La 24è édition du championnat national du Judo à Kayes, le dimanche 25 décembre 2022, frise le fiasco. Non seulement les conditions d’organisation et du déroulement de ce tournoi suscitent des frissons, une bonne partie des athlètes maliens et des clubs ont refusé de participer à ce rendez-vous.
L’organisation de la 24è édition du Championnat à Kayes semble être un échec. C’est du moins le constat au regard des conditions d’accueil des athlètes. Dans une lettre ouverte en date du 23 décembre 2022, adressée à la Fédération Malienne de Judo et Ju-Jitsu, l’entraîneur de l’équipe nationale, Dr. Tiefing Sissoko a attiré l’attention du président de la structure, M. Amadou B Traoré. En effet, précise la correspondance, « une partie de nos athlètes, après plus de 8 heures de trajet, ont passé la nuit du 22 au 23 décembre 2022 sur les tatamis de judo dans un espace dédié aux conférences ».
La catastrophe
Les conditions, selon l’entraîneur de l’équipe nationale, sont indignes en ce 21ème siècle. « J’ai reçu des vidéos, messages et photos des athlètes sur leur condition d’hébergement. Certains ont des matelas et beaucoup sont sur des tapis couchés par terre. De plus, le matin du 23 décembre, il a été demandé à une partie des athlètes de prendre leurs affaires et de quitter la salle car une conférence était prévue. Nos athlètes n’ont pas le repos nécessaire à la veille du championnat du Mali prévu demain samedi. A l’heure où j’écris ce message, certains athlètes sont dans les rues de Kayes livrés à eux-mêmes en attendant la fin de la conférence pour se reposer… », a narré Dr Tiefing Sissoko dans sa lettre ouverte.
Et le sélectionneur Sissoko de poursuivre : « Une bonne partie des athlètes maliens et des clubs ont refusé de participer au Championnat du Mali de judo. Ce refus a été motivé par les conditions précaires d’hébergement et par le choix porté sur une salle du Conseil de Cercle de Kayes pour la tenue des événements. Seule une surface de tapis pouvait être installée. »
Par ailleurs, « les entraîneurs des clubs ont jugé insuffisante la sécurité des athlètes. Un mouvement de masse s’est alors organisé. Les principaux clubs qui occupent le podium à chaque tournoi et tous les champions en titre, particulièrement les meilleurs combattants ayant représenté le Mali à l’extérieur ont protesté contre les conditions de cette compétition. Aucun de nos champions en titre et meilleur espoir masculin n’a participé à ce tournoi. Pouvons-nous leur tourner le dos ? »
N’ayant plus d’autres voies pour justifier le championnat du Mali, car n’ayant pas réussi à les sensibiliser, la fédération a décidé d’aller faire un tournoi avec des athlètes de Kayes.
Silence de la fédération
Les messages d’alertes envoyés au Directeur Technique, la nuit précédente, « sont restés sans réponse ». Pourquoi organiser le championnat du Mali à Kayes si les moyens ne permettent pas de l’assumer ?, a interrogé l’entraîneur de l’équipe nationale de judo.
Pour Dr Tiefing Sissoko, « ce traitement infligé » aux « athlètes est cruel ». D’où sa désolidarisation d’avec de telles pratiques, en tant qu’entraineur de l’équipe nationale. Qui d’ailleurs « les condamne ».
Pour tirer au clair cette affaire, Dr Sissoko a tiré l’attention du président de la fédération pour l’ouverture d’une « enquête pour situer les responsabilités ». « Certaines pratiques qui déshonorent notre sport doivent être abandonnées », a martelé le sélectionneur dans ladite correspondance. Car « l’humain est sacré ».
Des médailles imméritées ?
Une correspondance restée morte, le président n’ayant pas réagi. La catastrophe s’est poursuivie le dimanche 25 décembre 2022 avec la remise des médailles à « des athlètes débutants notamment de grade ceinture orange, verte et bleue ».
Cette situation sonne la dévalorisation du titre de Champion du judo malien et « devient un fait tout comme la possibilité de briser les carrières des athlètes ». « Tout le travail accompli avec les athlètes dans l’équipe nationale serait réduit à néant », regrette Dr Tiefing Sissoko.
Ce dernier, l’entraineur Sissoko, s’inquiète de la sélection des athlètes et ne serait pas prêt, dans son rôle d’entraineur, à aller à l’extérieur avec des gens à qui on vient de remettre des médailles non méritées.
Nécessité d’arbitrage du président
Dans une autre lettre ouverte (FMJJ N°2) datant de ce lundi 26 décembre 2022, pour éviter l’enlisement dans la crise, l’entraîneur de l’équipe nationale a sollicité l’« arbitrage » du Président de la fédération, Amadou B Traoré, lequel arbitrage il juge « nécessaire pour apaiser la tension soulevée par l’organisation ratée » de cette 24è édition du Championnat du Mali. « Il n’est jamais trop tard. Le judo malien a besoin de votre bon sens reconnu pour éviter une cristallisation de l’ambiance », a plaidé Dr Sissoko. Qui renchérit : « Monsieur le Président, ne laissez pas cette misère s’ajouter aux souffrances du judo malien. L’enlisement dans une crise par trop d’autoritarisme sans écoute des populations concernées serait désastreux pour notre sport. Il est possible d’envoyer des signaux positifs de prise en compte des préoccupations des athlètes et d’un engagement solennel de traitement bienveillant. Ce sentiment n’est pas partagé par tous. Dans un monde sportif en pleine mutation et dans l’optique de la préparation aux Jeux Olympiques de Paris 2024, la compétence et le mérite sont nos seuls atouts. Les propos récurrents « à l’impossible nul n’est tenu » ne sont que des marqueurs d’un aveu d’incompétence. Les solutions existent. Trouvons-les ensemble avec courage, honneur et sincérité. »
Somme toute, l’obstination de la fédération à organiser ce championnat viserait à justifier l’utilisation de l’argent public et de l’argent des sponsors pour un tournoi qui ne rime pas, de fait, avec le championnat du Mali. Il faut noter que l’échec du comité d’organisation soulève la question de la justification de l’argent dépensé.
Cyril Roc DACK/ Icimali.com