New York, 25 septembre 2019
Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement, Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames, Messieurs,
En prenant la parole devant cette auguste assemblée, un devoir m’incombe, d’entrée de jeu : c’est celui de vous transmettre les salutations fraternelles et amicales de l’ensemble du peuple du Mali, de Kayes à Kidal et de Taoudéni à Sikasso.
Je voudrais ensuite adresser mes chaleureuses félicitations et mes vœux de pleine réussite à vous, Professeur Tijjani Muhammad-Bande, de la République fédérale du Nigéria, qui avez été élu pour présider à cette session et vous donner l’assurance que la la coopération pleine et entière du Mali vous est acquise.
Je voudrais également saluer, Mme María Fernanda Espinosa Garcés, de l’Equateur, pour avoir dirigé l’Assemblée générale au cours de sa 73e session avec un talent qui aura été remarquable.
Comment pourrais-je, à l’entame de mon propos, ne pas saluer le Secrétaire général, mon cher ami Monsieur Antònio Guterres, dont l’engagement en faveur de la réalisation des idéaux de paix, de sécurité, de développement et de respect des droits de l’Homme brille toujours de mille feux ?
Monsieur le Président,
Notre présente session sera marquée, entre autres temps forts, par la célébration du 75e anniversaire de la création des Nations Unies.
Pour le Mali, occasion ne peut être plus belle que cette célébration pour réaffirmer notre attachement aux valeurs, buts et principes de la Charte des Nations Unies et notre conviction que seule une action collective et concertée nous permettra de relever les multiples défis de notre temps et d’atteindre nos objectifs communs de paix, de sécurité et de développement pour tous. Ceci est particulièrement vrai eu égard à la thématique de notre session, à savoir l’éradication de la pauvreté, l’éducation de qualité, l’action contre le changement climatique et l’inclusion. Il n’est rien de plus urgent que d’intensifier nos efforts dans ces domaines si l’on veut s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité dans certains de nos pays.
Monsieur le Président,
Dans l’Histoire, il n’est guère de nation dont la trajectoire n’ait été émaillée de moments difficiles. Le Mali en fait aujourd’hui la douloureuse expérience, lui qui, depuis janvier 2012, fait l’objet d’une menace terroriste au quotidien qui ne vise rien moins qu’a saper ses fondements .
Mais s’il faut en croire l’adage selon lequel c’est dans les temps difficiles que se révèlent les amis, il faut croire que le Mali ne manque point d’amis. En témoigne plus, que toute autre chose, l’appui multiforme, politique, diplomatique et militaire, de la communauté internationale, dont bénéficie le Mali. Que ce fut pour endiguer les hordes terroristes, combattre la barbarie de hordes terroristes ou reconstruire notre unité mise à mal, les appuis n’ont pas manqué que je tiens à saluer. C’est, dans une large mesure, à ces appuis que doit son existence l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger auquel je demeure particulièrement attaché.
L’un des acquis majeurs de l’Accord est l’absence de belligérance entre les Forces de défense et de sécurité du Mali et les mouvements signataires, ainsi que le retour progressif de la confiance entre les parties maliennes. S’y ajoutent la réintégration de plus de 500 anciens combattants dans les Forces de défense et de sécurité du Mali et l’enregistrement de près de 2000 ex-combattants, membres du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC), dans le cadre du processus de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) accéléré.
Nous nous en félicitons car ce sont là, à l’évidence, des préalables au rétablissement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national mais nous ne saurions ignorer pour autant que long reste le chemin à parcourir pour instaurer une paix et une réconciliation durables dans notre pays.
Il nous faut pour cela mener des réformes politiques et institutionnelles prévues par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. A cet égard, il me plaît de souligner qu’après deux tentatives infructueuses en 2017 et 2018, le Mali se prépare activement à la tenue, dans les meilleurs délais, d’un dialogue national inclusif, devant conduire à la réconciliation nationale et à l’approfondissement de la démocratie dans notre pays.
