Alors que le Mali, le Burkina Faso et le Burkina ont annoncé leur retrait de la CEDEAO au profit de l’Alliance des États du Sahel (AES), l’organisation sous-régionale dresse une litanie d’implications sur les plans politique, socioéconomique, financier et institutionnel pour les trois pays concernés et pour la CEDEAO en tant que groupe.Un moyen de tuer l’AES dans l’œuf ?
D’abord, dans son communiqué final ayant sanctionné son Sommet extraordinaire de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement à Abuja, le 24 février 2024, la CEDEAO a rappelé, ‘’dans le cadre de la coopération régionale pour la lutte contre le terrorisme, contre l’extrémisme violent et la criminalité organisée, ces trois pays ont bénéficié d’une enveloppe de 100 millions de dollars des Etats Unis, mobilisés par l’UEMOA au titre du Plan d’action de la CEDEAO contre le terrorisme. Par ailleurs d’autres montants ont été alloués à ces pays (7,5 millions de dollars) en vue de l’acquisition d’équipements destinés à les aider à lutter contre le terrorisme’’.
Comme implications politiques et sécuritaires, prévient la CEDEAO, ‘’ le retrait aura des incidences sur la coopération en matière de sécurité, d’échange de renseignements et de participation aux initiatives régionales de lutte contre le terrorisme, notamment l’initiative d’Accra et les activités de la Force multinationale mixte’’.
Selon la Conférence des Chefs d’Etats, ce ‘’retrait pourrait également conduire à un isolement diplomatique et politique sur la scène internationale, où les pays avaient obtenu un soutien pour leurs candidats et leur candidature durant les compétitions à des postes internationaux au sein de l’Union africaine, des Nations unies et d’autres organismes similaires’’.
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Communiqué Final du Sommet de la CEDEAO sur le Niger, le Mali, le Burkina et la Guinée
Implications socioéconomiques
Le communiqué final précise que le retrait du Mali, du Burkina et du Niger de la CEDEAO ‘’affectera automatiquement le statut de leurs citoyens en matière d’immigration, puisqu’ils devront peut-être obtenir un visa pour voyager dans la région’’. « Les citoyens pourraient ne plus bénéficier du droit de résidence ou de création d’entreprises prévus par les accords de la CEDEAO, et pourraient être soumis à diverses lois nationales. Les trois pays cesseront d’utiliser le passeport, la carte d’identité nationale biométrique de la CEDEAO, et l’assurance automobile « Carte brune de la CEDEAO » à l’échelle de la région », souligne le document.
Alors que ces trois pays représentent 17,4 % des 425 millions d’habitants de la région, ‘’leur retrait entrainera une réduction de la taille du marché de la CEDEAO’’, précise le communiqué de la CEDEAO, même si ces trois pais ‘’représentent 10 % du PIB de la région’’.
Aussi, le retrait de ces Etats membres de la CEDEAO pourrait ‘’perturber le commerce intracommunautaire, en particulier le commerce de produits non transformés tels que le bétail, le poisson, les plantes, les produits agricoles, les produits minéraux et les produits artisanaux traditionnels, ainsi que les produits industriels d’origine communautaire’’.
Possible arrêt ou suspension des projets/programmes
Avec la CEDEAO, le Mali, le Burkina Faso et le Niger bénéficient des projets/programmes, qui se chiffrent à une ‘’valeur supérieure à 500 millions de dollars des Etats Unis’’. Leur retrait pourrait entraîner l’arrêt ou la suspension de tous les projets/programmes.
Selon le communiqué final du Sommet, les trois pays bénéficient de plusieurs projets et programmes régionaux ? Il s’agit entre autres de la ‘’réserve régionale de sécurité alimentaire (les trois pays accueillent, dans le cadre de la réserve régionale, des stocks de près de 17.000 tonnes, soit 52 % du stock régional, le Programme régional d’appui au pastoralisme au Sahel (PRAPS -financé par la Banque mondiale) d’un montant de 215 millions de dollars US pour les trois États membres, le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel (PARIIS -financé par la Banque Mondiale) d’un montant de 103,43 millions de dollars US pour les trois États membres’’.
