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Togo: Faure Gnassingbé gouverne, l’armée règne. Fin d’une arrogante mendicité politique

Marasme économique, marasme sociale, marasme politique, de père en fils, le Togo baigne dans de vils extrêmes. Que ce soit dans la gestion des biens publics, de la politique ou de l’armée, l’action des éléments incontrôlés n’est plus une exception, mais une règle.

Loin d’abdiquer, la fratrie des Gnassingbé s’accroche à son bilan. Aux yeux des témoins de l’Histoire que nous sommes, ceci vaut tout au moins une dénonciation. Le pays baigne dans un sentiment ambigu de la paix des cimetières, un parfum de violence et de mort dans un Etat qui a entamé depuis belle lurette un processus accéléré de dépérissement avec une nation qui se disloque au même rythme.

A Faure Gnassingbé et son cercle, il ne reste qu’un orgueil dérisoire et suicidaire. Le temps où ils pouvaient jouer les uns contre les autres pour abuser des populations est bien derrière. Après avoir dévoré les berceaux du nationalisme togolais de ses méthodes, la dictature mendie, et avec arrogance, une impossible survie politique. Pour y parvenir, elle se donne les moyens de sa politique, l’armée. Quelle armée ? Une armée morte qui, à cheval entre opérette et tragédie, risque de perdre la face avec le régime tout comme une hernie qui se fait enterrer avec sa victime.

Une mendicité politique arrogante

Un président, c’est celui qui sait comprendre la frustration de son peuple. Le père Gnassingbé Eyadema, jusqu’à « la catastrophe nationale », a démoli de sa main gauche ce qu’il avait construit de la droite. Lorsque l’argent du phosphate et autres minerais renflouaient les caisses, du haut de sa gloire, il n’a pu offrir au pays que des éléphants blancs : raffinerie du pétrole, usine de Datcha, Togo-fruit, Togo-grain…, la liste de ces usines créées au prix des yeux de la tête et qui ont mis la clé sous paillasson est longue.

Aux zones minières, le régime prenait tout sans rien construire en retour. Amer d’une démocratie mal digérée, la dictature a amorcé une désindustrialisation, une stagnation dans la construction des infrastructures, une déliquescence des voies de communication, le recul de l’agriculture, et tout s’effondre.

Le père de la Nation s’est servi de l’avènement de la démocratie pour trouver tous les arguments afin de se construire un trésor de guerre au dos des caisses de l’Etat. L’image d’Eyadema, surtout peu avant sa mort, était alors en déclin avancé dans l’opinion. Tout était en déconfiture quand le vieux s’en est allé. « Bon débarras», dira un camp, « catastrophe nationale » renchérie l’autre, c’était un deuil qui ne fera pas l’unanimité.

Mais ici, commence la spirale d’un déclin avec le fils. Ce dernier n’a pas encore compris que pour les togolais, son avènement est un affront collectif à laver un jour ou l’autre. Mieux, il projette battre le record de longévité du père en étalant sa natte dans la durée. Contrairement à « papa », le fils n’a rien construit pour qu’on parle de déconstruction. Il s’attaque alors aux valeurs même de la République. Le pays est miné par l’affairisme, même son armée jadis intègre n’est pas épargnée. Les agents de l’Etat peuvent s’autoriser des affaires. Une loi est votée à ce titre.

Faure Gnassingbé et sa minorité s’invitent au sommet de toutes les grandes corruptions, l’Etat s’est effondré, la Nation dans le coma. Tout s’effondre : société d’Etat, exploitation minières, du passage du fils du père, la République n’enregistre que l’endettement. Un gangstérisme financier s’installe. Le fils qui déjà hérite d’une descente aux enfers unique en Afrique occidentale n’a pu rien faire pour être différent de son géniteur. Et pourtant, Faure avait quémandé une rallonge du pouvoir de son père afin, plaidait-il, d’éviter la chasse aux sorcières, de stabiliser le pays et de réparer les errements du passé. Rien de tout ceci, la chasse aux sorcières, c’est d’ailleurs dans la famille Gnassingbé qu’elle a de l’avenir. Stabiliser le pays, disait-il, mais le Togo sous Faure est devenu l’épicentre d’une instabilité régionale.

