D’importantes décisions ont été prises au sommet extraordinaire de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO à Abuja, le 24 février 2024 sur la situation politique, la paix et la sécurité dans la région, notamment au Niger, au Mali, au Burkina et en Guinée, mais aussi au Sénégal. Communiqué Final
Communiqué Actualité UNE

Communiqué Final du Sommet de la CEDEAO sur le Niger, le Mali, le Burkina et la Guinée

D’importantes décisions ont été prises au sommet extraordinaire de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO à Abuja, le 24 février 2024 sur la situation politique, la paix et la sécurité dans la région, notamment au Niger, au Mali, au Burkina et en Guinée, mais aussi au Sénégal. Communiqué Final.

  1. La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est réunie en session extraordinaire le 24 février 2024 à Abuja, au Nigeria, sous la présidence de S.E. Bola Ahmed TINUBU, Président de la République fédérale du Nigeria et Président en exercice de la Conférence.
  2. Ce Sommet extraordinaire avait été convoqué dans le but de procéder à un examen de la situation politique, de la paix et de la sécurité en Afrique de l’Ouest.
  3. Etaient présents à cette session, les Chefs d’Etat et de Gouvernement suivants ou leurs représentants dûment mandatés :
  • S.E. Patrice TALON, Président de la République du Bénin,
  • S.E. Alassane OUATTARA, Président de la République de Côte d’Ivoire,
  • S.E. Nana Addo Dankwa AKUFO-ADDO, Président de la République du Ghana,
  • S.E. Umaro Sissoco EMBALO, Président de la République de Guinée Bissau,
  • S.E. Bola Ahmed TINUBU, Président de la République fédérale du Nigeria,
  • S.E. Macky SALL, Président de la République du Sénégal,
  • S.E. Julius Maada BIO, Président de la République de Sierra Leone,
  • S.E. Faure Essozimna GNASSINGBE, Président de la République Togolaise,
  • S.E. Muhammed B. JALLOW, Vice-président de la République de Gambie,
  • S.E. Amb. Belarmino M. SILVA, Ambassadeur de la République de Cabo Verde auprès de la République du Nigeria et de la CEDEAO,
  • S.E. Amb. Alhassan CONTEH, Ambassadeur de la République du Liberia auprès de la République fédérale du Nigeria et de la CEDEAO.
  1. Ont également assisté à cette session :
  • S.E. Dr Omar Alieu TOURAY, Président de la Commission de la CEDEAO,
  • S.E. Amb. Bankole Adeoye, Commissaire aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité, à la Commission de l’Union Africaine, représentant le Président de la Commission, S.E. Moussa Faki Mahamat,
  • S.E. Leonardo Santos SIMÃO, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel et chef de l’UNOWAS.
  • S.E. Dr. George Agyekum Nana Donkor, Président de la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (EBID),
  • S.E. Jean-Claude Kassi-Brou, Gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO),
  • L’Ambassadeur Baba Kamara, Représentant Spécial de la CEDEAO en matière de lutte contre le terrorisme.

La Conférence, ayant

  1. Pris connaissance des mémorandums présentés par le Président de la Commission de la CEDEAO sur la situation politique, la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest ;
  2. Largement débattu des dernières évolutions au sein de la région ;
  3. Fait le point de la situation en République du Niger, depuis le 26 juillet 2023, date à laquelle les militaires en République du Niger ont renversé le gouvernement du Président Mohamed Bazoum et l’ont placé en résidence surveillée ;
  4. Examiné en détail les notifications reçues du Burkina, du Mali et du Niger concernant leur décision de se retirer de la CEDEAO ;

Au titre de la République du Niger, la Conférence

Rappelle les décisions qu’elle avait prises à l’issue des deux premières sessions extraordinaires consacrées au Niger et s’étant tenues respectivement le 30 juillet et le 10 août 2023, outre les décisions issues de sa 64ème session ordinaire tenue le 10 décembre 2023 ;