Les projets dont bénéficient de la CEDEAO concernent aussi ‘’ le Programme régional d’appui à la résilience des systèmes alimentaires (PRSA -financé par la Banque mondiale) d’un montant de 230 millions de dollars US pour les trois États membres, le Projet d’identité unique pour l’intégration régionale et l’inclusion en l’Afrique de l’Ouest (WURI)’’, et ‘’ le projet de marché régional de l’électricité de la CEDEAO (Système d’échange d’énergie électrique ouest africain) qui relie tous les États membres à un réseau électrique régional, afin d’améliorer l’accès à l’électricité, implique également les trois États membres’’.
Implications financières
Au Mali, au Burkina et au Niger, la BIDC et la BOAD, deux institutions financières régionales, ont des engagements considérables. Actuellement la BIDC a financé 27 projets du secteur public, en cours (Burkina Faso 9, Mali 8, et Niger 10) et un total de 20 projets du secteur privé (Burkina Faso 5 ; Mali -13 et Niger- 2). « Ces projets sont collectivement évalués à environ 321.634.253 dollars US, dont ceux du secteur public représentent 38,1 dollars et ceux du privé, 61,9 % », lit-on dans le document.
Le communiqué final du sommet précise que le portefeuille de la Banque dans les trois pays représente environ 22,5 % de son portefeuille total dans les 15 États membres. « Les trois pays ont contribué au capital de la Banque pour un montant total de 33.135.445,38 de dollars Etats Unis, réparti comme suit : Burkina Faso – 13 millions de dollars, Mali – 9,5 millions de dollars et Niger – 10,5 millions de dollars », note la Conférence des Chefs d’Etat.
Implications institutionnelles
Au plan institutionnel, ‘’le retrait des trois États membres nécessitera non seulement la fermeture de quatre agences régionales au Burkina Faso, de deux organismes régionaux au Mali et d’un bureau régional au Niger, il affectera également la sécurité de l’emploi de quelque 130 membres du personnel de la CEDEAO, qui sont des citoyens des trois pays : 77 du Burkina Faso, 23 du Mali et 32 du Niger’’.
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Une CEDEAO de désintégration ?
Malgré ces conséquences, les trois aujourd’hui au sein de l’AES n’entendent pas courber l’échine, ils son résolument engagés à donner corps à leur vision commune : l’ES. « D’une organisation d’intégration, la CEDEAO est devenue une Organisation de désintégration aux mains de puissances hostiles aux intérêts des Peuples de l’Afrique de l’Ouest, à travers, notamment, des sanctions illégales, illégitimes et inhumaines, et qui d’ailleurs sont toujours en cours contre le Peuple du Niger, dont nous saluons à nouveau la résilience », avait pesté Colonel Abdoulaye Maïga, ministre d’Etat, ministre de l’Administration et de la Décentralisation, Porte-Parole du Gouvernement du Mali, lors de la cérémonie d’ouverture de la réunion des ministres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) à Ouagadougou, le jeudi 15 février dernier.
Dans ses griefs, le ministre Maïga a regretté que la CEDEAO, censée souder le tissu social entre les populations, ‘’ est devenue, par le fait de certains dirigeants, un instrument qui a tenté de monter les populations les unes contre les autres’’. « D’une organisation appelée à soutenir les efforts des Gouvernements pour la stabilisation des Etats, la CEDEAO n’a trouvé d’autre inspiration malheureuse que de menacer d’attaquer militairement un Etat souverain, dont la population a simplement décidé de prendre son destin en main », a-t-il regretté.
Et le Porte-Parole du Gouvernement de la Transition de conclure que ‘’ cette CEDEAO actuelle est l’illustration parfaite de ce que, plaise à Dieu, l’AES ne sera jamais’’. Car, dit-il, l’AES est, et demeurera une Alliance d’Etats unis par une ambition commune d’une émancipation de l’Afrique.
Pour l’heure, aucune réaction officielle des autorités des trois pays de l’AES sur les décisions du Sommet de mettre un terme aux sanctions infligées aux trois pays à la suite des coup d’Etat.
Cyril Roc DACK / Icimali.com