Parallèlement, afin d’assurer le fonctionnement normal et la stabilité des institutions, dont je suis le premier garant, nous avons jugé judicieux de proroger jusqu’au 02 mai 2020 le mandat des députés à l’Assemblée nationale pour lui permettre d’adopter les réformes politiques et institutionnelles qui en viendraient à être préconisées lors du Dialogue national inclusif,
Mu que je suis par la quête de paix et de réconciliation nationale, j’ai promulgué, le 24 juillet 2019, la Loi d’Entente nationale. Si elle exonère de poursuites pénales engagées ou envisagées les personnes ayant commis ou ayant été complices de crime durant les événements douloureux survenus au Mali, à partir de janvier 2012, cette loi exclut cependant de son champ d’application les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les viols et les crimes réputés imprescriptibles. Elle stipule par ailleurs des mesures de reconnaissance et de réparation en faveur des victimes directes ou collatérales de ces moments douloureux pour notre peuple, en s’appuyant sur le travail remarquable accompli par la Commission Vérité Justice Réconciliation (CVJR) qui, à ce jour, a auditionné plus de 14 000 personnes, victimes des crises survenues dans notre pays.
C’est du même souci de réconciliation nationale, et donc de réduction des disparités qui nuisent à la cohésion nationale, que l’Assemblée nationale à adopté cette année des textes de lois qui créent la Zone de développement des régions du Nord du Mali, telle que prévue par l’Accord d’Alger et que, dans la foulée, le Gouvernement a créé le Fonds de Développement Durable (FDD) doté de 72 millions de dollars américains et conçu pour être l’instrument financier de mise en œuvre de la stratégie de développement des régions du Nord du Mali. A ce jour, 20 millions de dollars américains ont déjà été mobilises pour financer les dépenses prioritaires urgentes dans les régions de Kidal, Ménaka, Tombouctou et Gao,
Monsieur le Président,
Si ces différentes avancées ont été rendues possibles grâce à la volonté commune de toutes les parties maliennes à l’Accord, elles l’ont été aussi grâce au soutien et l’accompagnement des partenaires de la communauté internationale.
C’est le lieu pour moi de saluer l’action, ô combien déterminante, de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA), qui opère dans un environnement que je sais particulièrement complexe et difficile. Je loue ici le courage et le sacrifice des femmes et des hommes de la MINUSMA ainsi que des autres forces internationales déployées sur notre territoire et à qui je me dois de rendre, au nom du Peuple du Mali, un hommage particulièrement appuyé pour leur contribution au maintien de la paix et de la sécurité internationale dans notre région
Il reste que, au sein du G5 Sahel, nous sommes pleinement conscients que le tout sécuritaire ne saurait apporter la paix durable que nous recherchons dans la région. De nombreux défis jalonnent encore et toujours, malheureusement, le processus de mise en œuvre de l’Accord.
Parmi ces défis, ceux de l’environnement sécuritaire extrêmement volatile, marqué par la recrudescence des attaques des groupes terroristes, extrémistes violents et de narcotrafiquants contre nos populations civiles, les forces de défense et de sécurité maliennes et les forces internationales partenaires. Mais il y’a également, en bonne place, ceux, persistants, liés à notre développement. C’est pourquoi, parallèlement au volet sécuritaire, nous travaillons ensemble à la mise en œuvre du Programme d’investissements prioritaires (PIP), qui comprend une quarantaine de projets dans les domaines de la défense et de la sécurité, de la gouvernance, des infrastructures, de la résilience et du développement humain, afin d’apporter des réponses appropriées aux causes profondes de l’instabilité, en créant des opportunités économiques, sociales et de développement pour nos populations, particulièrement notre jeunesse.
Un autre défi non moins important concerne la disponibilité des ressources financières adéquates pour l’application de l’Accord d’Alger. Voila pourquoi, tout en remerciant nos partenaires pour les efforts déjà consentis, je me dois de les appeler à honorer leurs engagements, singulièrement ceux souscrits lors de la Conférence pour le développement du Mali, organisée à Paris, en octobre 2015 et lors de la Conférence de coordination des bailleurs et partenaires du G5 Sahel pour le financement du Programme d’Investissements Prioritaires (PIP) du G5 Sahel, tenue à Nouakchott, en Mauritanie, le 6 décembre 2018.
Je saisis également l’occasion pour saluer l’Alliance pour le Sahel, qui vise à fédérer et à coordonner l’engagement de nos partenaires dans les six domaines d’actions prioritaires, à savoir l’emploi des jeunes ; le développement rural et la sécurité alimentaire ; l’énergie et le climat ; la gouvernance et la décentralisation ; l’accès aux services sociaux de base ; et la sécurité, pour un coût financier de 6 milliards d’euros sur la période 2018 – 2022.
Monsieur le Président,
Les efforts consentis pour la stabilisation et le développement des régions du Nord du Mali ne sauraient me faire oublier la situation préoccupante qui prévaut dans les régions du Centre de notre pays. Bien au contraire. Je précise d’ailleurs au passage que ces deux défis majeurs du Mali d’aujourd’hui sont inextricablement liés entre eux.