C’est en cette période qu’une opposition, sclérosée par les méthodes de la dictature et découragée par l’indifférence de la communauté internationale, reçoit du sang neuf. Une nouvelle génération de leaders, avec un Tikpi Atchadam en tête, apporte du souffle nouveau à la lutte de libération. Un dialogue s’y invite et prend vite du plomb dans l’aile parce qu’un clan continue à croire que c’est un crime de lui disputer le pouvoir. Pendant qu’il fait marcher la diplomatie des mallettes, il crée des difficultés aux médiateurs du dialogue.

Monsieur Faure Gnassingbé va beaucoup utiliser ses six mois à la tête de la CEDEAO et le mandat de son beau- frère Marcel de Souza, à la commission du même regroupement communautaire, pour influer sur la situation. Mais depuis un temps, l’ère du sieur Marcel, désormais conseiller à la présidence togolaise auprès de son gendre, est bien révolu. Il a passé la main au ministre ivoirien des finances. D’ici quelques jours, donc début juin, la CEDEAO aussi va passer la main. Le Géant Nigérian aura la destinée du regroupement communautaire. Nos indiscrétions croient savoir qu’une feuille de route, si elle n’est pas déjà brandit à la dictature, finira par être imposée au Togo.

Aussi longtemps que le Togo et les togolais ne vivent pas en autarcie et qu’ils appartiennent à un regroupement qui se nomme CEDEAO, il est souhaitable d’imposer aux protagonistes togolais ce que leur président Faure est allé imposer à la Guinée-Bissau. En cela, si l’option d’une feuille de route se confirme au Togo, ce ne sera que justice rendue à un peuple. Dès publication de cette analyse, les griots de l’ordre ancien diront que cela sera une ingérence, car le Togo est un Etat indépendant. Oui, mais la Guinée Bissau n’était pas une province de la CEDEAO, moins encore du Togo, quand Faure Gnassingbé du haut de sa monarchie, non seulement l’imposait une feuille de route, mais aussi, ironie du destin, prenait des sanctions ciblées contre ses personnalités : « Les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ont mis en œuvre des sanctions individuelles contre les personnes ou organisations qui entravent le processus de sortie de crise en Guinée-Bissau », fin de citation.

Le palais de la Marina a vanté cette initiative, conduite par Lomé, comme un succès diplomatique. Monsieur Faure nourrit l’espoir de continuer à gouverner de force en se servant de son armée comme épouvantail. Mais qu’il se détrompe. A moins que, pour la CEDEAO, les togolais soient des sous-hommes contre qui on peut tolérer tous les abus, il faut que l’on arrête avec les sentiments, nous croyons savoir que les signaux sont donnés. Il est fort possible, par exemple, qu’on impose à monsieur Faure Gnassingbé et à son opposition, pour l’intérêt des togolais et de la stabilité sous régionale, la nomination d’un Premier Ministre.

En Guinée, pays sous un régime semi-présidentiel où le Premier Ministre est l’homme fort, le président était contraint de choisir son chef du gouvernement sur une liste de trois noms issus de l’Opposition. Il est fort possible que dans les jours à venir, une transition, qui sera chargée des reformes que le régime a refusé de faire, ouvre son compteur au Togo. Pendant ce temps, sous la supervision d’une force sous régionale, monsieur Faure gardera sa place le temps que cette transition finisse par une élection crédible où il n’est pas candidat, quitte à accorder au parlement une rallonge jusqu’aux prochaines élections.

