En dehors du tintamarre provoqué par le vote de la loi électorale par le CNT, dû principalement à l’attitude de défiance du gouvernement, le président de la transition, sans hésiter, l’a promulguée et l’a publiée au Journal officiel. Dès lors que le gouvernement s’était mis dans la logique de contestation de la loi électorale, arguant qu’il ne s’y reconnaît plus (200 articles font l’objet des 92 amendements sur les 227 articles), cet acte du président de la transition met le Premier ministre en mauvaise posture. Comment va-t-il surmonter ce cuisant désaveu politique ?
On le sait, le projet de loi électorale du gouvernement, tel qu’il été toiletté et adopté par le CNT, a été un véritable camouflet pour le gouvernement Choguel K. Maïga. A titre d’illustration : les partisans les plus acharnés du maître de la Primature ont fait feu de tout bois contre le CNT, accusé qu’il est d’avoir vidé le texte de sa substance. Un mémorandum, émanant du clan Choguel dans les entrailles du M5-RFP, a dénoncé le texte en lequel le gouvernement dit ne pas se reconnaitre.
Impossible cohabitation
Du coup, la tension est vite montée entre les deux mamelles de l’exécutif central ; le gouvernement, qui fait bloc derrière son chef, et le CNT, se réjouissant de son travail parlementaire adéquat, ayant réussi à faire barrière à un holdup électoral.
D’hostilité en hostilité, les relations entre le CNT et le gouvernement, déjà très tendues, exacerbées par les positions tranchées des irréductibles des deux bords, sont aujourd’hui à la limite de la rupture.
A l’évidence, entre les deux segments de l’appareil d’Etat, les relations n’étaient pas au beau fixe. En fait, depuis une certaine séance de questions d’actualité, initiée par le CNT le 21 avril dernier, sous forme d’examen du Plan d’actions du gouvernement (PAG), les courtisans du Premier ministre se sont installés dans une logique de défiance à l’endroit de l’organe législatif, multipliant des procès d’intention à son encontre.
Toujours, et aujourd’hui encore, ils en veulent aux membres du Conseil national de transition d’avoir voulu mettre en mal le chef du gouvernement, Choguel Kokalla Maïga. Une véritable guéguerre politique, sur fond d’un lynchage médiatique, s’est éclaté entre les deux institutions, avec comme conséquence fâcheuse que des appels au meurtre soient directement prononcés contre le maitre du perchoir, accusé par les proches de Choguel Maïga de vouloir lui faire la peau.
De cette fronde ouverte contre le président du CNT, sont nées des scènes totalement surréalistes. De ce fait, des proches de Choguel Maïga, déchainés contre le CNT, ont fait croire que les membres de cette institution rouleront désormais pour Paris pour déstabiliser le grand Choguel, panafricanisme dans l’âme, contre lequel tout est mis en œuvre pour l’étoffer, du côté des amis et des partisans de la France.
On le voit bien, Choguel Maïga, le chef du gouvernement, et ses partisans n’ont pas encore compris que la vieille rengaine, liée à la « France déstabilisatrice du Mali » a fait ses effets et qu’elle ne saurait constituer, en tout temps, un programme de gouvernement.
Comme si de rien n’était, l’organe législatif, droit dans ses bottes, a pris sur lui la responsabilité d’écouter toutes les sensibilités nationales, dès qu’il s’agit de l’adoption du projet de la loi électorale, présenté par le gouvernement sur sa table.
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La suite, on la connait : le texte initial du gouvernement, au finish, a été revu, corrigé et débarrassé de ses imperfections, comme l’a laissé entendre un membre influent du CNT, lequel ne s’est pas gêné de dire à la face du monde que le holdup électoral, planifié par un « homme et son clan » a été déjoué. Et depuis, plusieurs membres du CNT, se rendant compte de la défiance du gouvernement à l’endroit du texte adopté, l’affirment à qui le veut que l’organe législatif, en l’état, n’a plus la confiance politique en un gouvernement qui a d’ailleurs montré ses limites.
Le couperet de la promulgation
Eh, bien ! Voilà que la charge devient lourde pour Choguel et les siens avec la promulgation de la nouvelle loi électorale par le président de la transition, une semaine seulement après son adoption par le CNT.
Et dire qu’un mémorandum en bonne et due forme a été présenté par les partisans au président de la transition, en lui demandant de ne pas promulguer la nouvelle loi, l’on s’aperçoit alors plus nettement que le chef du gouvernement et ses partisans sont allés un peu loin dans cette déviance vis-à-vis de l’organe législatif.