En effet, après avoir réussi à déstabiliser les régions du Nord du Mali, les terroristes et autres groupes criminels se sont investis à étendre aux régions Centre du pays, leurs zones d’influence et d’activités illicites, en instrumentalisant des différends entre des groupes humains qui avaient su les gérer jusqu’alors de manière non violente.
C’est le lieu de souligner que les motivations de ces groupes terroristes n’ont que peu à voir avec la religion et encore moins avec le développement. L’enjeu pour eux est de se doter d’espaces pour faire prospérer leurs activités criminelles, y compris le trafic d’armes, d’êtres humains ou de marchandises illicites, en profitant de la faible présence de l’Etat, singulièrement des services de défense et de sécurité, dans les régions concernées.
Les affrontements, hâtivement baptisées tensions intercommunautaires qui ont, hélas, endeuillé les régions de Ségou et de Mopti, ont, au delà de ces localités, touché la Nation malienne dans son ensemble. C’est pourquoi, j’ai instruit le Gouvernement de prendre une série de mesures aux plans politique, sécuritaire, règlementaire et judiciaires, afin de rétablir l’ordre et la sécurité dans ces régions affectées.
Le renforcement du dispositif de sécurité sur le terrain, la création de nouveaux postes de sécurité dans les zones stratégiques et l’adhésion de plusieurs centaines de jeunes locaux au programme spécial de réduction de la violence intercommunautaire s’inscrivent dans ce cadre. Il en est de même de la récupération de nombreuses armes, du désarmement en cours des milices, des actions de développement et de la fourniture des services sociaux de base au profit de nos populations, toutes opérations qui visent à mieux répondre aux défis de la gouvernance et de la sécurité.
Pour coordonner toutes ces actions, et impliquer dans leur mise en œuvre l’ensemble des forces vives de notre pays, y compris les leaders politiques, traditionnels et religieux, et les cadres régionaux j’ai nommé en juin 2019, le Professeur Dioncounda Traoré, ancien Président par intérim du Mali durant la Transition, en qualité de mon Haut Représentant pour le Centre du Mali.
Monsieur le Président,
Les crises dans les régions du Nord et du Centre du Mali ont occasionné des mouvements massifs de milliers de nos compatriotes. Qu’ils soient réfugiés dans les pays voisins ou déplacés internes sur le territoire national, leur retour dans la sécurité et la dignité dans leurs localités d’origine est une préoccupation majeure pour mon Gouvernement qui a entrepris la réalisation de vastes programmes visant à améliorer durablement les conditions de vie de l’ensemble des populations du Mali. L’assistance sanitaire, à travers des régimes complémentaires de couverture maladie est un d’entre eux.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Bureau de coordination de l’action humanitaire (OCHA) nous y aident à travers des plans régionaux d’intervention d’urgence pour les régions de Tombouctou, Gao, Kidal et Mopti. Il en va de même de notre adhésion à la Mutuelle Panafricaine de gestion des Risques (ARC) dont le traité a été ratifié par le Mali, en 2016 et qui nous aura permis, depuis quatre saisons de contrat d’assurance, de prendre en charge les conséquences des aléas climatiques.
A ces mesures ponctuelles, filles de l’urgence, suis-je tenté de dire, s’ajoutent d’autres qui sont de nature plus structurelle. Au premier rang de celles-ci, je citerai l’emploi des jeunes. Parce que je crois en la jeunesse du Mali, j’ai décidé de dédier mon second mandat à la promotion de cette jeunesse, notre espoir d’aujourd’hui et, à coup sûr, l’artisan de notre futur.
De la même manière, je crois profondément en les femmes du Mali et en leurs contributions inestimables dans les processus de stabilisation et de développement de notre pays. Je vais continuer à les nommer, en grand nombre, à des niveaux de décision de responsabilité élevés, conformément à la Loi de 2015 sur la promotion du genre dans les instances décisionnelles au Mali.
Au vu de la place du développement inclusif et durable dans la thématique de nos présentes assises, je ne peux passer sous silence l’octroi pour l’année 2018, environ 3000 logements sociaux en faveur des personnes à revenu intermédiaire et faible, mais aussi à la diaspora malienne. Je ne saurai le faire non plus pour les espoirs que nous fondons en l’initiative de la Banque Africaine de Développement pour son nouveau Programme dit « Desert-to-Power », lancé pendant la session extraordinaire du G5 Sahel, tenue à Ouagadougou, au Burkina Faso, le 13 septembre courant en vue d’exploiter le potentiel solaire de notre région et d’accroitre l’accès à l’électricité, en tant que contribution concrète à la réalisation de l’ODD n°7.
