocidaire, un désastre comme Boulkessi et Indelmane.
La lutte contre le terrorisme est devenue un prétexte pour l’ancienne force colonialiste et les forces étrangères de s’installer durablement chez nous au Mali. Notre pays est fortement éprouvé. C’est dans ces moments d’épreuves et dans ces circonstances particulièrement graves où la stabilité et l’existence de notre pays sont en jeu que notre seule réaction devrait être l’union sacrée autour de notre vaillante force armée, derrière ces hommes et femmes qui ont choisi de nous défendre et de défendre le Mali tout entier, au prix de leur vie.
A cet effet, permettez-moi de vous rappeler les efforts multiples et les faits de gloire dont font preuve nuit et jour nos vaillants soldats sur les fronts de guerre pour la défense de l’intégrité territoriale et la stabilité collective. Ainsi, il vous souviendra que nos vaillantes Forces de Défense et de Sécurité ( FAMa) ont toujours bravé les intempéries, les forêts, les montagnes, les fonds des grottes, les sables incandescents des déserts, les torrents et les bords embourbés de fleuves et marigots, et les labyrinthes des villes et campagnes à la recherche des ennemis de la paix pendant que nous vaquons à nos activités quotidiennes. Ces FAMa se sont battues contre vents et marées dans la tornade, comme sous les pluies, afin de garantir à notre pays sa souveraineté et son indépendance mieux nous permettre de vivre en paix, dans la stabilité collective, cela malgré les conditions à la fois matérielles et financières peu satisfaisantes mises à leur disposition. C’est le lieu pour nous de rendre hommage et gloire à ces vaillantes forces de défense et de sécurité pour tous les sacrifices inimaginables dont ils font montre nuit et jour.
Vous conviendrez avec moi qu’aucune nation jalouse de son indépendance, de sa dignité et de sa souveraineté, ne saurait accepter de sous-traiter délibérément la sécurité de ses citoyens même au prix de n’importe quel défi ! Le sursaut national de tout le peuple malien doit être de mise partout et par tous.
La stratégie de l’ancien colonisateur français c’est d’œuvrer pour la putréfaction de la situation à travers des actes pyromanes afin de faire voter à l’ONU une résolution proclamant l’indépendance d’une République-rebelle. Que ces ennemis du Mali sachent que ceux qui veulent préparer l’opinion à l’éclatement du Mali, en vérité, perdent leur temps parce que les Maliens sont déterminés et tournés résolument vers le redressement de leur pays, et tous ensembles, ceux du Nord comme ceux du Sud. Et rien ne saurait distraire le peuple malien qui a acquis chèrement son indépendance et s’est résolu de mourir plutôt que d’assister à son effritement, à sa dislocation, à sa perte.
Devant ces épreuves douloureuses qui interrogent, une fois de plus, notre responsabilité individuelle et collective dans la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, nous voudrions, au nom de tous les acteurs de la société civile et de toutes les forces vives de la nation présenter nos sincères condoléances, notre compassion et notre solidarité à toutes les victimes, maliennes et étrangères ainsi qu’à leurs familles .
Par la même occasion, nous souhaitons prompt rétablissement aux blessés dont certains porteront à vie les stigmates de cette barbarie aveugle avec comme unique dessein : transformer la terre hospitalière malienne en une terre de drame sans nom, en terre d’anarchie et d’apocalypse.
En ces moments de recueillement qui appelle à l’Union Sacrée du Peuple contre un ennemi commun, nous réaffirmons notre soutien total et indéfectible à nos vaillantes Forces Armées et de Sécurité dans l’exercice de leur mission régalienne de sauvegarde de l’intégrité territoriale du pays et de la protection des personnes et de leurs biens. Que Dieu Tout-Puissant sauve notre grand Mali ; Amine !
Président du Collectif des Associations Musulmanes du Mali