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Affaire Bakary Togola : quel enjeu pour la transition ?

Affaire Bakary Togola de « détournement de biens publics et complicité, faux et usage de faux »: quel enjeu pour la transition ?

Le 29 novembre 2021, Bakary Togola a été acquitté par la Cour d’assises, en session spéciale sur les affaires économiques et financières, faute de preuves dans une affaire de détournement de 9,4 milliards FCFA due aux cotonculteurs, de faux et usage de faux.

La surprise, l’incompréhension, l’indignation et la colère ressenties par les Maliennes et les Maliens sont à la hauteur de l’immense espoir suscité par la lutte engagée par les autorités de transition contre la corruption et les détournements de biens publics.

Cet acquittement est un véritable pied de nez à la transition malienne qui a fait de la lutte contre la corruption et les détournements de biens publics un pilier majeur de sa feuille de route de refondation du Mali. Il a été une grande surprise parce que d’abord Bakary Togola, paysan malien de son état, aurait payé une caution de près de 4 milliards FCFA pour bénéficier de la liberté provisoire. Grande surprise encore parce qu’en conseillant au Président IBK lors d’une rencontre publique de « mettre un peu dans la bouche » de ces opposants pour qu’ils se taisent, Bakary Togola considérait implicitement le détournement de biens publics et la corruption comme des pratiques normales de gestion des affaires publiques dont il était lui-même partie prenante.

Mais de quoi s’agit-il au juste ?

En 2019, Bakary Togola, alors Président de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC), est inculpé et mis en détention par le Procureur du Pôle économique et financier de Bamako pour des faits de « corruption » et de « détournements de deniers publics ». Faisons simple pour une compréhension facile de l’affaire. Un peu plus de 13 milliards FCFA sont versés par la CMDT (donc l’argent public) dans le compte de la Confédération entre 2013 et 2019 au titre d’un complément de prix de vente du coton (ristournes liées à la hausse du cours du coton sur les marchés internationaux).

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Cette somme appartient donc aux cotonculteurs qui devraient en bénéficier (à travers des prestations de service de formation et pourquoi pas de mise à disposition), mais tel n’a pas été le cas pour 9,4 milliards qui ont disparu des comptes de leur Confédération dont Bakary Togola est le signataire. Ces 9,4 milliards se sont simplement volatilisés après décaissement sous la signature de Bakary Togola. Alors, qui doit apporter la preuve que ces 9 milliards ont été utilisés au bénéfice des cotonculteurs ?

A mon avis, il revenait à Bakary Togola d’apporter à la Cour la preuve qu’il a bien utilisé cette somme au bénéfice des cotonculteurs et à défaut de dire ce qu’il en a fait. Au lieu de cela, Bakary Togola est acquitté faute de preuves !!! Allez y comprendre quelque chose. De quoi perdre son latin cas même non !!! Pardon, je voulais dire son bamanan kan.

L’acquittement de Bakary Togola a été un coup de tonnerre qui a mis le moral aux talons de nombreux Maliens qui avaient commencé à croire que l’heure du crépuscule de l’impunité en gestion des affaires publiques a sonné dans notre pays. Une déception d’autant plus dangereuse pour la transition que l’insécurité et l’impunité dans la gestion des affaires publiques sont ses pires ennemis. Préférable de ne pas inculper et mettre sous mandat de dépôt si c’est pour aboutir à un acquittement retentissant dans le contexte actuel.

L’enthousiasme populaire dont jouit la transition actuellement est fondé sur un double espoir : l’espoir que de nouveaux partenariats en matière de sécurité déboucheront sur des victoires décisives sur le terrorisme et le renforcement de notre souveraineté nationale d’une part, et l’espoir que la lutte engagée contre la corruption et les détournements de biens publics débouchera sur une victoire décisive et irréversible sur l’impunité. Rappelons aussi que l’une des raisons de la popularité du Président de la transition est sa déclaration publique « d’engager sans état d’âme une lutte contre la corruption et la délinquance financière ».

Impossible de réussir la transition en cas d’échec sur un de ces deux fronts. Voilà l’enjeu de l’affaire Bakary Togola pour notre régime de transition. Prenons-en toute la mesure pour agir avec détermination et fermeté contre l’insécurité et la grande criminalité économique et financière.

Cette affaire est loin d’être finie car elle n’a pas encore livré tous ses secrets, elle ne fait que commencer. La seule bataille perdue d’avance étant celle qu’on refuse de livrer, les honnêtes citoyennes et citoyens maliens victimes de la prédation de nos ressources publiques mèneront cette bataille jusqu’au bout.

La lutte engagée contre la corruption et les détournements de biens publics ne doit pas être le coup d’épée dans l’eau tant redouté par certains, ni l’échec retentissant attendu par les prédateurs avec plaisir et par les sceptiques avec inquiétudes. Redoublons d’effort et nous finirons par couper la tête du serpent. Sans une victoire décisive et irréversible sur l’impunité en gestion des affaires publiques, Mali Kura restera une utopie ou plutôt une illusion.

Prenons notre destin commun de Maliennes et Maliens en main pour refonder notre pays.

Konimba Sidibé, ancien ministre, ancien député

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