  1. Note avec regret qu’en dépit des multiples efforts déployés par la CEDEAO, l’ancien Président Mohamed Bazoum demeure en détention et aucun plan de transition n’a été élaboré par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) qui dirige le pays ;
  2. Rappelle le principe de la tolérance zéro de la CEDEAO pour la prise de pouvoir par des voies anticonstitutionnelles, tel qu’inscrit dans les protocoles de la CEDEAO, la Charte de l’Union Africaine et d’autres instruments internationaux ;
  3. Réitère son engagement à maintenir le dialogue avec le gouvernement du Niger dans l’objectif d’obtenir la libération du Président Bazoum et de convenir d’un chronogramme de transition ;
  4. Prend note de la période du Carême chrétien et de l’approche du mois béni du Ramadan.
  5. Prend également note de l’appel lancé aux dirigeants de la région par Son Excellence le Général Yakubu Gowon, ancien Chef de l’Etat en République fédérale du Nigeria et père fondateur de la CEDEAO, ainsi que des requêtes formulées par la Fondation Malehossou au Bénin et par plusieurs autres personnalités et organisations humanitaires, concernant la situation au Niger.

S’agissant du retrait des trois pays

  1. La Conférence note que ce retrait aura des implications sur les plans politique, socioéconomique, financier et institutionnel pour les trois pays concernés et pour la CEDEAO en tant que groupe.

Concernant les implications politiques et sécuritaires

  1. La Conférence rappelle que, dans le cadre de la coopération régionale pour la lutte contre le terrorisme, contre l’extrémisme violent et la criminalité organisée, ces trois pays ont bénéficié d’une enveloppe de 100 millions de dollars des Etats Unis, mobilisés par l’UEMOA au titre du Plan d’action de la CEDEAO contre le terrorisme. Par ailleurs d’autres montants ont été alloués à ces pays (7,5 millions de dollars) en vue de l’acquisition d’équipements destinés à les aider à lutter contre le terrorisme.
  2. Le retrait aura des incidences sur la coopération en matière de sécurité, d’échange de renseignements et de participation aux initiatives régionales de lutte contre le terrorisme, notamment l’initiative d’Accra et les activités de la Force multinationale mixte.
  3. Le retrait pourrait également conduire à un isolement diplomatique et politique sur la scène internationale, où les pays avaient obtenu un soutien pour leurs candidats et leur candidature durant les compétitions à des postes internationaux au sein de l’Union africaine, des Nations unies et d’autres organismes similaires.

Sommet de la CEDEAO du 24 février 2024 : Bonnes nouvelles pour le Niger, le Mali et le Burkina Faso

Implications socioéconomiques

  1. Le retrait des trois États membres affectera automatiquement le statut de leurs citoyens en matière d’immigration, puisqu’ils devront peut-être obtenir un visa pour voyager dans la région. Les citoyens pourraient ne plus bénéficier du droit de résidence ou de création d’entreprises prévus par les accords de la CEDEAO, et pourraient être soumis à diverses lois nationales. Les trois pays cesseront d’utiliser le passeport, la carte d’identité nationale biométrique de la CEDEAO, et l’assurance automobile « Carte brune de la CEDEAO » à l’échelle de la région.
  2. Ensemble, ces trois pays représentent 17,4 % des 425 millions d’habitants de la région. Même s’ils représentent 10 % du PIB de la région, leur départ entrainera une réduction de la taille du marché de la CEDEAO.
  3. Le retrait pourrait également perturber le commerce intracommunautaire, en particulier le commerce de produits non transformés tels que le bétail, le poisson, les plantes, les produits agricoles, les produits minéraux et les produits artisanaux traditionnels, ainsi que les produits industriels d’origine communautaire.
  4. Par ailleurs, la Conférence note que les trois pays bénéficient de plusieurs projets et programmes régionaux, notamment :
  5. La Réserve régionale de sécurité alimentaire (les trois pays accueillent, dans le cadre de la réserve régionale, des stocks de près de 17.000 tonnes, soit 52 % du stock régional).
  6. Le Programme régional d’appui au pastoralisme au Sahel (PRAPS -financé par la Banque mondiale) d’un montant de 215 millions de dollars US pour les trois États membres.
  7. Le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel (PARIIS -financé par la Banque Mondiale) d’un montant de 103,43 millions de dollars US pour les trois États membres.
  8. Le Programme régional d’appui à la résilience des systèmes alimentaires (PRSA -financé par la Banque mondiale) d’un montant de 230 millions de dollars US pour les trois États membres.
  9. Le Projet d’identité unique pour l’intégration régionale et l’inclusion en l’Afrique de l’Ouest (WURI).
  10. Le projet de marché régional de l’électricité de la CEDEAO (Système d’échange d’énergie électrique ouest africain) qui relie tous les États membres à un réseau électrique régional, afin d’améliorer l’accès à l’électricité, implique également les trois États membres.
  11. Le retrait des trois États membres pourrait entraîner l’arrêt ou la suspension de tous les projets/programmes de la CEDEAO, qui se chiffrent à une valeur supérieure à 500 millions de dollars des Etats Unis.

