Tout semble être acté pour un départ définitif de la Minusma du sol malien d’ici décembre 2023. Cependant, l’année 2024 s’annonce décisive pour le pays car elle est l’année des défis électoraux qui doivent également sonner le glas de la transition qui a débuté depuis trois longues années. Des interrogations demeurent au sujet de l’organisation même de ces échéances électorales dans un contexte particulier.
À quelques mois de l’élection présidentielle de février 2024, les défis tant sur le plan logistique et sécuritaire s’annoncent colossaux. Le calendrier électoral, dressé en juin 2022 par les autorités de transition, a connu une perturbation avec le report du référendum qui s’est finalement tenu en juin dernier, au lieu de mars comme initialement prévu. Une autre question demeure toutefois : comment les différentes échéances pourraient-elles se tenir sans l’accompagnement logistique et sécuritaire de la Minusma qui s’apprête à quitter le pays quand on sait qu’elle a été un acteur incontournable dans l’organisation des élections de 2018 et de 2020 ?
En attendant la proclamation par la Cour constitutionnelle des résultats définitifs du référendum constitutionnel du 18 juin dernier, les regards se tournent désormais vers les autres échéances et notamment les élections des députés, dont le premier tour est prévu pour le mois d’octobre prochain et le second tour en novembre. L’Etat malien pourrait-il donc tenir ce calendrier, qui plus est sans l’aide de l’Onu dont la mission militaire est sur le départ ?
Selon des sources neutres, « une collaboration serait toujours possible ». À en croire cette source, « le conseil de sécurité a demandé à la Minusma, qui va quitter le pays d’ici à la fin de l’année, de collaborer avec les autorités de transition en vue de la poursuite de certaines missions comme l’organisation des élections ».
Selon Salia Kariba Traoré, coordinateur de projet à la Cocem, la Coalition des observations citoyennes des élections au Mali. Selon lui : « Le Conseil de sécurité demande justement à l’équipe onusienne présente au Mali de trouver des arrangements financiers pour permettre à ses représentants diplomatiques de pouvoir prendre le relais, afin de s’assurer que la coopération puisse être supervisée et accompagnée ». Mieux, « nous pensons également que les agences onusiennes présentes au Mali peuvent aider les autorités de transition à organiser les élections à venir, si toutefois l’Etat décide de leur demander de l’aide », espère-t-il.
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Quid de la question de la sécurité
Un autre point qui suscite des interrogations, c’est la sécurisation du scrutin en l’absence de la mission de l’Onu. Notamment dans le nord du pays, dans des villes comme Kidal et Ménaka, où le référendum constitutionnel n’a pas pu se tenir, en raison de l’opposition des anciens rebelles Touaregs et aussi des groupes djihadistes.
Selon Abdoul Sogodogo, maitre de conférences en sciences et relations internationales, cette question pourrait être tranchée si de nouveaux partenaires sont sollicités. « Je crois que ce n’est pas une mission impossible parce que ce n’est pas pour demain l’élection présidentielle. Je crois que les autorités de transition ont le temps de se réévaluer, de se réorganiser, de voir aussi avec d’autres partenaires, pour assurer les fonctions qui étaient par le passé assurées par la Minusma, notamment le transport du matériel de vote dans les zones dites difficiles », espère-t-il.
Juriste de son état, Mohamed Sangaré à Ségou, a laissé entendre que c’est l’occasion propice pour le Mali de mettre en exergue sa volonté de souveraineté et la montée en puissance de son armée. « Quand on prend une décision, il faudra en assumer les conséquences. On sait tous que la Minusma, hormis les patrouilles et les missions de sécurisation, joue un très grand rôle logistique pour notre pays. Avec son départ acté, nos autorités prendront entièrement la responsabilité de tout ce qui arrivera et personne ne viendra les aider à la réussite de ces élections tant attendues par les Maliens », dira-t-il. Cependant, il a mis un accent particulier sur l’aspect sécuritaire qui selon lui sera un vrai défi.
Aux dernières nouvelles, l’autorité indépendante de gestion des élections, structure essentielle dans la tenue des différents scrutins n’a fait aucun commentaire sur la question. Pour certains observateurs avisés, une grande partie du nord ne prendra pas part aux scrutins par peur des représailles des différents groupes armés qui auront beaucoup plus de mobilité avec le départ des soldats de la paix.
Ahmadou Sékou Kanta
Le Soft