La CEDEAO peut aussi faire organiser les élections de concert avec l’ONU, Organisation des Nation Unies. Ceci ne sera pas du jamais vu au Togo. En 1958, notre pays en a fait l’expérience. Dans beaucoup de pays en difficulté, l’organisation continue par s’inviter au besoin. Ces élections seront alors organisées au Togo de façon à ce que les institutions traditionnelles de fraude n’aient aucun rôle à jouer. Donc avec toutes les garanties de transparence, et, dans ce cas, le champion du RPT-UNIR est libre de se présenter. Tout ceci sous la sentinelle d’une force militaire sous régionale. On verra bien si monsieur le président élu, le plus ‘’populaire’’ des Togolais, aura le courage de se présenter. S’il se confirmait que l’instance régionale opte pour un de ces schémas ou même un troisième qui nous échappe, elle n’aura rien fait si une force militaire neutre ne joue pas la sentinelle. Il n’est pas assez de marteler que le problème du Togo c’est son armée.

Les Togolais ont été témoins de comment l’armée a déstabilisé la transition née de la conférence en 1992. Le problème du Togo est que quelqu’un veut tricher l’autre. Et quand une force neutre vient pour rétablir une injustice, elle ne le fait pas avec les discours, elle le fait avec des actes, car il existe bel et bien un camp qui est en train d’écraser un autre. Il a suffi d’une seule crise postélectorale en Gambie pour que la CEDEAO montre ses dents et se fasse respecter en chassant le dictateur. Déjà à l’époque, le Togo et la Gambie étaient les deux enfants malades de la région.

Au Togo, les crises de ce genre se sont déjà assez multipliées. Mieux, il est temps que tous ces regroupements, ces personnalités africaines et autres dits opinion internationale, qui ont aidé monsieur Faure à remplacer son père dans le sang, corrigent cette injustice faite aux Togolais. La crise actuelle en Guinée-Bissau est de loin moins grave que celle que connait le Togo, mais la CEDEAO a sifflé la fin, alors jusqu’où la politique sous régionale de deux poids deux mesures va continuer ici? La CEDEAO fait trop de sentiment avec le Togo. Et cette situation autorise Monsieur Faure Gnassingbé à se comporter envers son peuple comme si son père avait inventé cette République. Et pourtant, l’histoire n’a pas fini d’enseigner que notre pays est indépendant en 1960 à un moment où Eyadema Gnassingbé combattait aux côtés du colon français contre les indépendantistes.

L’Afrique mérite mieux que ça quand on sait que ce continent est le berceau de l’alternance. Inutile de parler de la tradition de l’alternance en Egypte antique et dans certains royaumes africains où, depuis la nuit des temps, un chef a une durée de vie limitée à l’aune de la tradition. Dans l’Etat de Borno au Nigeria par exemple, les documents d’histoire enseignent que le chef traditionnel se donne la mort chaque sept ans pour faire place à un autre chef au nom de l’alternance. Maintenant, la tradition a évoluée et il est possible à un chef de se faire une nouvelle vie après le trône. L’alternance n’est donc pas une invention européenne pour qu’on ait des difficultés à l’adapter aux Africains. Les petits Mussolini qui pourrissent la vie à leur peuple doivent le savoir.

Le rôle trouble d’un noble corps de métier

Si le régime en place, du haut de sa gouvernance par procuration survit, c’est bien grâce à une armée qui, comme il l’a créée, maintient ce régime avec la baïonnette. L’état gouverne, l’armée règne, c’est de ça qu’il est question. Mais les signes d’une gestion en phase terminale, ne peuvent tolérer notre mutisme encore que la monarchie ne compte pas s’arrêter en si ‘‘bonne route’’.