Implications financières

  1. La Conférence note que les deux institutions financières régionales, la BIDC et la BOAD, ont des engagements considérables dans les trois pays. La BIDC a actuellement 27 projets du secteur public en cours dans les trois pays (Burkina Faso 9, Mali 8, et Niger 10) et un total de 20 projets du secteur privé (Burkina Faso 5 ; Mali -13 et Niger- 2). Ces projets sont collectivement évalués à environ 321.634.253 dollars US, dont ceux du secteur public représentent 38,1 dollars et ceux du privé, 61,9 %.
  2. Le portefeuille de la Banque dans les trois pays représente environ 22,5 % de son portefeuille total dans les 15 États membres. Les trois pays ont contribué au capital de la Banque pour un montant total de 33.135.445,38 de dollars Etats Unis, réparti comme suit : Burkina Faso – 13 millions de dollars, Mali – 9,5 millions de dollars et Niger – 10,5 millions de dollars.

Implications institutionnelles

  1. À l’analyse des implications au niveau institutionnel, la Conférence note que le retrait des trois États membres nécessitera non seulement la fermeture de quatre agences régionales au Burkina Faso, de deux organismes régionaux au Mali et d’un bureau régional au Niger, mais qu’il affectera également la sécurité de l’emploi de quelque 130 membres du personnel de la CEDEAO, qui sont des citoyens des trois pays : 77 du Burkina Faso, 23 du Mali et 32 du Niger.

LA CONFÉRENCE DÉCIDE CE QUI SUIT :

Libération du Président Bazoum

  1. La Conférence demande la libération immédiate de Son Excellence Mohamed Bazoum, ancien Président de la République du Niger ainsi que des membres de sa famille et de tous les détenus politiques.

Au titre des sanctions

  1. La Conférence décide de la levée, avec effet immédiat, des sanctions suivantes qui avaient été imposées à la République du Niger :
  2. La fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Niger ;
  3. L’institution d’une zone d’exclusion aérienne de la CEDEAO sur tous les vols commerciaux à destination et en provenance du Niger ;
  4. La suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les États membres de la CEDEAO et le Niger ;
  5. Le gel de toutes les transactions de services, y compris les services publics et l’électricité vers la République du Niger ;
  6. Le gel des avoirs de la République du Niger auprès des banques centrales de la CEDEAO ;
  7. Le gel des avoirs de l’État nigérien, ainsi que des entreprises publiques et parapubliques du pays auprès des banques commerciales ;
  8. La suspension du Niger de toute assistance financière et de toute transaction avec toutes les institutions financières, notamment la BIDC et la BOAD ;
  9. L’interdiction de voyager pour les représentants du gouvernement et les membres de leur famille.
  10. La Conférence décide de lever les restrictions imposées au recrutement de citoyens de la République du Mali à des postes professionnels au sein des institutions de la CEDEAO.
  11. La Conférence décide de lever les sanctions financières et économiques à l’encontre de la République de Guinée.
  12. Elle instruit le Président de la Commission d’inviter tous les quatre États membres de la CEDEAO en transition aux réunions techniques et consultatives de l’organisation, ainsi qu’à toutes les réunions liées à la question de la sécurité.
  13. La Conférence décide de maintenir toutes les autres mesures prévues par les décisions et instruments pertinents de la CEDEAO et de l’Union africaine et de les réexaminer, le cas échéant, en fonction des progrès réalisés.
  14. La Conférence appelle les Institutions de la CEDEAO, les États membres, l’UEMOA et toutes les autres institutions régionales à mettre en œuvre les présentes décisions.

