Face aux représentants des populations de nos terroirs, dignitaires religieux et communicateurs dépositaires de la tradition, jeudi 11 novembre dernier au CICB, le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga a édifié ses hôtes sur les réalités nationales du moment et les charger de missions. Allocution.
Au nom du Président de la Transition, Chef de l’Etat, Son Excellence le colonel Assimi Goïta, je vous souhaite la bienvenue et vous invite à vous sentir chez vous, cet après-midi, ici, au CICB :
A ni woula, a bissimilah, an bi koun.
Notre sagesse populaire enseigne : quand vous invitez les gens, si vous ne leur donnez pas quelque chose, vous leur dites quelque chose. J’ai choisi de vous dire quelque chose.
La cérémonie qui nous réunit aujourd’hui est une première dans les annales de notre histoire nationale. Je ne dis pas que vous n’avez jamais été associés à la gestion des affaires de l’Etat. Mais, au moment des grandes décisions, vous avez dû le constater et vous sentir légèrement offusqués, c’est surtout avec les hommes politiques que des cadres d’échanges ont été organisés.
Qu’il s’agisse d’élaborer des textes fondamentaux pour orienter la vie de la Nation ou restructurer l’organisation de l’Etat, c’est essentiellement vers eux que les gouvernements se tournent, c’est essentiellement avec eux que le dialogue est engagé, c’est essentiellement avec eux que les compromis et les consensus permettant de surmonter les difficultés sont trouvés.
Avec la rencontre de cet après-midi, comme avec celle qui suivra demain avec le Président de la Transition, Chef de l’Etat, la volonté est de rompre avec la tradition du dialogue vous tenant à l’écart des prises de décision engageant le devenir de la Nation. Notre commune volonté est de vous inviter, comme cela se passait autrefois, comme cela continue de se passer encore, dans nos assemblées traditionnelles, sous l’arbre à palabre, dans le vestibule, le togouna ou le weltaré, pour vous édifier sur les réalités nationales du moment et vous charger d’une mission.
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Mes propos sont pour vous édifier sur la situation qui prévaut actuellement dans le pays en attendant que, demain, le Président de la Transition, Chef de l’État, précise à votre intention ce qu’en la circonstance, le pays attend de vous.
Que vous soyez représentants de familles fondatrices de villages, de quartiers ou de villes, chefs coutumiers, dignitaires religieux ou communicateurs détenteurs de la tradition orale, vous possédez, chacun en ce qui vous concerne, des qualités qui façonnent votre originalité. Les populations peuvent se lasser des hommes politiques parce que ces derniers, pour diverses raisons, n’ont pas su honorer des engagements pris. Les populations ne peuvent se lasser de vous parce que vous incarnez les vertus qui fondent notre humanisme :
− le courage de se déterminer, de prendre position, quand les circonstances l’exigent ;
− l’obligation de dire la vérité, quel que soit le lieu, quelle que soit la circonstance ;
− la même attention prêtée aux propos tenus aussi bien par le plus fort que par le plus modeste ;
− la justice, l’équité avec lesquelles vous tranchez les différends qui vous sont soumis et,
− par-dessus tout, le sens de l’honneur, de la dignité, de l’intégrité ; la noblesse dans les manières de dire et de faire, le sens de la mesure, de la retenue dans les propos. En un mot la noblesse au sens large du terme.
Loin de moi l’idée de jeter l’opprobre contre les hommes politiques. Je l’aurais voulu que je ne pourrais le faire et pour cause, je suis moi-même un responsable politique. Je ne saurais donc être la négation de ma propre personne. Je le reconnais et c’est le fondement de mon engagement : le propre de l’homme politique est de gérer les affaires de l’Etat au profit du grand nombre.
Dans cette mission exaltante, il peut être confronté a des défis inimaginables, mais en toutes circonstances, il doit à son peuple, tenir le discours de la vérité, il ne doit pas chercher a le tromper, encore moins le trahir.