N’ayant aucune alliance politique avérée et protectrice avec la classe politique, d’une manière générale, avec la grande majorité de laquelle il est voué aux gémonies, Choguel Kokalla Maïga risque gros face à cette nouvelle situation, pour le moins compromettante, pour lui, en raison du fait qu’il est en rupture de ban avec ses anciens du M5-RFP. Il s’agit notamment de Mohamed Bathily, Ckeick Oumar Sissoko et Konimba Sidibé. Ceux-ci ont lancé un appel pour le rassemblement de tous les patriotes maliens. Dans leur document, ils indiquent, on ne peut plus clair : « Pendant toute la première phase de la transition, le M5-rfp a dénoncé la continuation des mauvaises pratiques de gouvernance du régime déchu de IBK et exigé la rectification de la transition par la rupture avec lesdites mauvaise pratiques et la pause piliers de la refondation du Mali. Telle est la 2ème grande attente du peuple malien de ce 2ème gouvernement de transition. Fort malheureusement, cette rectification est restée un slogan jusqu’à ce jour à la grande déception de ceux qui ont au changement prôné par le comité stratégique du M5-RFP. Les mauvaises pratiques de gouvernance continuent de plus belle. Ayant senti ce risque avant l’heure, des dirigeants du M5-RFP ont demandé de tout faire pour maintenir notre mouvement dans son esprit originel et de prendre des dispositions pour qu’il continue à être une force politique puissante jouant efficacement un rôle de veille et de propositions afin de maintenir la transition sur la trajectoire de la rupture avec les mauvaises pratiques de gouvernance et pour la poursuite de la refondation du Mali après la période de transition. Toutes les mesures préconisées pour cela sont restées lettre morte : le maintien du consensus des entités membres du M5-RFP pour la prise des décisions majeures ; la mise en place d’un cadre de concertation comité stratégique-Premier ministre, l’évaluation périodique de l’application du plan d’action gouvernemental issue de la feuille de route du M5-RFP.
Comme si cela ne suffisait pas, le Premier ministre Choguel K. Maïga vient d’engager une tentative de déstabilisation de la transition à travers la publication d’un communiqué du Comité stratégique du M5-RFP incitant à la confrontation direct entre le Président du CNT traité d’opposant à la transition, en accointance avec les forces hostiles à la transition d’une part et le Président de la transition d’autre part. Faut-il se résigner face à cette instrumentalisation du M5-RFP à des fins autre qu’une transition de rupture avec les mauvaises pratiques de gouvernance et la refondation du Mali ? Faut-il laisser la direction actuelle du M5-RFP déstabiliser la transition ? Non, la transition est notre affaire à tous. Le peuple malien est profondément déçu de la poursuite des mauvaises pratiques de gouvernance par le gouvernement de la rectification de la transition de Choguel K Maïga. Un sursaut patriotique s’impose. Le temps est au rassemblement et non à la division ».
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En plus de ces hostilités politiques, dont il fait face, depuis fort longtemps, il est évident de constater également que la gouvernance vertueuse, dont il s’est fait le chantre, à l’annonce de sa nomination à la Primature, n’a été qu’un véritable jeu de dupe politique. Emaillée des pires scandales, la gestion du chef du gouvernement n’a été qu’une pâle copie de la refondation annoncée.
Tel un roi nu
En politique, certaines erreurs sont impardonnables. Isolé au sein de la classe politique, abandonné par ses anciens compagnons de route du M-5RFP, qui craignent de voir totalement ternir le sens de leur combat politique en faveur de la bonne gouvernance, et décrié au sein de la communauté des partenaires du pays, l’actuel Premier ministre Choguel Kokalla Maïga ne rassure plus par ces temps qui courent.
Et ce n’est d’ailleurs pas par hasard qu’il voit de plus en plus ses charges gouvernementales allégées par le président de la transition qui, sans doute, sans vouloir casser brutalement les ressorts d’un homme épuisé, tel un roi nu, à la posture d’un Choguel Kokalla Maïga, à bout de souffle, est bien décidé à passer à autre chose.
Le coup de Jarnac lui vient d’être administré par le dernier conseil de ministres qui lui décharge désormais du chantier phare de « l’élaboration du chronogramme des réformes politiques et institutionnelles ainsi que celui des élections », en responsabilisant le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation de cette charge. Histoire, dit-on, de donner plus d’inclusivité à un gouvernement qui peine à rassembler, sous la houlette d’un Premier ministre, en déclin.
Un signe hein ?
Oumar KONATE
Source: La Preuve