Concernant le retrait des trois pays, la Conférence :

  1. Prend note des notifications de retrait de la CEDEAO des trois États membres, à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger.
  2. Attire l’attention des trois États membres sur les dispositions de l’Article 91 du Traité révisé de la CEDEAO de 1993, relatif aux procédures à suivre en cas de retrait, tout en les exhortant à reconsidérer leur décision, au regard des avantages que l’appartenance à la Communauté procure à tous les États membres de la CEDEAO et à leurs citoyens.
  3. Se déclare préoccupée par les conséquences socio-économiques, politiques, sécuritaires et humanitaires de cette décision, notamment pour les citoyens des trois États membres et pour le processus d’intégration régionale, et invite instamment les trois États membres à recourir au dialogue, à la négociation et à la médiation pour répondre à leurs préoccupations.
  4. Exhorte les trois États membres à respecter les dispositions du Traité révisé de 1993 relatives au retrait, en particulier l’Article 91.
  5. Instruit la Commission de la CEDEAO de poursuivre le rapprochement et les propositions de la Communauté à l’égard des trois États membres et de rester saisie de la situation.
  6. Charge la Commission de la CEDEAO d’échanger avec l’Union africaine, l’UEMOA, l’ONU et d’autres organisations internationales ainsi qu’avec les partenaires bilatéraux sur la question, en vue de convaincre les trois États membres de rester dans la Communauté.
  7. Invite la Commission de la CEDEAO à renforcer les contacts de la Communauté avec les trois États membres en mettant à contribution les chefs traditionnels et religieux, les éminentes personnalités, la société civile et les femmes leaders pour l’unité et la sécurité de la région.
  8. Réitère la nécessité urgente pour la Commission de la CEDEAO d’accélérer l’opérationnalisation de la Force en attente, sous son mode cinétique, pour lutter contre le terrorisme dans la région, notamment les éléments de la Force Multinationale Conjointe (MNJTF) et l’Initiative d’Accra, conformément aux instructions de la Conférence. À cet égard, la Conférence instruit la Commission de convoquer dans les meilleurs délais la réunion des Ministres des Finances et de la Défense afin de proposer des modalités de financement et d’équipement de la force de lutte contre le terrorisme.
  9. Charge en outre la Commission d’élaborer une stratégie de communication efficace pour impliquer les États membres et les citoyens de la Communauté, compte tenu de la désinformation actuelle visant à porter atteinte à l’image de la CEDEAO.

S’agissant de la République du Sénégal

  1. La Conférence prend acte de la fin du mandat du Président Macky Sall le 2 avril 2024 et le félicite pour les réalisations remarquables en matière d’infrastructures et de développement économique qu’il a effectuées en tant que Président de la République du Sénégal, ainsi que pour son leadership exemplaire en Afrique et dans le monde.
  2. La Conférence appelle tous les acteurs sénégalais à privilégier le dialogue en vue de préserver les acquis démocratiques du Sénégal à travers une élection présidentielle libre, inclusive et transparente.

Au titre du Développement, de la Souveraineté et de l’Unité de l’Afrique

  1. Les Chefs d’État et de Gouvernement soulignent leur engagement en faveur de la souveraineté, de l’indépendance et de l’unité de l’Afrique.
  2. À cet égard, la Conférence appelle tous les partenaires à respecter la souveraineté et l’indépendance des États africains et à s’abstenir de toute intervention ou ingérence qui déstabilise les États membres et porte atteinte à l’unité régionale.
  3. La Conférence appelle, en outre, à un partenariat mondial efficace pour le développement socio-économique de la région par le biais, notamment, du commerce équitable et de la justice climatique.

Mot de Remerciements

  1. La Conférence exprime toute sa gratitude à Son Excellence le Général Yakubu Gowon pour l’intérêt qu’il porte au bien-être de la Communauté et pour ses précieuses suggestions.
  2. La Conférence exprime en outre sa reconnaissance à S.E. Bola Ahmed TINUBU, Président de la République Fédérale du Nigéria et Président en exercice de la Conférence de la CEDEAO, pour la convocation de cette Session extraordinaire et pour la compétence avec laquelle il a conduit les affaires de la Communauté.

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