Cependant, force m’est de reconnaître ce qui est évidence : l’homme politique peut choir, déchoir, décevoir ; vous qui incarnez la quintessence de nos vertus ne pouvez tomber. C’est en cela que vous êtes des modèles et c’est pour cette raison que vous avez été invités pour vous transmettre, au nom du Président de la transition, Chef de l’Etat, Son Excellence le colonel Assimi Goïta, un message à relayer auprès de nos populations.
Cela n’est un secret pour personne : la Mali traverse une des crises, sinon, la crise la plus aiguë depuis son accession à la souveraineté nationale et internationale. Les manifestations de cette crise sont de plusieurs ordres. J’ai choisi d’en développer quatre, à votre intention.
Les deux premières manifestations de la crise sont les plus graves, dans la mesure où elles constituent une réelle menace pour le Mali, non seulement en tant qu’Etat, mais, pire, en tant que nation. Ces deux manifestations sont : Les risques de partition de la Patrie et l’insécurité généralisée.
Certes, avec la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, les risques de partition semblent, en apparence contenus : les Maliens ont cessé de se faire la guerre pour se retrouver autour de la table de négociations et tracer les chemins de l’avenir.
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Il n’en demeure pas moins que la vigilance reste de mise car, ceux qui ont intérêt à cette partition, ce ne sont pas des Maliens, ceux qui ont intérêt à cette partition, ce sont des forces obscures, tapies dans l’ombre. Passées expertes dans l’art de diviser pour régner, elles nous dressent les uns contre les autres pour assouvir leurs noirs desseins.
En tout lieu et en toute circonstance, il nous incombe d’être vigies et vigiles pour les découvrir, les démasquer et les rendre inopérants, faisant ainsi échec à leur projet funeste.
Si les Maliens ont choisi de dialoguer entre eux afin de donner un contenu à la devise de la République – un Peuple, un But, une Foi – ils ont à affronter les conséquences d’un radicalisme religieux : le terrorisme et le banditisme.
Nés dans ce qu’il est convenu d’appeler le Nord et le Centre du Mali, ils se sont propagés, comme par métastases, vers le Sud. A ce jour, aucune région du pays n’est épargnée.
Outre le risque d’une résurgence du séparatisme et l’insécurité, nous sommes confrontés à deux autres rigueurs de l’existence : les mouvements de revendications perlés de certaines couches sociales et la cherté de la vie.
Le gouvernement est conscient des manifestations de la crise. Il s’emploie, œuvre pour la juguler. Cependant, et cela mérite d’être rappelé à votre attention, pour réussir à éradiquer de manière efficace les écueils qui freinent notre épanouissement, individuel comme collectif, il nous faut remonter des effets aux causes.
Nous sommes tombés bien bas. Le Mali est devenu le vieil homme malade de l’Afrique de l’Ouest. A son chevet se presse plus d’un pays, africain comme extra-africain, dans le cadre d’une solidarité virile entre pays frères comme dans le cadre de desseins inavoués. Cela ne s’est pas produit par hasard.
Vous vous souviendrez, il y a de cela un peu plus de trois décennies, sous le couvert de l’instauration de la démocratie, qui a été présentée comme une panacée contre le sous-développement, on a promis au Peuple des lendemains qui chantent. Ce qu’il en a résulté est connu : tous les leviers de l’Etat : les Forces de Défense et de Sécurité, l’Ecole, l’Administration, la Justice se sont retrouvées vidées de leur substance.
La déliquescence progressive a atteint tous les secteurs de la vie de la Nation. La corruption et l’impunité devenues monnaie courante ont contribué à désarticuler les fondements de notre sécurité.
La gestion du pays est passée entre les mains des PTF et des ONG et, le seul indiscutable bilan que la démocratie nous a légué est la floraison des associations et des partis politiques. L’affaiblissement de l’autorité centrale a eu, comme conséquence, la faillite de l’Etat avec ses corollaires : précarité de l’unité du peuple et de l’intégrité du territoire national, perte de la souveraineté, déliquescence des services sociaux de base, insécurité ; en un mot, tout ce que le Peuple vit aujourd’hui comme difficultés.
