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Après l’ONU : Le Pouvoir et nous

Aggravation de la situation sécuritaire déjà intenable par des discours, expulsion de diplomates, éjection des Forces Barkhane et Takuba, cherté de la vie et mauvais casting du DG de l’EDM-SA… Le pays de Modibo Keita se singularise par sa rupture d’avec la scène internationale alors que le peuple se démêle pour joindre les deux bouts. Retour sur la chronologie des faits marquant la transition d’Assimi Goita. 

Le retour triomphal à Bamako du Premier ministre par intérim Abdoulaye Maiga de la 77e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, le mardi 27 septembre dernier. Bamako était en liesse. La route de l’aéroport international Modibo Keita est bondée du monde des deux sens. Debout dans le véhicule qui le transporte depuis sa descente d’avion, celui qui assure l’intérim de Dr Choguel Kokala Maiga se montre fier. Il sourit, salue de part et d’autre une foule acquise à sa cause, tenant en main un tableau à l’effigie du Président de la transition Assimi Goita. Le message est compris.

Sentiment conflictuel

Le discours tenu par le Colonel Abdoulaye Maiga à la tribune des Nations Unies a été diversement apprécié au sein de l’opinion publique nationale et internationale. Sur le réseau social Facebook, très largement suivi par les internautes maliens, le constat était réel. Si certains ont salué le ton « offensif » porté à l’endroit des Chefs d’Etat des pays voisins, particulièrement le président du Niger, Mohamed Bazoum, d’autres auraient préféré le voir dans une posture plus amicale et plus respectueuse, que d’en ajouter un sentiment conflictuel à la situation du pays déjà délétère. 

Au sein de la classe politique, des formations politiques pas des moindres à l’image de l’ADMA-PASJ, de YELEMA et d’autres, ont exprimé leurs désaccords. On se rappelle qu’à la 76e session ordinaire, en 2021, le Premier ministre Choguel Kokala Maiga avait tenu presque le même discours, accentué par cette célèbre phrase : « La France a abandonné le Mali en plein vol ». C’est dire que, d’année en année, la température monte.

Sur toutes les lèvres, au grin comme dans les salons feutrés et des plateformes de discussion Whatsapp, de la capitale aux trois Caïmans au bord du fleuve Joliba, pour beaucoup, le discours d’Abdoulaye Maiga à l’ONU semble passer à côté de l’essentiel.

C’est pourquoi l’appel lancé par certains mouvements soudainement créés pour lui réserver un accueil populaire et à sa délégation a irrité certains citoyens.

«On va continuer à se mobiliser en milliers laissant toutes nos occupations (des activités susceptibles de développer le pays) pour aller acclamer un des discours tenus ailleurs. Autrement dit : On arrête de travailler pour parler, chanter… On a vu quel pays se développer ainsi ?», S’insurge un citoyen membre de l’AMLCDF (Association malienne de lutte contre la délinquance financière).

Surfant volontiers sur un nationalisme souverainiste toujours vivace depuis le « refus » de Modibo Keita de coopérer avec la France, après l’éclatement de la fédération du Mali le 20 août 1960, les autorités de la transition ont le vent en pompe quand il s’agit de défendre le Mali et les Maliens à l’international comme dans la sous-région.

Ce que certains maliens considèrent comme de la dignité retrouvée eu égard à la posture de la transition vis-à-vis des partenaires et des amis du pays, proche et lointain, selon un diplomate ouest africain accrédité à Bamako, cela n’est pas de nature à aider le Mali dans ce monde planétaire où les hommes sont condamnés à commercer ensemble.

Expulsion des diplomates et retrait de Barkhane

De la chute du régime démocratiquement élu d’Ibrahim Boubacar Keita, le 18 août 2020, à l’arrivée des militaires au pouvoir, beaucoup d’eau ont coulé sous le pont Fahd. Tant les tenants du pouvoir ont mis les bouchées doubles pour rappeler à la CEDEAO et à la communauté internationale la ligne de conduite choisie par Bamako.  

Nous sommes le 25 octobre 2021. Le représentant de la CEDEAO, Pr. Hamidou Bolly, a été expulsé du Mali. Mercredi 26 janvier 2022, le gouvernement du Mali a demandé aux militaires danois, déployés dans le cadre de Takuba, de quitter son territoire. De même que l’ambassadeur de la France à Bamako le 31 janvier 2022.

La demande de retrait des forces Barkhane et Takuba a été formulée officiellement par les autorités maliennes, le 18 février 2022. Les autorités françaises ont annoncé le retrait de l’ensemble de leurs troupes du Mali le 15 août 2022. 

