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Affaire ukrainienne : Cinq questions sur la procédure de destitution lancée contre Trump

Mardi, les parlementaires démocrates ont initié une procédure de destitution du président américain, qu’ils soupçonnent d’abus de pouvoir.

C’est une mesure rarissime. Mardi, les démocrates américains ont initié une procédure de destitution de Donald Trump, qu’ils soupçonnent d’avoir abusé de ses pouvoirs pour nuire à son potentiel rival pour l’élection présidentielle de 2020, Joe Biden. Voici cinq questions pour tout comprendre de cette procédure explosive, qui n’a encore jamais abouti dans l’Histoire des États-Unis.

Qu’est-il reproché à Donald Trump?

Tout commence le 9 septembre dernier, lorsque l’inspecteur général des services de renseignement informe le Congrès avoir été saisi, un mois plus tôt, d’un problème « urgent » par un lanceur d’alerte « crédible », lui-même membre de la communauté du renseignement. Mais très vite, l’administration de Donald Trump refuse de transmettre aux parlementaires le contenu de ce signalement.

Les médias américains enquêtent alors sur cet énigmatique lanceur d’alerte. Selon eux, il s’était inquiété, entre autres, du contenu d’une conversation téléphonique entre Donald Trump et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, survenue le 25 juillet. Acculé par de nombreuses fuites, le président américain a reconnu dimanche avoir évoqué lors de cet entretien le favori de la primaire démocrate pour la présidentielle de 2020, Joe Biden, et son fils Hunter. Mais il a également assuré que l’échange était « irréprochable » et s’est engagé à rendre son contenu intégralement public.

Quelques jours avant cet échange, Donald Trump avait ordonné le gel de près de 400 millions de dollars d’aide militaire à l’Ukraine finalement débloqués, sans plus d’explications, le 12 septembre. Jugeant « la séquence » troublante, l’opposition démocrate le soupçonne d’avoir utilisé ces fonds pour pousser Volodymyr Zelensky à lancer une enquête pour corruption sur Joe Biden et son fils Hunter, qui a fait des affaires en Ukraine. « Je n’ai mis aucune pression sur » l’Ukraine, a rétorqué Donald Trump, qui assure avoir bloqué cette aide pour inciter d’autres pays occidentaux à contribuer au budget militaire de l’Ukraine.

Qu’est-ce que cette procédure de destitution?

Cette affaire vient relancer le débat sur une éventuelle procédure de destitution de Donald Trump, déjà évoquée depuis des mois par les élus du Congrès les plus à gauche. Ces derniers souhaitent ouvrir une procédure de destitution contre le président américain, notamment en raison des pressions exercées sur l’enquête sur les ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016. Ces nouvelles accusations ont rallié de nombreux modérés à leur cause.

La Constitution prévoit que le Congrès puisse destituer le président (ou le vice-président, ou des juges fédéraux…) en cas de « trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs ». La procédure se déroule en deux étapes. D’abord, la Chambre des représentants enquête et vote, à une majorité simple (218 voix sur 435), des articles de mise en accusation détaillant les faits reprochés au président : c’est ce qui s’appelle « impeachment » en anglais. En cas de mise en accusation, le Sénat, chambre haute du Congrès, procède au procès du président. Au terme des débats, les 100 sénateurs votent sur chaque article. Il faut une majorité de deux tiers pour condamner, auquel cas la destitution est automatique et sans appel. Autrement, le président est acquitté.

Quels sont les précédents dans l’Histoire américaine ?

Jamais un président n’a été destitué dans l’histoire américaine. Deux présidents ont en revanche été mis en accusation pour être finalement acquitté : les démocrates Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton poursuivi pour « parjure » en 1998 dans le cadre de sa liaison avec la stagiaire de la Maison Blanche Monica Lewinsky. Le républicain Richard Nixon, en 1974, a préféré démissionner pour éviter une destitution certaine par le Congrès en raison du scandale du Watergate.

Dans cette procédure, le rôle de la Justice est nul. Les décisions de destitution ne sont pas contrôlées par le pouvoir judiciaire, le Congrès est le seul juge. La justice ordinaire n’a pas non plus les moyens d’inculper un président en exercice. Cela « nuirait » au fonctionnement de la Maison Blanche a estimé le ministère de la Justice en 1973 et en 2000 dans des mémos qui font référence.

Pourquoi les démocrates ont-ils hésité?

Nancy Pelosi s’était jusque-là opposée à emprunter cette voie, par peur que la procédure de destitution monopolise le débat, au détriment des sujets de fond de la campagne présidentielle de 2020. Sachant qu’elle a peu de chances d’aboutir en raison de la majorité républicaine au Sénat, Nancy Pelosi craignait aussi que l’exercice se retourne contre les démocrates et renforce les clivages partisans dans le pays.

Lors des élections générales de 2000, les républicains avaient été pénalisés par la virulence de la tentative d’impeachment de Bill Clinton. Mardi, Donald Trump a dénoncé une « chasse aux sorcières de caniveau », mais estimé que l’action des démocrates aurait un effet « positif » sur sa campagne de réélection.

Cette procédure peut-elle se retourner contre le camp démocrate ?

Désireux de retourner la situation, Donald Trump martèle que Joe Biden et son fils sont « corrompus », et que leur conduite en Ukraine est « scandaleuse ». Le président accuse son rival d’avoir demandé le limogeage d’un procureur ukrainien, afin de protéger les affaires de son fils.

Avocat et investisseur, Hunter Biden a bien siégé de 2014 à 2019 au conseil de surveillance du producteur de gaz ukrainien Burisma. Cette entreprise a, un temps, été la cible d’une enquête pour corruption mais Hunter Biden n’a jamais été publiquement mis en cause. Quant à son père, en tant que vice-président américain, il a effectivement plaidé en 2015 pour le limogeage du procureur général Viktor Chokine, et utilisé des menaces financières pour le faire tomber.

Donald Trump, président des États-Unis

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Mais ses appels s’inscrivaient dans le cadre d’efforts coordonnés avec l’Union européenne et le FMI, notamment, pour écarter ce procureur, accusé de couvrir la corruption dans son pays et de saboter les réformes du gouvernement mis en place après un soulèvement populaire en 2014. Joe Biden assure ne jamais avoir été informé des affaires financières de son fils à l’étranger. Pour lui, Donald Trump a « abusé de son pouvoir » parce qu' »il se sent menacé ».

LEXPRESS, avec AFP

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