Des élections ont été organisées sur fond de fraude et d’achats de consciences. Les maîtres du jour ont ignoré que le Peuple a cessé de se laisser manipuler. Le Peuple s’est dressé comme un seul homme et, au prix du sacrifice ultime de certains jeunes gens sur l’étendue du territoire, a imposé le changement : la frange patriotique des Forces de Défense et de Sécurité, alliée aux Forces politiques et sociales acquises au changement, au renouveau, en un mot, les Forces populaires et patriotiques, se sont installées au pouvoir pour une période transitoire qu’elles entendent mettre à profit pour refonder l’Etat.
Le 28 mai 2021, le colonel Assimi Goïta est reconnu Président de la Transition, Chef de l’État par la Cour constitutionnelle. Il prête sermentdevant la Cour suprême le 7 juin 2021 et, dans la foulée, le même jour, il m’investit de sa confiance et me nomme Premier ministre, Chef du gouvernement. Sous son autorité, je forme, le 11 juin 2021, un gouvernement. Le premier Conseil de Cabinet se tient le 13 juin 2021, suivi, le 16 juin 2021, du premier Conseil de ministres.
Profitant de la tenue de ce premier conseil de ministres, le Président de la Transition nous précise la mission à laquelle nous sommes appelés à nous dévouer en ces termes : Nous sommes dans un régime de transition. Aussi, et pour cette raison, notre mission revêt une double dimension. En effet, il nous incombe d’œuvrer pour faire sauter des verrous, lever des entraves, surmonter des handicaps afin de recréer, de refonder et transmettre à nos successeurs un Etat fort et des institutions stabilisées.
Dans la plus grande collégialité, il vous revient de capitaliser des acquis car nul n’édifie sur table rase, de rompre avec des pratiques ayant provoqué la défiance des populations vis-à-vis de l’Etat, de fédérer l’ensemble des forces patriotiques et susciter leur adhésion ; le tout, pour fonder l’Etat sur des institutions adaptées à nos réalités.
Avec ce passage de la déclaration liminaire du Chef de l’Etat, nous retenons les termes « recréer », « refonder », « rompre avec des pratiques ». En un mot, ce qu’il nous est donné comme instruction est de mener et réussir une transition de rupture pour instaurer le Nouveau-Mali : Mali Koura.
Cela m’a servi de source d’inspiration pour élaborer le Programme d’Action du Gouvernement (PAG). Je l’ai voulu à la fois concis, ambitieux tout en restant réaliste. Six semaines après mon entrée en fonction, je me présentais devant l’organe législatif de la Transition, le Conseil National de la Transition (CNT) et le présentais comme la traduction de « la vision du Chef de l’Etat pour redresser notre pays, asseoir les bases de la refondation, prendre en charge les aspirations profondes de notre peuple au changement en vue de réaliser le développement économique, social et culturel. »
La mise en œuvre de ce Programme d’Action du Gouvernement se traduira par « le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, les réformes politiques et institutionnelles, l’organisation des élections générales, la promotion de la bonne gouvernance et l’adoption d’un pacte de stabilité. »
Tel était le message que je tenais à vous transmettre. Après audition de ce message, ce qui est attendu de vous est un devoir patriotique.
Aider, soutenir la transition, faire des bénédictions pour les dirigeants de la Transition, pour que Dieu le Tout Puissant guident leurs pas dans le bon sens et qu’ils continuent d’être chevilles, corps et âmes, aux seuls intérêts supérieurs du Peuple, de la Nation et de l’État Mali.
Pour restituer aux maliennes et maliens de l’intérieur et de la Diaspora, leur honneur, leur dignité, leur fierté d’appartenir à une seule et indivisible Nation.
En un mot, Ka mali dambe segui amma,
Le Président de la transition, chef de l’État, qui vous recevra demain ne manquera pas de vous en dire plus et mieux
De nouveau, je réitère mes remerciements, mon obligeance envers les légitimités que vous êtes et vous invite à multiplier les bénédictions pour la réussite totale de la Transition, l’avènement du Nouveau-Mali tant espéré.