Le 17 mars 2019, l’armée malienne et les Maliens s’en souviendront longtemps. Une date sombre et, désormais, tristement célèbre pour tout le pays. Ce jour, en effet, nos jeunes soldats ont été attaqués par des djihadistes emmenés par un certain Bah Ag Mossa. Le camp qui contenait plus de deux-cents soldats a été mis à feu et à sang avec plus d’une vingtaine de morts dans les rangs des Fama (Forces armées maliennes) ; sans compter tout le matériel brûlé, les soldats blessés et ceux qui sont allés se réfugier dans les familles et villages environnants.
Comment un tel forfait a pu être commis par un colonel déserteur ? Comment nos soldats ont pu être pris à défaut de la sorte ? De quelle complicité les djihadistes ont-ils bénéficié ? Ba Ag Mossa était-il en contact avec la Cma (Coordination des mouvements de l’Azawad) ? La Cma était-elle au courant de cette attaque ?
Autant de questions que les Maliens ne cessent de se poser. Lesquelles tirent leur légitimité du fait que, quelques jours, auparavant, cette même coordination avait rendu public un communiqué dans lequel elle fustigeait le comportement du gouvernement qui, selon elle, violait l’Accord pour la paix et la réconciliation, à travers la prise de certaines mesures unilatérales.
Pour notre part, nous avons tenté, en vue de satisfaire aux nombreuses demandes et questionnements de nos lecteurs, de poser ces questions au premier responsable de la Cma (Coordination des mouvements armés de l’Azawad), Algabass Ag Intallah. Sans détour, il donne son point de vue sur l’attaque de Dioura, les liens de la Cma avec Ba Ag Mossa, ses rapports avec Iyad Ag Ghaly. Lisez plutôt….
Algabass Ag Intallah est formel : «Nous n’avons rien à voir avec Ba Ag Mossa. Le seul objectif de ceux qui accusent la Coordination des mouvements armés de l’Azawad(Cma) de complicité dans l’attaque de Dioura, c’est de discréditer notre Mouvement (signataire pourtant de l’Accord) aux yeux de nos partenaires et de la communauté internationale».
C’est ainsi que le patron de la Cma a introduit notre entretien qui a eu lieu en début de semaine. Un échange au cours duquel il a rejeté toutes les accusations relatives à l’implication de son mouvement dans l’attaque du camp de Dioura.
Pour Algabass Ag Intalla, qui a déploré l’attaque de cette ville, les militaires ont été surpris par des djihadistes d’Aqmi qui ont fait un grand nombre de victimes comme cela a souvent été le cas depuis un certain temps. Sinon, poursuivra-t-il, «s’il s’agit de nous défendre, nous n’avons pas besoin de nous cacher derrière Aqmi ou un autre mouvement».
D’ailleurs, a rappelé notre interlocuteur, le 14 mai 2014, «quand nous nous sommes sentis menacés, à Kidal, nous avons riposté. On n’a pas eu besoin d’autres mouvements ou groupements. Déjà, à l’époque, on a parlé de complicité avec Aqmi et autres groupes djihadistes». «Seulement, poursuivra Algabass, nous étions seuls et nous avions nos armes dans des conteneurs dans la ville. Nous n’avions eu qu’à nous en servir».
Pour répondre à notre question relative à la non-condamnation par la Cma de l’attaque de Dioura, notre interlocuteur n’y est pas allé par quatre chemins : «C’est vrai, nous n’avons pas publiquement condamné l’attaque de Dioura. La raison est simple : c’est en réaction aux propos du ministre de la Défense qui a accusé, comme le patron de la Minusma, les mouvements signataires de complicité». «Pour nous, poursuivra le président de la Coordination des mouvements armés de l’Azawad(Cma), il n’y avait plus aucune raison d’essayer de condamner ou de justifier notre position.»
Au sujet de ses relations avec Iyad AgGhaly, il a été on ne peut plus clair : «Iyad est un frère mais il a ses convictions et j’ai les miennes». Est-il (Iyad Ag Ghaly) présentement en Algérie ou au Mali ? «Je ne sais vraiment pas».
Pour revenir à l’attaque de Dioura, le fils de feu Intalla Ag Attaherapportera les précisions suivantes : «Ba Ag Mossa n’est pas Diarra. Il s’appelle Ba Ag Mossa. Il a été Colonel de l’armée malienne et ceux qui accusent la Cma le savent. Mécontent, il a déserté l’armée et a rallié Iyad et Aqmi. Aujourd’hui, c’est un des proches parmi les proches d’Iyad et il agit en tant que tel».
À propos du retrait de la Coordination des mouvements armés de l’Azawad du Comité de suivi de l’Accord, notre interlocuteur avoue que cela n’a pas d’impact réel sur la mise en œuvre de l’Accord : «C’était juste pour manifester notre mécontentement par rapport à certains comportements du gouvernement et puis, c’est juste un cadre qui se réunit tous les jeudis. Ce n’est pas une instance aussi importante. Ce sont juste des réunions qui se tiennent chaque jeudi. Nous restons dans le CSA (Comité de suivi de l’Accord) et toutes les autres structures».
Évoquant l’évolution de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, Algabass Ag Intalla s’est dit «déçu du Premier ministre SoumeylouBoubèyeMaïga et du ministre Bouaré dont la venue avait, selon lui, susciter énormément d’espoir au sein des mouvements signataires».
Quant à la rumeur selon laquelle le gouvernement paie la Coordination des mouvements armés de l’Azawad pour sécuriser le gouverneur, le président de la Coordination y a apporté un démenti formel. «C’est le gouverneur qui paie directement les éléments qui le sécurisent. Il peut leur donner autant de millions ou de milliards qu’il souhaite, ce n’est pas notre problème».
Le fils de feu l’Amenokal Intallah Ag Attaher a fini par faire une proposition quant à la gestion du pays : «Il faut des décisions radicales pour changer ce pays, pas des colmatages.»
Makan Koné
Nouvelle Libération