Au Togo, la dictature se comporte comme si, en politique, tout part d’une armée et revient à elle. S’il existe une dictature africaine qui a le plus inspiré notre fratrie dirigeante, c’est bien celle de Mobutu. La fin de ce Monsieur était riche en enseignements. Mais cela ne semble pas assez pour nous imposer un minimum d’éthique. Puisque « chaque Napoléon a son Waterloo », il y a des symptômes qui ne trompent pas et nous nous faisons le devoir d’en parler. L’armée, puisque c’est d’elle qu’il est question, sous Mobutu était sous-payée, elle n’avait pas de plan de carrière. Mal commandée, le soldat était devenu la racine du mal de son pays. Selon qu’un soldat soit loin ou proche de Mubutu, il peut être un généralicime sans commandement ou un caporal avec tous les commandements. A cause d’une discipline de couvent, à défaut de s’en prendre à son supérieur, le corps habillé déverse sa bile sur les populations civiles qu’elle est censée protéger.

A chaque fois qu’il y a des soucis dans les garnisons, ce sont les populations civiles qui payaient les frais : rafles, pillages, crimes et autres abus dignes d’une dictature. La formule a marché jusqu’à un moment donné. Cette méthode qui ne tient qu’à mettre en marche l’instinct de conservation ne sera qu’éphémère. Au Togo, notre surprise est de constater les mêmes méthodes à un moment où la classe dirigeante, qui se sert des corps habillés comme son bras armé, traverse la dèche, un moment où un mécontentement généralisé finit par avoir raison des discours et propagandes qui constituaient le programme politique de certains.

Notre force ‘‘républicaine’’, si elle mérite encore ce qualificatif, est téméraire dans ses pratiques pourtant révolues avec une démocratie. Mais jusqu’où cela peut tenir ? Nulle part au monde, une armée n’a été un allié sûr pour les dirigeants, nulle part elle n’a gagné une guerre contre son peuple. Ceux qui l’ont instrumentalisé au nom d’un régionalisme, l’ont appris à leur dépends. Quand elle est donc instrumentalisée, elle a ses revers, puisqu’elle est née pour être au milieu. Et quand elle est au milieu, elle n’accepte pas certaines dérives. D’où un pouvoir politique qui ne fait rien pour s’attirer l’estime du peuple si ce n’est de s’assoir sur une armée instrumentalisée est un pouvoir assis par terre. Au temps fort de sa gloire, c’est feu Mubutu du Zaïre qui a enseigné les méthodes militaires, politiques, voire culturelles obsolètes au Togo. Il était fière d’avoir une main mise sur son armée grâce à une instrumentalisation régionale et il souhaitait que la méthode se panafricanise.

Mais 32 ans après, au soir de sa gloire, au moment où il compte s’appuyer le plus sur elle, son armée est déjà « une armée morte ». Oui, l’armée zaïroise était morte de ce que les confrères de jeune Afrique ont désigné par «Ngbandisation». Le ‘‘ngbandis’’ est l’ethnie de Mobutu. Avec lui, les promotions sont canopées et dépendantes du zèle, des proximités régionales. Les idées ou les origines régionales suffisent pour rendre suspects un élément. Mais à l’époque, il faut dire que la fibre ethnique aidait aussi le politique à se faire une santé. Actuellement, on se réjouit que notre pays ait dépassé ces considérations. Le Kabyè n’est plus un problème pour le Tem, le Tem pas pour un Tchokossi, le Tchokossi non plus pour un Mina… . C’est plutôt une question de confiance, dans notre armée, on peut être de la même ethnie et ne pas se faire confiance.

Pour retourner au Zaïre, nous dirons que, « Au nom de l’armée zaïroise », le chef d’Etat-major faisait lire pendant la conférence nationale que « les FAZ, Forces Armées Zaïroises, ne sont pas la propriété d’un individu ou d’un clan, mais « de la nation toute entière ». Trois jours après, cela lui a valu un limogeage et une mise en observation loin des affaires militaires pendant des années avant qu’il ne soit rappelé comme ultime recours. Actuellement, pour avoir soutenu dans un message WhatsApp que « si le Togo avait deux ou trois Atchadam, tout le monde sera déjà heureux », un militaire togolais serait rappelé de sa mission au Mali par un vol spécial et mis aux arrêts au camp RIT.