Monsieur le Président,
En dépit des défis nationaux et régionaux que je viens d’évoquer, le peuple et le Gouvernement du Mali demeurent très attentifs à la situation en Afrique et dans le reste monde.
C’est ainsi que le Mali reste profondément préoccupé par la situation en Libye qui continue d’impacter négativement la région du Sahel. J’appelle l’ensemble des parties prenantes libyennes à privilégier le dialogue et la recherche de solutions pacifiques, en vue du règlement durable et rapide de cette crise.
De même, le Mali suit avec préoccupation la situation au Moyen-Orient, notamment dans les territoires palestiniens occupés. Le peuple malien réaffirme son soutien total au peuple palestinien frère dans sa lutte légitime pour l’autodétermination. Le Gouvernement du Mali appelle à la reprise des négociations israélo-palestiniennes, en vue de la solution à deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte, en paix et à l’intérieur des frontières sûres et internationalement reconnues.
Par ailleurs, le Mali appelle à la fin de la violence meurtrière qui continue, hélas, d’endeuiller et d’infliger des désastres humanitaires aux peuples frères de Syrie et du Yémen. Sur les questions de migration internationale, le Mali, pays à la fois d’origine, de transit et d’accueil des migrants, renouvelle son attachement à la coopération multilatérale et à la solidarité internationale. A cet égard, j’appelle de tous mes vœux au respect des droits des migrants, conformément aux dispositions pertinentes des conventions internationales, en particulier le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et le Pacte mondial pour les réfugiés, adopté en décembre 2018 à Marrakech au Maroc.
Le Mali renouvelle son appel à la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, afin de le rendre plus représentatif et plus inclusif. Par ma voix, le Mali réaffirme son attachement à la position commune africaine sur la réforme de ce Conseil, conformément au Consensus d’Ezulwini.
Pays sahélien à vocation essentiellement d’agriculture, d’élevage et de pêche, le Mali demeure fortement préoccupé par les changements climatiques, qui constituent l’un des défis majeurs pour la survie et le développement de l’humanité. En effet, mon pays subit de plein fouet les effets des changements climatiques, caractérisés par l’avancée de la désertification et son impact sur la faune et la flore, l’assèchement de nos fleuves et de nos cours d’eau, l’augmentation du niveau de chaleur, les inondations… C’est pourquoi, je voudrais réaffirmer l’attachement du Mali à la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat.
A cet effet, et dans le contexte du Sommet Climat du Secrétaire Général, nous lui soumettrons, ainsi qu’à ses co-leaders de la coalition « Finance Climat » : la France, le Qatar et la Jamaïque, une proposition concrète visant à déclencher et accélérer une vague d’investissement bas carbone en redirigeant l’épargne mondiale vers des infrastructures et des procédés de production industrielle et agricole en adéquation avec les objectifs de l’Accord.
Egalement sur ce point, le Mali travaillera au sein de l’Union Africaine, à une intégration systématique du climat dans la coopération entre le Continent et chacun de ses partenaires stratégiques.
Le Mali se félicite des dynamiques en cours au Soudan, en particulier la formation d’un gouvernement d’union nationale issu de l’Accord entre l’institution militaire et les leaders de la contestation, et qui a également abouti à la mise en place du Conseil souverain chargé de diriger la transition, dans ce pays frère.
Monsieur le Président,
Pour conclure, je voudrais souligner avec force que 75 ans après sa création, l’Organisation des Nations Unies continue de montrer toute sa pertinence dans notre quête commune et dans nos efforts collectifs pour préserver les générations futures du fléau de la guerre.
Ce faisant, je voudrais rappeler que la paix n’a pas de prix. Il nous faut donc la chérir car sans elle il n’est ni humanité, ni vivre ensemble qui puissent faire sens. Or ce sont ces valeurs et ces postures qui devraient donner sens à la vie et procurer aux individus et aux communautés humains ce goût de l’avenir qu’évoquait hier le Président français Emmanuel Macron. Il nous faut donc ériger la recherche de la paix non pas en culte mais en culture avec ce que le terme connote de respect pour la diversité, de reconnaissance de l’Autre, d’empathie, de solidarité et, d’un mot, de fraternité. Une fraternité dont nous avons plus que jamais besoin pour donner sens à notre condition humaine.
Je vous remercie de votre bien aimable attention.