Assignés en résidence surveillée depuis le coup d’État du 25 mai dernier, l’ex-Président de la Transition Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane, ont attaqué l’État du Mali devant la cour de justice de la CEDEAO à Abuja (Nigéria). Une épine dans les pieds de la transition et une épée de Damoclès sur le Président Assimi Goïta.
Pour des questions de « raison d’Etat », les autorités de la transition ont assigné en résidence surveillée l’ex-président de la transition, Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane. Malgré les alertes des structures des Droits de l’Homme qui avaient interpellé les autorités transitoires et dénoncé une violation des droits humains, rien ne semble bouger.
Selon les proches des deux ex-autorités maliennes, tout a été mis en œuvre pour empêcher toute visite à ces deux personnes « séquestrées ». « Des hommes armés m’empêchent d’accéder à Bah N’Daw et à Moctar Ouane, anciens chefs de l’Etat et du gouvernement de la transition illégalement gardés à leurs domiciles/résidences. Inadmissible ! Insupportable ! », avait dénoncé leur défense Me Mamadou Ismael Konaté, dans un Tweet.
Face à cette étreinte, Me Konaté, avocat Barreaux Mali/Paris, Arbitre, ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice du Mali, a annoncé une plainte déposée contre l’Etat du Mali et le Président de la Transition devant la Cour de la CEDEAO. Ce qu’a confirmé l’institution sous régionale à travers la communication de requête de sa Cour de justice, siégeant à Abuja au Nigéria, relative à l’Affaire N°. ECW/CCJ/APP/42/21 où Bah N’Daw et Moctar Ouane sont les requérants contre l’État du Mali, le défenseur.
« Vous êtes d’avis qu’une requête déposée par Messieurs Bah N’DAW & Moctar OUANE contre l’État du Mali, a été enregistrée par le greffe de la Cour le 27 juillet 2021. Par conséquent, vous êtes invité à produire un mémoire en défense dans un délai d’un mois (30) jours, après réception de la notification de la présente requête, passé ce délai, les requérants entendus, et un arrêt par défaut réputé contradictoire peut être rendu. Par ailleurs, conformément aux instructions pratiques de la Cour, vos observations écrites ne doivent pas excéder (15) pages de A4, et doivent être accompagnées d’une version électronique au moment du dépôt », a notifié le 29 juillet 2021, le Greffier en Chef sur ordre de la Cour de Justice de la CEDEAO.
Pour certains Maliens comme Sekou Niamé Nathily, « Où est l’État de droit promis par le M5-RFP ? », s’insurge le juriste contre le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga qui avait clamé l’État de droits, un changement de gouvernance une fois aux affaires.
Selon certains spécialistes du Droit, les autorités de la Transition feraient mieux de « relaxer sans délai ces gens au risque de payer des milliards sur notre pauvre budget. Un régime transitoire n’a pas d’amis hors frontière. »
République d’épée ?
Connu pour ses positions tranchées au sujet de la Transition, Me Cheick Oumar Konaré ne va pas par le dos de cuillère quand il s’agit de cette affaire. « En vérité, la situation de Bah N’Daw et Moctar Ouane est totalement illégale. C’est une détention arbitraire, parce qu’ils n’ont même pas été présentés à un juge, on ne sait même pas ce qui leur est reproché. C’est une séquestration et il faut y mettre fin. Personne ne peut être détenu si ce n’est sur ordre de l’autorité judiciaire qui, dans le cas de Bah N’Daw et de Moctar Ouane, n’a jamais donné d’ordre. Ils sont retenus sur ordre de l’autorité politique. Et cette autorité politique n’a aucun droit de la faire. On peut ne pas aimer la politique de Bah N’Daw et de Moctar Ouane, moi-même j’ai des réserves par rapport à leur immobilisme, dans la gestion de l’Etat quand ils étaient au pouvoir. Mais la vérité est que rien ne justifie en droit leur rétention dans des situations totalement illégales », a-t-il asséné lors de l’émission « Le Débat du Dimanche » de Africable Télévision.
A en croire Me Cheick Oumar Konaré, « la pratique dont sont victimes Bah N’Daw et Moctar Ouane est en train se répandre dans la sous-région » comme le Bénin de Patrice Talon avec la séquestration de l’ancien Président Tomas Boni Yaya, la Guinée d’Alpha Condé avec l’empêchement de l’opposant Cellou Dallein Diallo de voyager, ou la Côte d’Ivoire de Alassane Dramane Ouattara qui a aussi séquestré ses opposants chez eux. « Ce sont des Républiques où seule règne l’épée, mais pas le droit. C’est ça la vérité, surtout dans un contexte de coup d’Etat, c’est l’arme qui prévaut sur les textes », peint Me Konaré.
Notre confrère Youssouf Sissoko de InfoSept voit en « la plainte…une épée de Damoclès sur Assimi Goïta. Ces différentes détentions sont arbitraires. Assimi Goïta n’a pas besoin de ça, cela ne va que ternir l’image de la transition. En tout cas, nous avons besoin d’une transition apaisée, consensuelle et inclusive. En séquestrant ces gens-là, il va se créer d’autres ennemis et il finira par être rattrapé lui aussi par l’histoire ». Néanmoins, il n’est pas trop tard pour la justice malienne de s’autosaisir du dossier, l’occasion pour elle de redorer le blason, comme l’estime notre confrère Massiré Diop de L’Indépendant.
Si rien n’est fait d’ici le délai fixé par le Tribunal de la CEDEAO, cette affaire risque de compliquer davantage la position du Mali, déjà fragilisé par sa suspension de l’organisation sous régionale depuis le deuxième coup d’État contre Bah N’Daw. L’Etat malien sommé d’expliquer cette mise en résidence surveillée devra débourser aussi l’argent du contribuable malien dans une procédure judiciaire qu’il pouvait éviter de justesse. Toute somme, le Président Assimi Goïta a tous les leviers du pouvoir aujourd’hui. Le dernier mot lui revient.
Cyril Adohoun
Source: L’Observatoire