Pour qui a connu la fin de règne de la dictature de Mubutu, on dirait que les signes de fin du dictateur déchu sont à la mode avec les héritiers de son disciple Eyadema. Dans toute dictature, quand une armée devient un environnement d’hommes d’affaires, les hommes de terrain se font de plus en plus rares et « les officiers d’ordonnance repus » sont les plus présents. Alors disparait l’éthique. Plus les grands s’enrichissent, plus les petits s’appauvrissent. Or dans un corps aussi organisé qu’une armée, où on exécute avant de réclamer, il faut bien que l’un garde, par devers lui, la part de l’autre pour être riche. Le discours qui voulait qu’un citoyen embrasse le métier des armes par vocation et non pour s’enrichir est bien un vieux message.

Avec le défunt léopard, tout se faisait pour que l’armée soit un outil à ses services, les officiers lui servent et se servent eux-aussi. C’est ainsi qu’une aide financière de Jonas SAVIMBI, destinée à acheter les armes contre les AFDL, ne sera utilisée qu’à moitié, les officiers se sont servis. Quand les carottes étaient cuites et que le dictateur s’enfuyait, il a aussi ordonné à l’armée, la veille, une gigantesque opération de ramassage des devises disponibles dans Kinshasa. Chacun a pris sa part au passage et la somme remise en liquide au président est très loin de correspondre à ce qu’il attendait, à peine la moitié de la collecte. Quand est venu le temps d’un sursaut de patriotisme pour un ultime coup afin de « sauver l’honneur » de monsieur le président, son armée était déjà morte de ses méthodes. Hier l’armée de Désiré Mubutu a été victime de ses comportements face à ses populations et la rébellion de Kabila en a tiré profit. A chaque fois que les rebelles s’annonçaient dans une ville, les soldats du dictateur, une banderole blanche à la tête en signe de reddition, pillaient pour s’en fuir pendant que les populations applaudissent les AFDL.

Au Togo, c’est une feuille de route coercitive de la sous-région qui aura raison de ces méthodes sectaires de notre armée. Parlant de cette rébellion qui a eu raison de Mubutu, le confrère jeune Afrique raconte. « Alors que l’ennemi est proche, le chef d’Etat-major Mahélé, devant ses unités demande : « Ceux qui veulent se battre, à ma gauche ; ceux qui veulent se rendre, à ma droite ! ». Sans mot dire, la quasi-totalité des soldats se rangent à sa droite. Ne demeurent, de l’autre côté, que les Rwandais des ex-FAR, Forces Armées Rwandaises, et les mercenaires serbes ». « Cette armée en déroute n’est pas la mienne, c’est celle d’un clan », va-t-il pesté. Et pourtant, elle est bien zaïroise. Aujourd’hui au Togo, il n’a aucune rébellion en face. C’est une population les mains nues, du maïs, comme ils le disent. Mais l’armée de monsieur Faure fait usage des méthodes de guerre qui vont lui être d’un irréparable préjudice.

Présentement au Togo, ce sont les Rwandais et les Israéliens qui sont les derniers cercles de la sécurité au sommet. Dans une dictature en phase finale, la méfiance est le sentiment le plus partagé, et à partir de ces moments, au sein de l’armée, elle-même, aucun corps ne fait confiance à l’autre. Une force organisée sur ces bases ne peut que courir à sa perte. A moins de changer de comportement, l’armée togolaise est en train de rompre son contrat avec le peuple. C’est ce qui était arrivée au vieux léopard.

Une armée, ce n’est pas une force organisée qui hante le sommeil des populations. Ce n’est pas une équipe de rafles qui torture les populations et saisi leur engins roulants, motos et voitures. Ces engins, s’ils ne sont pas portés-disparus, ils les bourrent de sel pour faire couler les moteurs et endommagent leurs installations électriques avant restitution aux propriétaires des semaines après. Cette sauvagerie est connue des agents du SRI, les victimes savent de quoi nous parlons. Une armée, ce sont des bataillons chapeautés par des officiers craints et aimés de la population, que reste-t-il de cet héritage au Togo ?