Le 15 mai, un communiqué du gouvernement annonçait le retrait du Mali du G5 Sahel. Le 20 juillet de la même année, le porte-parole de la Minusma, M. Olivier Salgado, est expulsé de Bamako après avoir diffusé des « informations inacceptables » sur l’affaire des 49 militaires ivoiriens qualifiés de mercenaires arrêtés à l’aéroport international Modibo Keita Bamako-Senou, le 10 juillet 2022. A titre humanitaire, le président de la Transition Assimi Goita a ordonné la libération de 3 femmes soldats ivoiriennes sur les 49, le 3 septembre 2022. Pour obtenir la libération des soldats ivoiriens détenus, d’âpres négociations ont été menées par des Chefs d’Etats ouest africains, sans succès à présent.

Insécurité, cherté de la vie et mauvais casting du DG de l’EDM-SA 

Cependant, l’arbre ne doit pas cacher l’immense forêt de défis à la fois sécuritaire ; la mauvaise campagne agricole à certains endroits, le coût élevé de la vie, le délestage intempestif en plein hivernage à Bamako et dans les régions depuis l’arrivée à la tête de l’EDM-SA de l’ingénieur en informatique Koureisi Konaté. Faut-il voir l’incompétence de ce dernier à résoudre le problème de délestage devenu malheureusement récurrent ? Rien n’est moins sûr. 

Au centre, la situation sécuritaire reste une préoccupation majeure, malgré les opérations d’envergure de sécurisation des populations. Les groupes armés djihadistes continuent de dicter leurs lois à certains endroits du pays. Du 25 mai au 25 août derniers, un blocus avait été instauré sur la route nationale entre Douentza et Hombori en passant par Boni par des hommes armés non identifiés. Les compagnies de transport en commun qui quittaient Bamako pour Gao étaient contraintes de s’arrêter à Douentza.

Une situation qui a créé un véritable business pour les transporteurs en pick-ups, qui devaient, à leur tour, par contournement conduire des passagers jusqu’à Hombori moyennant une forte somme d’argent, où d’autres cars de leurs compagnies abandonnées à Douentza étaient aussi stationnées en partance pour Gao. Et vice versa. 

A la mi-septembre, une mine artisanale était enfouie, sur la route nationale, à quelque encablure de San. Les usagers étaient contraints de contourner le passage pendant longtemps.   

Manifestement, la situation sécuritaire constitue un calvaire pour les populations. A Mondoro, la plus grande commune rurale de la région de Douentza érigée en cercle, les habitants restent cloitrés depuis 2019, privés de leurs activités champêtres, tous leurs bétails volés du fait de la situation sécuritaire délicate. Même si l’assurance leur avait été donnée par des militaires en poste dans le village, au début d’hivernage, les habitants n’ont pas pu cultiver les 2% de leur superficie cultivable, malgré l’abondance de la pluie cette année.   

Au sud, la campagne agricole a été fortement mise en difficulté pour faute d’approvisionnement à temps des engrais et son coût élevé. Il faut noter que le sac de 50 kg avoisinait 40.000 FCFA, le double de la saison écoulée. A Koutiala, certains producteurs du coton ont dû sursoir à la production, cette année, en faisant la rotation des cultures.

«On ne pouvait pas acheter des engrais cette année, c’était trop cher. On a dû cultiver à la place du coton le maïs ou l’arachide. Sinon, sans cela, nous serions endetté par la CMDT », raconte un cultivateur à Koutiala.

A Bamako la vie chère frappe tout le monde ou du moins des citoyens à faible revenu. Les prix des produits alimentaires connaissent une augmentation inégalée. Jadis cédé à moins de 15.000 FCFA, le 50 kg du petit mil atteint désormais 25.000 FCFA. De même que le riz de 50 kg cédé au même prix sur le marché à travers Bamako.

Aujourd’hui, nombreuses sont des femmes qui vont au marché les bras ballants, y retournent avec des sachets. C’est dire que le panier de la ménagère est devenu le sachet de la ménagère. Au sein des organisations syndicales le ton monte où d’autres appellent à la grève afin de rétablir l’équilibre.

Pour ne rien arranger à la situation difficile du pays, le délestage intempestif est devenu très fréquent  à Bamako et dans les grandes villes du pays en cette période de pluie, indigne également plus d’un. Plus de 5 heures de coupures d’électricité voire une nuit entière ou une journée dans certains quartiers de la capitale, des jours d’affilés, sombrent les populations dans l’obscurité, paralysent les activités dans le secteur public comme le privé. 

Quoi de plus normal pour des observateurs avertis de rappeler que le pouvoir se doit de développer une philosophie du travail, offrir à la jeunesse du travail et finir une bonne fois pour toute avec des discours politiques. Un tour d’horizon des actes posés jusque-là et le vécu des populations maliennes démontrent à quel point nous devons encore mettre pression sur nous-mêmes d’abord, en méditant incessamment cette pensée de l’historien britannique Henry Thomas Buckle (1821-1862) : « Les grands esprits discutent des idées (des projets) ; les esprits moyens discutent des évènements ; les petits esprits parlent des gens ».

Ousmane Anouh Morba

Source: Nouveau Courrier

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