Ogassougou (Mali), Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a promis lundi la sécurité et la justice à Ogossagou-Peul, village du centre du pays où quelque 130 Peuls ont été tués samedi par de présumés chasseurs dogons, devant des habitants encore hantés par des scènes atroces.
Cette tuerie, dans la zone de Bankass, près de la frontière avec le Burkina Faso, est la plus sanglante au Mali depuis la fin des principaux combats de l’opération lancée en 2013, à l’initiative de la France, pour chasser les groupes jihadistes qui avaient pris le contrôle du Nord.
“Il faut la sécurité ici, c’est votre mission”, a déclaré M. Keïta à l’intention du nouveau chef d’état-major, le général Aboulaye Coulibaly, qui l’accompagnait dans le village, a rapporté un journaliste de l’AFP.
Le général Coulibaly a été nommé dimanche à la suite du limogeage des principaux chefs de l’armée, lors d’un conseil des ministres extraordinaire au cours duquel le gouvernement a prononcé la dissolution du groupe de chasseurs dogons “Dan Nan Ambassagou”.
“Justice sera faite”, a promis le chef de l’Etat.
La désolation régnait lundi dans le village, aux maisons calcinées et au sol jonché de cadavres d’animaux. “Je n’ai jamais vu ça. Ils sont venus, ils ont tiré sur les gens, brûlé des maisons, tué les bébés”, raconte à l’AFP Ali Diallo, un vieillard de 75 ans dont les propos sont traduits en français par un proche.
Depuis l’attaque, de nombreuses photos circulent sur les réseaux sociaux, dont certaines ont été authentifiées par la principale association peule du Mali, Tabital Pulaaku.
On y voit notamment l’intérieur d’une case brûlée avec les corps d’enfants totalement calcinés et à l’entrée, un homme tué à coups de machette, gisant dans une mare de sang.
Selon les témoignages d’habitants et d’élus locaux, les assaillants, en tenue de chasseur, ont d’abord attaqué une position où étaient cantonnés des combattants peuls, dans le cadre du processus de “désarmement, démobilisation et réinsertion” (DDR) de membres de groupes armés.
– Un célèbre marabout tué avec toute sa famille –
Puis ils se sont dirigés vers la maison d’un célèbre marabout, Bara Sékou Issa, qu’ils ont tué avec toute sa famille, ainsi que 18 déplacés qu’il hébergeait, a raconté à l’AFP Bara Dicko, un villageois joint par l’AFP de Bamako.
“C’est après qu’ils ont attaqué le village, ils ont versé du gasoil sur les cases, les greniers et les hangars, après ils ont mis le feu”, tuant à coups de machette ceux qui tentaient d’échapper aux flammes, a-t-il poursuivi.
Bara Dicko, qui se trouvait à la sortie du village avec ses bêtes, a dit avoir réussi à prendre la fuite, pour ne revenir au village qu’après le départ des assaillants. “Mes parents sont morts, ma soeur avait été jetée dans le puits, on l’a fait sortir avant d’alerter les gens”.
Depuis l’apparition il y a quatre ans dans le centre du Mali du groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, qui ont créé leurs propres “groupes d’autodéfense”.
Ces violences ont coûté la vie à plus de 500 civils en 2018, selon l’ONU.
La procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a condamné lundi dans un communiqué des “attaques barbares au cours desquelles plus de 130 civils innocents, dont des femmes et des enfants, auraient été massacrés et des dizaines d’autres grièvement blessés”.
“Mon bureau est en contact étroit avec les autorités maliennes, notamment dans le cadre de ces événements signalés récemment”, a-t-elle indiqué au sujet de cette attaque, qui s’est produite en pleine visite du Conseil de sécurité de l’ONU au Mali et au Burkina Faso voisin.
Mais à Bamako, le président de la jeunesse de l’association Tabital Pulaaku, Hamidou Dicko, a accusé les autorités d’inertie. “On alerte, on informe le Premier ministre, le ministre de la Défense et de la Sécurité et le gouverneur de la région de Mopti, mais ils font absolument rien. Ils attendent après pour venir compter le nombre de morts”, a-t-il déclaré à l’AFP.
De son côté, Hamidou Ongoiba, vice-président de l’association Ginna Dogon, qui promeut la culture dogon, a appelé à ne pas “ethniciser ces victimes”.
“Pour nous, tous ceux qui sont dans la zone, particulièrement ce qu’on appelle +le pays dogon+, pour nous qu’ils soient de n’importe quelle ethnie, ce sont des victimes maliennes”, a-t-il dit à l’AFP.
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AFP