La population respecte son armée par peur ou par estime ? Lorsqu’une déconfiture atteint un certain niveau, elle n’épargne rien. Quand Mubutu s’enfuyait du camp Tchatchi pour Gbadolité le 16 mai 1997, ce ne sont pas les rebelles qui ont fait disparaître les passeports du couple présidentiel à l’aéroport de Ndjili, c’est bien les éléments de la DSP. Quand le président, déjà grabataire à 66 ans, décollait encore de Gbadolité, son fief supposé, pour Lomé à bord d’un Antonov conduit par des Ukreniens, ce ne sont pas les rebelles qui tiraient sur lui à la Kalatchnikov, c’est bien ses propres éléments du camp voisin de Katakoli : « Même les miens me tirent dessus, je n’ai plus rien à faire dans ce pays, ce n’est plus mon Zaïre». C’est ce qu’ont publié les confrères de jeune Afrique comme information. L’entourage de Mobutu et les généraux ngbandis sont devenus pour lui, à une période donnée, beaucoup plus dangereux que l’AFDL de Kabila. Le général Wezago, qui a tiré sur Mahele n’était pas un rebelle.

Conspirateur dans un environnement en quête de stabilité ?

De père en fils, du Burkina au Ghana en passant par le Bénin pour toucher le Nigeria, ils sont rares les coups de force où la dictature togolaise n’a pas sa touche. Même les rébellions qui ont longtemps déstabilisées certains pays ont eu Lomé pour base arrière. Quand en désespoir de cause, le maréchal Mubutu, militairement défait, voulait utiliser les armes de Savimbi, pour un ultime combat, son aide de camp le colonel Mutoko lui a tout simplement répondu : « Depuis que votre neveu, le major Movoto Sese, les a planquées quelque part en Afrique de l’Ouest avec votre accord, il n’y a plus rien ».

Plus loin, on retient qu’au moment de la débandade au Zaïre, « plus de soixante-dix malles et cantines sont partis pendant la nuit dans des véhicules embarqués à bord d’un Antonov 124 venu chercher, à Gbadolite, des chars de combat destinés à Jonas Savimbi ». Afin d’échapper à l’opération de désarmement menée en Angola sous les auspices de l’ONU, l’UNITA avait caché des armes avec Mubutu à Gbadolité. « Quelque part en Afrique de l’ouest » dont parle tantôt l’aide du camp n’est pas loin de nous, suivez mon regard. Aux derniers moments d’Eyadema, le rebelle angolais ne se faisait pas discret à Lomé II, et cela est l’origine d’un éternel différend entre le Togo et l’Angola.

Quand une dictature commence par croire que son devoir n’est pas de développer le pays mais de conserver un pouvoir, ce sont des relations compromettantes qu’elle tisse. Voilà comment entre déstabilisation des régimes voisins et soutiens aux rebellions, une liaison incestueuse était entretenu entre dictateurs. Mubutu a été le pivot de la déstabilisation de l’Afrique centrale, puisque son pays est riche, les USA et la France s’en sont débarrassés. Kadhafi jouait le même rôle au Sahel, la France est intervenue, même si le débat reste ouvert. Pour l’Afrique de l’Ouest, le régime de Lomé II fut ce qu’était Kadhafi au Sahel et Mubutu de l’autre côté.

Le Togo est cité dans la déstabilisation des autres pays parfois en accointance avec les djihadistes, le cas récent du Burkina. L’un des plus petits de la région, il contribue à peine aux cotisations communautaires à la CEDEAO ; le plus endetté, il est aussi celui qui se présente toujours avec des problèmes à résoudre. Ce pays est devenu un cas social géré par la dictature la plus vieille d’Afrique, si personne ne veut s’en charger, le jour où cette bande de territoire va dégager des odeurs pestiférées, ces odeurs iront bien loin chez les voisins.

Abi-Alfa

Source27 avril.com

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